Soirée Algérie
Soirée Algérie 1962-2012 au Théâtre de l’Odéon.
Cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie: l’Odéon vient de consacrer une soirée émouvante à ce pays aimé par des Français qui ont dû le quitter mais qui y ont conservé des amis algériens, malgré les horreurs de la guerre et des crimes commis par l’OAS.
Salle bourrée de spectateurs enthousiastes qui applaudissent longuement…On retrouve à la fin de la soirée, des petites-filles de Mouloud Ferraoun installées en France qui n’ont connu leur grand-père qu’à travers ses écrits. Olivier Py, né en Algérie, a réalisé un film Méditerranée, à partir des images enregistrées par sa mère avec une caméra Super huit: on y voit un couple jeune et heureux, les grand-mères, les tantes et Olivier Py petit enfant Aucune image des violences de la décolonisation, mais celles d’un jeune, couple toujours souriant, dont les enfants se baignent au soleil, et l’amour d’une terre où se sont succédé plusieurs générations de colons.
On voit aussi son père qui va faire son service militaire en France, dans un camp où nombre de familles algériennes se sont réfugiées dans des conditions lamentables pendant des années . À la fin du film, la mère d’Olivier Py, va, avec sa petite Fiat, via l’Espagne, se réfugier en France. Le couple s’éloigne, la nostalgie est irrémédiable. Mais pas, ou peu d’images d’Algériens…
Le Contraire de l’amour, journal de Mouloud Ferraoun, mis en scène par Dominique Lurcel, apporte un autre éclairage à la soirée. Interprété par Samuel Churin accompagné par Marc Lauras au violoncelle, le spectacle, simple est bouleversant, retrace le chemin douloureux parcouru de 1955 à 1962 par cet instituteur qui aimait la France… Un plancher disjoint, une chaise, un fauteuil rouge,c’est tout mais Samuel Churin fait porter loin la douleur de Mouloud Ferraoun, assassiné quinze jours avant la libération de l’Algérie. L’amitié n’était plus possible entre les colons français et les Algériens :”Ce Français chez qui ils viennent travailler, gagner leur pain, c’est lui, l’ennui, c’est lui, la cause de leur malheur (…) Ce ne sont plus des maîtres, des modèles ou des égaux, les Français sont des ennemis (…) Ils étaient civilisés, nous étions des barbares. Ils étaient chrétiens, nous étions musulmans. Ils étaient supérieurs, nous étions inférieurs.”
Dominique Lurcel, discret et toujours pertinent, avait avait créé sa compagnie, Les Passeurs de mémoire, en 1997. Il travailla, aux côtés d’Armand Gatti dans un lycée autogéré où il professait. Il a créé de nombreux spectacles dont Mange moi de Nathalie Papin, Nathan le sage de Lessing, Une Saison de machettes de Hatzfeld et Les Folies coloniales à partir du journal de son grand père, et l’Exception et la règle de Brecht (voir Le Théâtre du blog)… Le Contraire de l’amour avait été présenté à Avignon l’an passé et doit poursuivre sa carrière en Algérie.
Edith Rappoport
passeursmemoire.free.fr
Mouloud Ferraoun Journal 1955-1962 éditions Points, 492 pages, 8€