Prométhée enchaîné
Prométhée enchaîné d’Eschyle, texte français, adaptation & mise en scène d’Olivier Py.
Ce Prométhée est la seule pièce conservée et peut-être la première d’une trilogie dont les autres pièces-perdues- seraient un Prométhée délivré et Prométhée porte-feu du le célèbre auteur des Perses et de l’Orestie. Prométhée (Le Prévoyant, en grec) est un Titan qui a dérobé le feu de l’Olympe pour l’offrir aux mortels. Mais Zeus ne supporte pas cet affront et le condamnera à finir enchaîné par Héphaïstos un artisan, à un rocher du Caucase, avec l’aide de Pouvoir et de Force. Le chœur des Océanides condamnera la tyrannie du roi de Dieux . Il y a aussi Io qui vient raconter à Prométhée son rêve: faire l’amour avec Zeus et Prométhée sait qu’elle donnera naissance à Héraclès qui le libérera… Héraclès envoyé par Zeus cherche lui à obtenir de Prométhée ce secret mais celui-ci refusera, et Zeus provoquera la foudre qui fera tomber les rochers sur lui ; il enverra aussi son aigle lui manger le foie.
L’œuvre d’Eschyle tient plus d’un long poème, aux références mythologiques pas toujours évidentes quelque vingt cinq siècles après, mais, comme le remarquait finement Pierre Vidal-Naquet » les problèmes qui affleurent dans la pièce, ceux des rapports entre le pouvoir et le savoir, entre la fonction politique et la fonction technique, ces problèmes-là n’ont peut-être pas fini de nous tourmenter ». Et on comprend que ce Prométhée continue à fasciner nombre de metteurs en scène, comme Stéphane Braunschweig il y a une dizaine d’années et maintenant Olivier Py, grand admirateur du théâtre d’Eschyle.
Py avait déjà monté L’Orestie (voir Le Théâtre du Blog), et surtout, avec beaucoup de succès Les Sept contre Thèbes dans une version « poche » interprétée par quelques comédiens. Cette fois, il reprend cette même formule sur le grand plateau des Ateliers Berthier. Soit une scène à l’envers avec les traditionnels Jardin à gauche et Cour à droite puisque nous somme censés être du côté scène, avec les comédiens. Il y a même une petite rampe, une table de maquillage, et la sacro-sainte servante (ampoule sur un axe de fer qui éclaire la scène en dehors de spectacles) qui est un peu comme la marque de fabrique /fétiche de nombre de spectacles d’Olivier Py. Et en fond de la scène, quelques rangées rangées de fauteuils d’une vraie salle, une table de répétitions avec sa lampe et un tas de papiers de régie. Bref, une fois de plus, la vieille recette du théâtre dans le théâtre.
Convaincant? Pas trop. On comprend que le metteur en scène ait voulu éloigner la pièce d’Eschyle de tout décor réaliste (type faux rocher). Mais on ne voit pas très bien ce que cette scénographie si souvent employée peut apporter… Au début, pour en rajouter une petite louche dans la distanciation, il y a un jeune homme assis qui surfe sur son Mac. Bon… Et trois acteurs seulement : Céline Chéenne qui interprète le texte du chœur des Océanides, Xavier Gallais (qui est successivement Héphaïstos, Océan, Io, Hermès , Pouvoir et Force), et Olivier Py qui s’est gardé Prométhée. Pourquoi pas? Xavier Gallais est assez crédible surtout au début dans Héphaïstos, comme l’est aussi Céline Chéenne mais on comprend mal pourquoi Olivier Py tape sur les mots, crie très souvent, comme pour être plus convaincant, et là, bien entendu, cela ne fonctionne pas. Même si le texte d’Eschyle a de fulgurantes beautés, le sens de la mise en scène nous a quelque peu échappé d’autant qu’Olivier Py a revisité le texte en y mettant à la fin sa petite touche personnelle au parfum catho pur jus, ce qui n’était pas vraiment indispensable à la compréhension du fameux mythe.
Comme le spectacle est court (une heure seulement), on n’a pas le temps de décrocher mais on n’est quand même pas très séduit par la proposition …
Alors y aller ou pas? Oui, si on aime le travail d’Olivier Py, dont le mandat s’achève à l’Odéon après décision du prince, et qui va devenir directeur du Festival d’Avignon, mais ce n’est sans doute pas le meilleur spectacle à conseiller quand on veut rencontrer l’immense Eschyle. Et Olivier Py nous aura offert des spectacles plus intéressants. Donc, à vous de voir…
Philippe du Vignal
Ateliers Berthier 17ème, jusqu’au 19 février.