Bloed et rozen
Bloed & rozen (sang & roses) de Tom Lanoye, mise en scène de Guy Cassiers, (en néerlandais surtitré).
Le spectacle présenté la saison dernière dans la cour d’Honneur du Palais des Papes d’Avignon, est un bon exemple du savoir-faire de Guy Cassiers, maître du mariage du jeu théâtral et de la vidéo.
Cette adaptation des vies de deux mythes de l’histoire de France, Jeanne d’Arc et Gilles de Rais, est fondée sur un travail de recherche historique qu’a effectué avec précision Tom Lanoye. Le metteur en scène et l’écrivain dénoncent tous les deux le pouvoir judiciaire destructeur de l’église catholique de l’époque. Le jeu des acteurs très juste est dominé par deux personnalités exceptionnelles, Abke Haring (Jeanne d’Arc) et Johan Leyse (Gilles de Rais), que nous avions vu la saison dernière dans Bulbus au Théâtre National de la Colline.
La belle chorale du Collegium Vocale de Gand donne une dimension sacrée aux images. Mais les costumes d’allure médiévale posent un problème d’interprétation: ils ont tous, (sauf celui de Jeanne) un complément en marionnette dépourvue de tête, qui semble s’accrocher, à chacun des personnages et dont les mains sont placées de telle façon qu’elles semblent avoir un sens précis !
La projection en fond de scène, donne une autre dimension au jeu théâtral. Et quand les murs majestueux de la Cour d’honneur apparaissent sur l’écran, la dimension cinématographique du récit prend alors tout son sens: cela donne, sans aucune connotation péjorative, un côté Rois maudits , célèbre adaptation télévisée des années 70 du roman de Maurice Druon. De très belles scènes resteront dans la mémoire du public. Comme cette projection en ombres chinoises des personnages au lointain qui n’est pas sans rappeler, les images du Soulier de satin de Paul Claudel, mis en scène par Antoine Vitez en 1987.
La scène de Jeanne au bûcher est impressionnante: Guy Cassiers a filmé l’image de la vierge qui surplombe la cathédrale Notre-Dame des Doms d’Avignon, et l’a colorée en rouge. En faisant osciller l’image, il la fait ainsi incarner le feu destructeur. Jeanne d’Arc comme Gilles de Rais sont donc tous deux, chacun à leur manière, selon le metteur en scène, victimes de la religion. Gilles de Rais se souvient de Jeanne: « Sa petite tête s’est mise à bouillir » et prévient ses compatriotes: « Je vous surpasserai tous dans l’ignominie ».
Le metteur en scène laisse à cette incarnation du mal, les derniers mots, plein de sens, avant l’ exécution de Gilles de Rais, quand il se présente à l’avant-scène: »Moi, je vous sauverai autrement, à l’envers ! Expions ensemble, vous et moi! Amen ».
Jean Couturier
Théâtre de l’Odéon puis en tournée aux Pays-Bas et en Belgique