Ciel ouvert à Gettysburg
Ciel ouvert à Gettysburg de Frédéric Vossier, mise en scène de Jean-François Auguste
Nous sommes dans une société du spectacle, on va donc vous donner du spectacle. La pièce commence avec un “montreur“ et un client. Croyez-vous que le fantasme et le désir viennent tout seuls ? Certes non (pour ne pas utiliser le trop usé « que nenni »). Il faut vous les instiller à l’oreille. La belle actrice connue vous fait de l’effet ? Lequel ? Comment ? Où ? On est dans l’exhibition détaillée. Puis le montreur plante là le client, laissé quasi « à poil ».
De voyeurisme en retournements de situation, la pièce, écrite d’une traite, presque un bandeau sur les yeux selon l’auteur, devient une ronde systématique : je fantasme, tu fantasmes, nous fantasmons…
Malgré la beauté de la comédienne, on regrette un peu que le fantasme féminin s’incarne tel que décrit dans la première scène. Mais s’il s’agit de mener le voyeurisme jusqu’à la gêne : rien à redire, les spectateurs regardant le client qui regarde l’autre client, qui touche…
C’est bien fait: bons comédiens, bonne bande son, scénographie astucieuse. Que nous manque-t-il ? La pièce, vraie réflexion sur l’irréductible séparation des sexes (il est bon de rappeler que sexe a la même étymologie que sécateur ; rien qui sépare autant…), tourne en rond (voir plus haut) et n’a ni la belle perversité ni l’humour de Mannekijn (du même auteur, vue récemment à l’Échangeur de Bagnolet), qui faisait porter à une mère de bonne volonté le travail, pour sa fille, de réaliser le fantasme masculin.
Ciel ouvert à Gettysburg : on dirait un fragment de rapport militaire. Bataille perdue : les montreurs se sont approprié le corps, les désirs, votre corps et votre désir, et vous les revendent. Résultat sur scène : un magnifique début, puis ça se débobine. Dommage ou tant pis ?
Christine Friedel
Théâtre Ouvert -01 42 55 55 50 – jusqu’au 5 avril