Dom Juan
Dom Juan de Molière, mise en scène de René Loyon.
Philippe du Vignal avait rendu compte de ce spectacle, ici, il y a un an, à sa création. Il avait déjà toute sa qualité, avec la légère acidité des vins jeunes. Mais une année de tournée, même discontinue, a bonifié le spectacle.
Le duo Don Juan-Sganarelle (Clément Bresson et Yedwart Ingey) fonctionne mieux que jamais, dans une complicité et un attachement douloureux, désespérés, de la part du valet confident, et exaspérés et sadiques du côté du maître.
Les rôles féminins ont pris de la force: dans sa seconde scène, Elvire (Claire Puygrenier) ose laisser parler l’amour qu’elle garde pour Don Juan tout en lui disant, non,pour la première fois. Charlotte est sans calcul et sans coquetterie, « fan » – comme Mathurine – de la « pop-star » qu’est le grand seigneur, épouseur à toutes mains , mais elle reste fière et fidèle aux valeurs de son enfance et de son village.
Il faut parler encore de Jacques Brücher, qui joue successivement tous les gêneurs qui entravent la route et les plaisirs de Don Juan : il joue chaque rôle (sept, de Gusman au Commandeur!), comme s’il ne jouait que celui-là, et incarne chacun, sans jamais oublier l’idée au profit du personnage ni l’action au profit de l’idée.
Bien au-delà d’une performance de Fregoli, il est alors, plus qu’un bon acteur, un grand acteur. Il faut revenir sur le Don Juan de Clément Bresson : il ne laisse pas un instant son personnage – ni les autres – au repos, toujours habité, tout le temps dans l’action, harcelé par la peur de l’ennui – très pascalien – et par un défi à un Dieu auquel il ne croit pas.Ce Dom Juan a pris de la bouteille, et de la meilleure. À voir.
Christine Friedel
Théâtre de l’Atalante jusqu’au 26 mars. T: 01 46 06 11 90 –