Phèdre
Phèdre de Racine, mise en scène d’Ophélia Teillaud et Marc Zammit
Arrivé à un certain, âge, le spectateur assidu de théâtre a forcément vu un certain nombre de Phèdre (s). Il est en mesure, comme le mélomane, de goûter et de comparer la lecture, l’interprétation, les découvertes qu’il reste à faire dans la dernière pièce de Racine.
Nous avons affaire ici à une bonne Phèdre. Ophélia Teillaud et Marc Zammit travaillent depuis des années sur le vers, sur Racine. Un travail qui s’apparente à celui des musiciens : déchiffrer, écouter les nuances, pousser la phrase jusque dans ses retranchements pour y découvrir, finalement, la vérité de sa musique.
Et ils trouvent. Avec cette Phèdre, chaque moment est intéressant, même si on n’est pas toujours d’accord. Ainsi, des « vains ornements » de Phèdre, balayés d’un revers de main, inexistants comme dans la plupart des mises en scène, et si génialement trouvés par Vitez qui avait vêtu sa Phèdre d’un costume de la cour du Roi Soleil. Mais peu importe : avec tours et détours, se dessine une Phèdre (Ophélia Teillaud) qui a assurément perdu la raison, égoïste, contradictoire, « monstre » – puisque c’est le mot clé de la pièce et de la mise en scène – de faiblesse.
Hippolyte, lui, commence un peu trop « à la mitraillette », mais on voit ensuite affleurer l’adolescent rebelle, reculant d’autant plus devant l’abîme de l’amour qu’il bout davantage… Marc Zammit, lui, joue le double rôle de Théramène et de Thésée – le bon et le mauvais père, pour simplifier -, laissant affleurer, là encore, la part de comédie qu’il y a chez Racine.
La mise en scène qui fait « danser le corps du texte » n’a rien d’insistant, suggère mais n’impose pas ses trouvailles. La dernière : en jouant la pièce jusqu’au bout, c’est-à-dire en abandonnant Phèdre à sa mort désirée et en mettant le point final à la question du pouvoir, la mise en scène suggère un rapprochement inattendu avec Shakespeare. Il fallait que le fils mourût pour que fût possible la réconciliation des familles ennemies (je ne résume pas l’histoire d’Aricie : tous, à vos petits classiques).
Les comédiens ont la qualité de ne jamais « laisser tomber ». Peu importe qu’Œnone soit plus jeune que Phèdre : elle joue avec assez d’engagement pour faire admettre la convention. Aricie est aussi belle que juste, Panope arrive à être un vrai personnage.
En un mot, une belle Phèdre, qui ouvre des voies inédites, et en laisse d’autres encore à explorer. Destin des chefs d’œuvre…
Christine Friedel
Théâtre Mouffetard – 01 43 31 11 99 – jusqu’au 25 février