Se trouver

Se trouver de Luigi Pirandello, traduction de Jean-Paul Manganaro, mise en scène de Stanislas Nordey.

 Se trouver  se-trouverCette pièce en trois actes, assez peu jouée du célèbre auteur sicilien, a été écrite  en 1932, donc juste après Comme tu me veux  (1929), et  avant Les Géants de la montagne sa dernière pièce (1936). Pirandello mourrait cette même année.
Comme le souligne Jean-Paul Manganaro, ces trois pièces ont été dédiées à la comédienne Marta  Abba. Comme dans un lointain écho, on retrouve le personnage  de la vedette féminine qui semblait le fasciner déjà quelque vingt ans auparavant, dans ce petit bijou de pièce qu’est Cédrats de Sicile, tiré d’une de ses nouvelles.

 C’est, pour faire vite, l’histoire de Donata, une jeune comédienne, très brillante, qui s’est consacrée entièrement à son métier mais qui va tomber amoureuse d’Ely, un beau peintre qui exige qu’elle abandonne la scène pour lui, lui  qui déteste le théâtre. Deux carrières artistiques dans une couple  font rarement bon ménage, et quand, en plus il s’agit de deux disciplines aussi différentes que la peinture et le théâtre.
Comme le dit Nordey, les deux personnages n’ont pas les armes de la raison pour trouver une solution. Dans ces cas-là, on bricole forcément, et l’amoureuse Donata n’ a pas beaucoup de choix possibles; soit rester avec son amant qui déteste le théâtre et , dit-il, l’immense tristesse qu’il cache, soit partir. Dans les deux cas, elle va à l’échec et elle est parfaitement lucide.
On retrouve dans la pièce, surtout fondée sur de longs monologues,les thèmes chers à Pirandello: le théâtre dans le théâtre, la puissance du langage qui devient une arme redoutable quand il s’agit de sauver son identité, et dans une sorte d’acte théâtral, la revendication …C’est  un texte  bien long qui frise souvent avec un manifeste de la pensée théâtrale mais, dans les meilleurs scènes, les mots claquent,  de part et d’autre, avec une cruauté et une brutalité sans concession, un peu comme du Pinter avant l’heure. Pirandello précisait que l’acteur, s’il ne veut pas que les paroles écrites du drame lui sortent de la bouche comme « d’un porte-voix ou d’un phonographe, doit re-concevoir le personnage, c’est à dire, de son côté, le concevoir pour son propre compte ».

 En fait, Se trouver est aussi une réflexion sur le conflit entre le « mouvement » et la « forme », à la fois sur la scène et dans la vie quotidienne; reste à maîtriser sur un grand plateau comme celui de la Colline cette pièce  un peu  bavarde. Stanislas Nordey s’en sort comme il peut, pas très bien au premier acte, avec une mise  en place très conventionnelle et une direction d’acteurs des plus hésitantes; un peu mieux ensuite et les choses s’arrangent plutôt au second acte. Emmanuelle Béart est là,  et elle a une sacrée présence comme Vincent Dissez: ils sont tous les deux convaincants mais on se demande bien pourquoi Nordey les place dans un semi-obscurité. Et, tant pis pour les pauvres spectateurs des gradins les plus élevés qui, du coup, se sentent exclus et s’ennuient. Que Nordey tente l’expérience : il ne verra pas grand chose. Pirandello, c’est indéniable, a besoin d’une certaine proximité avec le public..
On ne comprend pas bien non plus pourquoi le metteur en scène  a choisi de demander à Emmanuel Clolus une scénographie aussi imposante, avec ces hauts murs que l’on déplace à plusieurs reprises comme si c’était une nécessité absolue. Ces partis-pris correspondent peu à Pirandello, d’autant plus que le rythme s’en trouve ralenti, si bien que  le spectacle dure quand même deux heures vingt sans entracte! Comment s’étonner  alors qu’une bande de lycéens, sans doute excédés, aient déserté au bout d’une heure et demi…

 Alors à voir? Oui, si vous voulez découvrir une pièce peu jouée de Pirandello mais qui n’est sans doute pas l’une de ses meilleures  et  en sachant qu’elle comporte quand même de sacrés tunnels et que la mise en scène de Nordey est loin d’emporter l’adhésion.
Donc, à vous de choisir! Et ne venez pas râler, on vous aura prévenus!

Philippe du Vignal

Théâtre de la Colline jusqu’au 14 avril.


Archive pour 13 mars, 2012

Les impromptus

Les Impromptus , texte et mise en scène de Christiane Vericel.

Les impromptus impromptus  Depuis près de trente ans,  Christiane Vericel déploie dans le monde entier, avec sa compagnie Image aigüe,   un magnifique travail avec des enfants venus d’ailleurs, longtemps axé sur des images de grands peintres. Nous l’avions accueillie au Théâtre 71 de Malakoff en 1988 avec Le voyageur sensible, un grand souvenir.
La Maison des Métallos qui déploie une activité salutaire autour de la solidarité rudement mise en cause  par notre président, vient d’accueillir ces Impromptus, élaborés au terme de dix jours de travail avec une dizaine d’écoliers de Saint-Denis.  La salle est bourrée d’enfants très attentifs ,accompagnés par leurs enseignants .
Trois comédiens mènent le jeu autour du thème de la faim. Comme par magie, de petits fruits apparaissent, certains s’en saisissent, aussitôt arrachés par de plus habiles. Il y a aussi la frontière symbolisée par une corde qu’on ne doit pas franchir, interdit d’aller y chercher de quoi survivre. Un  acteur  est habillé  d’une robe à paniers qui dissimule la pitance, et des enfants s’y réfugient.
Cette déclinaison ironique reste toujours ludique, et les images captivent le public. Le débat mené  au terme du spectacle est mené par Christiane Vericel avec une belle écoute autour de questions pertinentes. Au croisement de l’humanisme et de l’exigence artistique…

Edith Rappoport

Maison des Métallos

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