Pierre ou les ambiguïtés

 Pierre ou les ambiguïtés, d’après le roman Pierre ou les ambiguïtés et L’Escroc à la confiance d’Herman Melville, mise en scène Olivier Coulon-Jablonka.

Pierre ou les ambiguïtés atheatre2_3220Pierre mène avec sa mère veuve – (qu’il appelle « ma sœur » !) une douce vie de gentleman campagnard, aux côtés d’une non moins douce fiancée. Un jour, ce jour-là, le jour décisif de la tragédie, il rencontre la flamboyante et pauvre Isabelle qui lui fait une révélation terrible : elle est sa sœur. Autrement dit, son père, leur père, l’irréprochable, a fauté. Pierre prend la seule décision possible : épouser sa sœur (Isabelle) pour qu’elle porte le nom de son père sans que celui-ci soit déshonoré. Et quitter sa vie privilégiée pour fonder une communauté d’artistes et d’intellectuels voués au vrai. La fiancée initiale se joint à cette famille recomposée, tout le monde souffre de la misère et le « héros » meurt, seul, ignoré et incompris.
On imagine ce qu’Ibsen aurait fait de cette histoire, de cet empilement d’incestes symboliques – donc réels -, et de cette quête de liberté et de vérité. Mais telle quelle, elle ne convainc pas. Le metteur en scène et le collectif Moukden ont voulu mettre trop de choses dans cette cuisine. D’un côté, une invention théâtrale scrupuleuse fait qu’on a droit, de façon assez plaisante, à des morceaux de récits, entrecoupés de petite scènes, de « songs » brechtiens, d’intermèdes tout simplement hilarants et d’interpellations du public, et de l’autre, le désir de bourrer tout cela de sens et de mêler escroquerie à l’ambiguïté nous perd.
« Hamlet était le drame de l’inaction. Pierre ou les ambiguïtés (1852) est celui d’un trop grand vouloir », dit le metteur en scène, qui veut y voir la réponse au précédent spectacle de la compagnie, Chez les Nôtres.
Sans doute. Oui. Mais… Le squelette de cette épopée individuelle ne tient pas, elle a le souffle court. L’appel au monde d’aujourd’hui ne s’entend pas. Le « nom du père » a perdu sa force, semble-t-il, et le moteur de ce Pierre a perdu de sa puissance.
Le jeu « non théâtral » des comédiens fonctionne parfois très bien, avec le charme d’une conversation familière. Parfois non : on a envie de mieux entendre, de n’être pas si souvent abandonnés aux « temps morts » qui sont réserve de vie, certes, mais… Les inventions scéniques ne manquent ni d’originalité ni de charme, mais ces trois heures et demi d se font trop lourdement sentir..

 Christine Friedel

Théâtre de l’Echangeur

Du 6 au 25 février 2012 à l’Echangeur à Bagnolet.

 (du lundi au samedi à 20h30 | le dimanche à 17h00 | relâche les mardis & mercredis
• 29 février, 1er mars 2012 à 19h15 et 2 mars 2012 | 20h30 | Théâtre La Vignette – Université Paul Valéry – Montpellier.
• 27 mars 2012 à 20h30 et 28, 29 mars 2012 | 19h00 | Nouveau Théâtre – CDN de Besançon et de Franche-Comté.

 

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