Livres rares et revues anciennes de théâtre et de danse

Livres rares et revues anciennes de théâtre et de danse

Livres rares et revues anciennes de théâtre et de danse photo-1Le passionné de théâtre ou de danse tout comme le chercheur, sera déçu s’il  cherche dans Paris des livres ou des revues anciennes;
Hausse des loyers oblige, les librairies théâtrales ont en effet disparu, sauf Le Coupe papier,  rue de l’Odéon et La Librairie théâtrale  près de l’Opéra-Comique. Mais elles qui  vendent surtout  des livres récents. Le Coupe papier a cependant un grand stock de revues comme la fameuse Tulane Drama Review source d’une richesse exceptionnelle sur le théâtre des années soixanet: bon à savoir…
Et ailleurs? Pour les revues et journaux, il faut aller découvrir La Galcante, une librairie spécialisée en presse ancienne, fondée en 1975 par Christian Bailly, décédé en 2002 qui était le président de l’association du Musée de la Presse. Cette librairie sur 1.200 m2 contient quelques trésors du passé.
La Bibliothèque Nationale de France et d’autres institutions font appel à ce lieu pour la recherche de tel ou tel document ancien. Au sous-sol, les journaux Comœdia sont conservés depuis 1909;  des revues comme Le Théâtre et  Comœdia illustré se trouvent au rez-de-chaussée avec d’anciens programmes de tous les théâtres parisiens et de province.  On découvre avec bonheur les numéros du Théâtre des Nations qui révélait le Berliner Ensemble ou le Living Theatre, ou de trouver  le programme d’une pièce méconnue de Sacha Guitry, jouée au théâtre de la Madel
photo-2-225x300eine en 1940.
Dans le registre plus spécifique des livres anciens, il faut  aller à Clamart chez Marc Sainte-Marie qui a tenu pendant quatorze ans un stand de livres anciens pendant le Festival d’Avignon. Il possède un catalogue très complet de plus de mille livres sur le spectacle qu’il édite chaque année. Marc Sainte-Marie a, entre autres, racheté la bibliothèque du décorateur Roger Hart 
et du grand metteur en scène Charles Dullin. Il y a aussi une cinquantaine de livres et documents sur Les Ballets Russes et environ 440, sur l’histoire du théâtre de 1788 à nos jours.
Parmi ses correspondants et clients: le Centre National de la Danse, la Bibliothèque de l’Opéra de Paris ou l’ENSATT à Lyon.  Passionnés ou chercheurs pourront donc se croiser dans ces lieux où l’ère numérique n’a pas encore fait de ravages… Allez vous perdre et découvrir ce beau voyage dans le passé du spectacle.

Jean Couturier

www.lagalcante.com

www.franceantiq.fr/slam/sainte-marie


Archive pour février, 2012

J’étais dans ma maison

J’étais dans ma maison et j’attendais que la nuit tombe de Jean-Luc Lagarce,  mise en scène de  Catherine Decastel.

     J'étais dans ma maison MG_5401bis-300x282Jean-Luc Lagarce est sans doute maintenant (1957-1995) l’un des auteurs français les plus joués, à la fois par nombre de jeunes compagnies mais aussi à la Comédie-Française… Il est même aussi cette année au programme de l’agrégation de lettres classiques, modernes et de grammaire. Ce qu’on appelle la gloire posthume et qui aurait bien fait sourire Lagarce, si peu joué de son vivant…Nous ne l’avions connu que lors d’une brève rencontre autour d’un café quand,très amaigri, il  avait quand même tenu à venir  à Chaillot nous apporter pour un article, une photo de La Cantatrice chauve qu’il avait si bien mis en scène. Quelques mois plus tard, il mourrait du sida.
Catherine Decastel a  choisi de mettre en scène cette pièce  qui n’est peut-être pas la meilleure des vingt-cinq qu’il a écrites mais qui est sans doute la plus attachante. Il n’y a pas à vrai dire de véritable scénario; la mère et les sœurs d’un jeune homme qui revient à la maison mais qui restera silencieux. Elle sont là terriblement présentes et parlent beaucoup, parfois en boucle, avec violence, dans un ultime sacrifice, dans un un ultime exorcisme, pour dire leur amour frustré, leur exigence. Il y a autant d’amour que de haine, si bien que l’on ne sait plus très bien où elles veulent en venir. J’étais dans ma maison devinent  ainsi comme un long poème à la fois dit et chorégraphié.  Un texte parfois inégal mais écrit dans une langue admirable surtout dans  les dernières dix minutes.
Catherine Decastel a bien su diriger ses  Anaïs Pénélope Boissonnet, Emilie Coiteux, Clémence Laboureau, Aurélia Pénafiel, Noémie Sanson qui ont une impeccable diction, ce qui, par les temps qui courent, est plutôt rare mais aussi une belle gestuelle, et il faut saluer la rigueur et l’intelligence de cette mise en scène, d’autant plus que les cinq  comédiennes restent sur le petit plateau des Déchargeurs pendant 75 minutes autour de Florent Arnoult dans le personnage du frère absent dans le texte original. « Les actes ne commencent-ils pas par des mots » fait remarquer Catherine Decastel ». C’est bien ce qui sous-entend la pièce de Lagarce et ce déferlement d’affection  et de règlements de comptes au sein de la cellule familiale. Ces cinq femmes ont besoin évident de vider leur sac après la longue  attente de l’être aimé dont la réapparition  révèle paradoxalement chez elles un terrible manque. Et cela, la metteuse en scène le fait remarquablement sentir
Au chapitre des bémols, les robes noires longues ou courtes, pas très bien coupées mériteraient d’être revues, et par ailleurs, ce maquillage blanc tout à fait intelligent, qui donne une comme une unité familiale à ces   visages de jeunes femmes, finit par se mettre un peu partout sur les robes , et c’est  dommage. Mais si vous voulez faire connaissance avec cette pièce assez peu jouée,  ou  bien avec Lagarce, c’est vraiment l’occasion.

Philippe du Vignal

Théâtre des Déchargeurs jusqu’au 3 mars.

Les textes de Jean-Luc Lagarce sont édités aux éditions des  Solitaires intempestifs

Le Bourgeois gentilhomme

Le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet de Molière et Jean-Baptiste Lully, mise en scène  de Catherine Hiegel

 

  Le Bourgeois gentilhomme le_bourgeois_gentilhomme-300x199Catherine Hiegel propose  une mise en scène enlevée et enjouée du Bourgeois gentilhomme. Dans le rôle-titre, François Morel, dont le côté simple, naïf et naturel lui permet de camper un monsieur Jourdain idéal (nous vous laissons découvrir ses chausses, littéralement exceptionnelles !).
La metteuse en scène a su créer une véritable dynamique de groupe. Les comédiens forment un tout très solidaire et à l’écoute. De Madame Jourdain au professeur de chant, de Covielle à Cléonte, tous dégagent une belle énergie (voir les passages dansés), et séduisent.
Par ailleurs, tout en respectant le cadre de l’époque classique, Catherine Hiegel a su insuffler une touche très personnelle à la dramaturgie. On a presque l’impression d’entendre la pièce comme si c’était la première fois. Un véritable tour de force.
Dans le public nombreux, tous les âges sont représentés, ce qui montre bien la force de cette pièce à réunir en un même lieu des gens très différents.  Les rires des enfants (vacances scolaires obligent) attestent que les gags moliéresques fonctionnent toujours cinq cents ans après leur création.
À noter, les costumes (Patrice Cauchetier) et le décor tout en tentures et panneaux peints (Goury), vraiment superbes. Quant à la présence de musiciens sur scène (ensemble baroque La Rêveuse), elle est des plus appréciables. Un spectacle qui ravira ceux qui souhaitent (re)découvrir un classique dans une mise en scène convaincante, ou les fans de François Morel.

Barbara Petit

Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin (75010), réservation 01.42.08.00.32, www.portestmartin.com

 


Dans les yeux de Léo

Dans les yeux de Léo d’après À vue d’œil de Philippe Dorin.

Dans les yeux de Léo GGG2-g2-dans_les_yeux_de_le-2-300x300Curieux petit spectacle  au Théâtre aux mains nues qui, avec obstination, depuis des années, accueille au fin fond du 20 ème, les arts de la marionnette.Curieux parce qu’ issu d’un conte  de Philippe Dorin, lui-même bien connu  pour ses pièces destinées en particulier au jeune public. Sans doute, l’étrangeté vient de cette situation un peu hybride : Dans les yeux de Léo n’est ni un spectacle, ni un conte à la première personne. D’accord, ce n’est pas nouveau, cela s’appelle adaptation  mais ici, on ne sait trop qui parle pour Léo, maman Léa, le peintre qui sera peut-être le papa, la maîtresse d’école, les enfants, les adultes…
Léo manque un peu de consistance : il se balade dans ses différents univers: maison, école, atelier de peintre,et erre dans  pas mal d’ endroits , mais tout le monde parle pour lui, vit pour lui… Il faut vraiment s’accrocher-mais, en fait, on est accroché- à ce petit bonhomme, sans yeux-maman Léa a « oublié » de les faire- mais qui les retrouve en mieux, à la fin , bien sûr.
L’histoire – spectacle  réquisitionne tout, mais vraiment tout, ce qui est à la portée d’un enfant  et  transforme une planche à repasser en berceau, en navire… une carte de géographie en classe d’école (où donc se situe la Lituanie ?), ou une canette ou de vieux gants zen caoutchouc, en  fusée et couronne de reine…
Parfois, c’est un peu noir ou triste, mais ce conte-spectacle permet aux jeunes spectateurs de voir le monde autrement.


Mireille Sibernagl

 

Théâtre aux Mains Nues Square des Cardeurs 75 020 Paris,  jusqu’au 26 février.
T: 01 43 72 60 28

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L’etoile d’Alger

L’Étoile d’Alger d’Aziz Chouaki, mise en scène et chorégraphie de Farid Ouichouene.

Un jeune chanteur Kabyle se rêve en Michael Jackson à Alger dans les années 90. Il a transformé son prénom de Meziane en Moussa Massy ! Il vit avec sa famille de 14 personnes, dans trois pièces, il s’en échappe en dansant devant un rideau lamé et un mur images avec sa partenaire Fatya dont il est amoureux sans pour autant oser la toucher.
Le couple exécute un ballet étincelant, mais,  las, la gloire n’est pas au bout du chemin. Il suit les conseils d’un ami qui prêche le retour à l’Islam et finit par se laisser pousser la barbe et poursuivre de ses imprécations ceux qui s”écartent du droit chemin de la religion.
Malgré une belle maîtrise chorégraphique, le final de ce spectacle fait froid dans le dos, surtout quand on vient d’achever la lecture du journal de Mouloud Ferraoun, grand écrivain indépendant assassiné en 1962, à la veille de l’indépendance de l’Algérie !

Edith Rappoport

Maison des Métallos, jusqu’au 26 février T:  01 48 05 88 27

Brassens n’est pas une pipe

Brassens n’est pas une pipe, spectacle musical mis en scène de Susana Lastreto, arrangements musicaux d’Annabel  de Courson et Jorge Migoya.
Cela se passe au Théâtre Dejazet, du nom d’une comédienne Virginie Dejazet, espiègle et drôle, qui a joué dans de très nombreuses pièces et qui est morte en 1875.   C’est là aussi qu’ a officié récemment le candidat François Hollande.Voilà, vous aurez moins appris quelque chose!
Bon pour en revenir à ce Brassens n’est pas une pipe, dont le titre est évidemment emprunté à René Magritte, c’est une sorte d’hommage au plus aimé des chanteurs du 20 ème siècle qui,  comme chacun sait, repose depuis trente ans cette année, non avec Valéry et Vilar au fameux cimetière marin de Sète, sa ville natale, mais à celui dit « des pauvres « qui domine l’étang de Thau. Après tout , c’est peut-être mieux comme cela.

Donc, Susana Lastreto est partie à la rencontre de cet homme incroyable,  en utilisant pas mal de ses chansons parmi les 197 qu’il a écrites avec entre autres: La mauvaise Réputation, La Cane de Jeanne, Pauvre Martin, Le Fossoyeur, Brave Margot, Chanson pour l’Auvergnat, et des poèmes ou des phrases de lui mais aussi de petits textes écrits de son cru .
« Depuis toujours la compagnie GRRR mêle théâtre et musique et affirme son amour pour le music-hall, le cabaret et le théâtre de texte ». On veut bien mais cela donne quoi? Pas grand chose d’ intéressant,  malgré la présence de  François Frappier mais qui est mal utilisé, d’Hélène Hardouin, une formidable comédienne-chanteuse qui sait être émouvante sans pathos; il y a aussi les très bons arrangements musicaux de Jorge Migoya au synthé mais qui joue aussi de la contrebasse, et d’Annabel de Courson. Avec ces quatre-là, on pouvait faire quelque chose de ludique et d’un peu  anar …

Malheureusement, Susana Lastreto, en grande robe noire de soirée,  se prend pour une meneuse de cabaret et  le spectacle est pathétique de médiocrité, ou alors,  c’est dans un second degré type cabaret minable  qui rejoint vite le premier. Elle en fait des tonnes, se fait plaisir et bavarde pour introduire les chansons, ou pour faire intervenir le public comme dans les music-halls d’autrefois mais  cela devient vite assez pénible à voir comme à entendre; il n’y a pas vraiment de fil rouge, les costumes sont d’une laideur à crier, les chorégraphies aussi sosottes que la scénographie, et la mise en scène sans  aucun rythme,  la  chose  n’en finit pas de finir… Comme il n’y a pas grand monde dans la salle, c’est encore plus terrible.
Alors que Susana Lastreto aurait pu, avec les talents qu’elle avait, faire les choses simplement et de façon beaucoup plus efficace…Brassens méritait mieux que  ce semblant de spectacle musical mal ficelé. On peut toujours se consoler quand on  entend ses belles mélodies bien chantées mais on reste vraiment sur sa faim.

Philippe du Vignal

Théâtre Dejazet jusqu’au 11 mars.

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Il faut je ne veux pas

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset et Je ne veux pas me marier de Jean-Marie Besset, mise en scène de Jean-Marie Besset.

      Il faut je ne veux pas photo_creation_ilfautjeneveuxpas_1La pièce  date de 1845;  Musset l’écrit  quelque dix ans avant qu’il ne meure à 47 ans seulement, quelque peu oublié, et c’est sans doute l’une de ses plus réussies..  Musset signe là un dialogue étincelant et d’une rare intelligence,  qui  ressemble déjà parfois à ceux de Tchekov et de Guitry.  Une jeune marquise de trente ans, déjà veuve  (on dirait quarante maintenant) a visiblement un penchant pour un voisin qui lui vend du foin et des pommes et qu’elle va emmener le soir au théâtre; elle reçoit un jeune comte libre de tout attachement qui fait l’amour avec de jeunes danseuses de l’Opéra, ce qui était la norme à l’époque.
Mais il aime depuis un bon moment cette marquise libre et  indépendante, et ne sait comment le lui dire… D’autant qu’elle est fort jolie et qu’elle ne manque pas de répartie.

  Cela se passe dans un appartement à Paris, aux murs gris sale (on ne sait pourquoi); il y a un piano droit noir, un canapé de bois noir au tissu  blanc et deux tabourets  en x, du même style, totalement à côté de la plaque.. Malgré une direction d’acteurs assez  flottante et une mise en scène carrément ringarde (des projections par derrière, un faux feu de bois où l’on met une vraie bûche :o n voit alors les flammes qui se projettent sur le mur! )Les deux acteurs, Blanche Leleu qui a un peu de mal au début et Adrien Melin arrivent quand même à s’en sortir tant bien que mal.
Il y a ensuite un petit intermède ridicule où la Marquise indique aux accessoiristes là où il faut mettre les meubles contemporains (tous aux abris!), le décor restant le même pour montrer sans doute  que,  si le les meubles ont changé, les hommes et les femmes, bien des générations et une révolution sexuelle plus tard, sont en proie à des sentiments qui n’ont guère changé, quand il s’agit de mariage c’est à dire de l’organisation d’une vie à deux.
Je ne veux pas me marier est un petite pièce  où un jeune couple: elle , prof agrégée de math  à 22 ans,  enseigne en prépa et lui est un beau banquier: bref, ils n’ont pas de soucis d’argent. Cela fait six mois qu’il vivent ensemble dans l’appartement soit de l’un soit de l’autre mais la date du mariage approche, et elle se sent prise de vertige à l’idée de vivre au jour le jour avec cet homme qu’elle connaît finalement peu, et lui, de son côté,  qui ne sait plus très bien où il en est, n’en mène pas large non plus, d’autant que les jeux sont faits puisqu’elle est enceinte depuis peu.

  Après tout pourquoi pas? Mais ce qui pourrait faire à la rigueur un petit sketch , au mieux sympathique,  est ici pesant est sans intérêt. Musset/Besset, même combat: semble vouloir nous murmurer à l’oreille, l’auteur. D’un côté, la grâce et la finesse de Musset, la formidable modernité d’une langue précise et délicieuse à entendre, mais de l’autre… une petite bouillie banale et sans saveur aucune. Désolé d’être franc mais le dialogue de Besset ne vole guère plus haut que ceux de Plus belle la vie, et l’auteur- metteur en scène mouline-à tel point que cela en devient pathétique- pour essayer d’imposer des personnages qui  sont à peine crédibles et il ne se prive pas de balancer en projection le personnage  de la marquise, sans doute pour bien faire sentir que le problème de la vie deux n’est pas plus simple à résoudre de nos jours, qu’au milieu du 19 ème siècle, malgré la révolution sexuelle d’après 68.
C’est le même acteur qui joue aussi Tigrane le mari, là aussi pour sans doute mieux faire sentir la permanence du couple. Peu  et mal dirigés, Adrien Melin et Chloé Olivères font ce qu’ils peuvent, mais comment donner vie à cette ovni ? A l’impossible , nul n’est tenu…

 Alors à voir? Sûrement pas. Aucune raison, mais vraiment aucune,  de vous faire perdre une soirée,  et  21 euros …

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Œuvre, Paris.  T: O1-44-53-88-88

Vibrations

Vibrations, ( version scène), écriture et mise en scène, conception magique et numérique de Raphaël Navarro et Clément Debailleul, chorégraphie de Fatou Taoré, musique d’Antoine Berland.

  Cette version scène du spectacle réunit trois moments, trois séquences d’un spectacle formidable à la fois dansé mais qui fait aussi appelle à la magie,  concept  trop souvent galvaudé ces derniers temps et dont les metteurs en scène usent et abusent sans trop de scrupules pour gonfler un spectacle qui ne le mérite pas toujours… Ici, rien de tout cela;  aucun élément de décor, simplement une plus petite scène encastrée dans celle de la salle Gémier. Cela commence par un solo de François Chat qui joue avec une longue baguette de bois qui lui obéit en s’enroulant  autour de son corps , dans un impossible équilibre. Il y va aussi des jeux de boules qui virevoltent en laissant derrière elles une trace lumineuse.
 Magique? Oui, magique et vertigineux et c’est toute notre  perception de l’espace et du temps qui est remise en question. Par exemple, avec ce  solo dansé  d’Aude Arago qui fait de son corps ce qu’elle veut et prend des poses impossibles, comme si ce corps lui-même échappait à toute  pesanteur. On est à ce ces moments là dans une sorte de rêve d’une beauté inexplicable. Magique,  mille fois magique, mais  bien sûr,  c’est l’image rendue qui est magique et qui  nous entraine dans une sorte de délire existentiel; elle  résulte d’un immense  travail à la fois de manipulation et de technologie à base d’hologrammes comme ceux, si on a bien compris qu’ont  utilisé des chanteurs de variétés,entre autres Lara Fabian et , bien avant eux, au 19 ème, le théâtre d’opéra  quand il utilisait des miroirs dans la fosse qui réfléchissaient des ombres  ou des fantômes sur la scène.
  On peut reprendre cette phrase de Pierre Kaufmann dans L’Expérience émotionnelle de l’espace: on est ici dans ce qu’il appelle l’irréalisation de l’immanence.  » La chose ne nous est jamais livrée que dans la trace qu’elle nous abandonne, son essence dans le témoignage qu’elle nous rend de son imposture. Et sans doute ne ne sommes donc plus livrés au fantastique. Nous sommes confrontés à sa vérité ». Il y a,  en dernière partie, un ballet où cette foutue vérité du corps  nous échappe,  et où le réel et le virtuel en trois dimensions fusionnent à la fois dans le temps: la même danseuse multipliée cinq fois, présente absente ensuite et continuant à danser avec ses doubles différemment costumés, et dans l’espace.
  Ces Vibrations, impossible à vraiment décrire, qui se rapproche de la danse et du théâtre mais qui n’en est pas vraiment,doit beaucoup à la qualité des lumières signées Laurent Beucher,  nous engage dans  une  expérience émotionnelle d’une rare qualité qui touche au sacré et au métaphysique grâce à un dessaisissement procuré par une réceptivité non pas aliénée mais profondément modifiée de l’être humain en scène. Il a des choses qui ne trompe,nt pas comme ce long silence, après la fin, comme si le public était encore dans un autre état, avant que n’éclatent de longues séries d’applaudissements…
  On regrette seulement que ce court spectacle (une heure) ait été programmé si peu de jours mais,  s’il passe près de chez vous, surtout mais surtout ne le ratez pas..

Philippe du Vignal

Théâtre national de Chaillot  du 14 au 17 février.

http://www.dailymotion.com/video/xir2gz

Phèdre

Phèdre de Racine, mise en scène d’Ophélia Teillaud et  Marc Zammit

 Phèdre Ph%C3%A8dre_Conte-amer1-300x200Arrivé à un certain, âge, le spectateur assidu de théâtre a forcément vu un certain nombre de Phèdre (s). Il est en mesure, comme le mélomane, de goûter et de comparer la lecture, l’interprétation, les découvertes qu’il reste à faire dans la dernière pièce de Racine.
Nous avons affaire ici à une bonne Phèdre. Ophélia Teillaud et Marc Zammit travaillent depuis des années sur le vers, sur Racine. Un travail qui s’apparente à celui des musiciens : déchiffrer, écouter les nuances, pousser la phrase jusque dans ses retranchements pour y découvrir, finalement, la vérité de sa musique.
Et ils trouvent. Avec cette Phèdre, chaque moment est intéressant, même si on n’est pas toujours d’accord. Ainsi, des « vains ornements » de Phèdre, balayés d’un revers de main, inexistants comme dans la plupart des mises en scène, et si génialement trouvés par Vitez qui avait vêtu sa Phèdre d’un costume de la cour du Roi Soleil. Mais peu importe : avec tours et détours, se dessine une Phèdre (Ophélia Teillaud) qui a assurément perdu la raison, égoïste, contradictoire, « monstre » – puisque c’est le mot clé de la pièce et de la mise en scène – de faiblesse.
Hippolyte, lui,  commence un peu trop « à la mitraillette », mais on voit ensuite affleurer l’adolescent rebelle, reculant d’autant plus devant l’abîme de l’amour qu’il bout davantage… Marc Zammit, lui,  joue le double rôle de Théramène et de Thésée – le bon et le mauvais père, pour simplifier -, laissant affleurer, là encore, la part de comédie qu’il y a chez Racine.
La mise en scène qui fait « danser le corps du texte » n’a rien d’insistant, suggère mais n’impose pas ses trouvailles. La dernière : en jouant la pièce jusqu’au bout, c’est-à-dire en abandonnant Phèdre à sa mort désirée et en mettant le point final à la question du pouvoir, la mise en scène suggère un rapprochement inattendu avec Shakespeare. Il fallait que le fils mourût pour que fût possible la réconciliation des familles ennemies (je ne résume pas l’histoire d’Aricie : tous, à vos petits classiques).
Les comédiens ont  la qualité de ne jamais « laisser tomber ». Peu importe qu’Œnone soit plus jeune que Phèdre : elle joue avec assez d’engagement pour faire admettre la convention. Aricie est aussi belle que juste, Panope arrive à être un vrai personnage.
En un mot, une belle Phèdre, qui ouvre des voies inédites, et en laisse d’autres encore à explorer. Destin des chefs d’œuvre…

Christine Friedel

Théâtre Mouffetard – 01 43 31 11 99 – jusqu’au 25 février

Noces

Noces, textes de Laurent Contamin, Benoît Szalow, Carlotta Clerici, Roland Fichet, Dominqiue Wittorski, Luc Tartar et Carole Thibaut, mise en scène de Gil Bourasseau et Cécile Tournesol.

 Noces Capture-d’écran-2012-02-20-à-09.50.43-300x200« C’est, nous dit-on, l’exploration d’une noce, de ses coulisses , ses dessous, ses dedans, ses abords, ses abords et avec elle tout un cortège de représentations. Mille facettes pour s’amuser de la représentation de l’homme, de la femme et de ce qui les relie. Les courtes fables qui constituent Noces présentent autant de rires et de petites cruautés, décalages et démesures, grandes méchancetés et tendresses humaines… Un spectacle survitaminé  » (sic).
 Quand on lit dans une note d’intention que le spectacle est survitaminé, on peut tout craindre de cette vulgarité et on a raison… Le mariage  est un vieux thème théâtral: Beaumarchais, Brecht, Gogol, Labiche, et de nombreuses pièces de boulevard…
Ces  » fantaisies  nuptiales pour quatre acteurs » ne sont pas une véritable pièce  mais rassemblent huit  sketches d’auteurs contemporains: ce n’est pas d’une grande originalité, mais après tout,  pourquoi pas? Cela dit, l’exercice est périlleux et, ici, il n’y a pas de véritable unité,  pas de  qualité d »écriture, sauf le dernier-remarquable-signé Carole Thibaut, où il y a enfin une véritable intelligence  dramaturgique  et de vrais personnages.

  Pour le reste, dès les premières minutes, on sent que l’affaire est mal partie; la mise en scène, sans solide direction d’acteurs, n’évite aucune facilité, et  va cahotant , sans rythme, d’un sketche à l’autre, entrecoupée de petites chansons; quant aux  acteurs, après un démarrage assez poussif, ils font un travail honnête mais, pas vraiment dirigés, ne semblent pas  à l’aise, et Anne de Rocquigny sourit et  surjoue sans raison… On s’ennuie donc assez vite.
 Alors à voir?  Sûrement pas. Nous chercherions en vain les raisons de vous envoyer voir la chose en question,  sinon encore une fois, pour le texte de Carole Thibaut. Mais ces quelques minutes  ne peuvent constituer  une soirée. Le Théâtre de Belleville, dont le petite salle est accueillante, devrait veiller davantage à la qualité de sa programmation… si elle veut fidéliser un public.

Philippe du Vignal

Théâtre de Belleville jusqu’au 18 avril.

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