ERZULI DAHOMEY
Erzuli Dahomey de Jean- René Lemoine, mise en scène d’ Eric Génovèse.
Une petite ville paisible au nom banal: Villeneuve, une maison bourgeoise, une famille qui cache bien ses secrets…
Il y a la mère, Victoire, autrefois comédienne, maintenant mère au foyer, et veuve, est encombrée d’enfants qu’elle ne sait pas aimer, le Père Denis, précepteur et homme de confiance, gonflé de désirs inassouvis, Sissi et Frantz, les jumeaux de 16 ans, enfermés dans la bulle de leur amour incestueux, Fanta la bonne, venue d’Afrique, pleine de haine pour ces blancs dont elle repasse la lingerie de soie, et puis celui dont on parle:Tristan, le fils aîné, mort dans un accident au Mexique.
Malgré cet évènement tragique, la pièce dans sa première partie, est plus proche du vaudeville, et la mort très médiatisée de Lady Di occupe plus les conversations que celle de Tristan dont Victoire et le père Denis vont aller chercher le corps pour l’enterrer dans le parc. Et puis, arrive Félicité, venue de Gorée (Sénégal), île au sinistre passé de port d’esclaves, et qui réclame son fils West qui a pris la place de Tristan dans son cercueil.Mais nous saurons seulement pourquoi plus tard .
L’arrivée de Félicité qui porte l’Afrique et son histoire avec elle, mais aussi et surtout la présence du fantôme de West, vont faire perdre pied aux habitants de la maison qui se tenaient au bord du gouffre. Au contact de l’Afrique qui réclame justice, Victoire et les siens ne peuvent plus faire semblant, ne peuvent plus retenir leurs désirs. Erzuli, déesse de l’amour dans le vaudou Haïtien, et venue du Dahomey, agit sur tous jusqu’à prendre possession de Fanta. Les deux mères, Victoire et Félicité, réunies par l’absence de leurs fils, trouveront dans la chaleur de l’Afrique une sorte d’ apaisement .
Pièce folle, tragique et frivole, comme la définit Jean- René Lemoine qui a donné le nom d’Erzuli à la compagnie qu’il a créée en 1997, Erzuli Dahomey fait se cogner les codes, les mythes, les désirs, l’Histoire et les histoires, le théâtre et la vie , dans une langue forte et belle, au service des affrontements comme des confessions..
La mise en scène, magnifique de précision et d’invention d’Eric Génovèse, qui traite chaque scène comme un tableau surréaliste, grâce à la tbelle scénographie de Jacques Gabel, nous la fait voir et entendre avec toutes ses subtilités et ses insolences, ses cocasseries aussi. Victoire (Claude Mathieu) rejoint les héroïnes d’Almodovar et de Cassavetes. Elle est entourée par Serge Baldassarian (père Denis), Françoise Gillard et Pierre Niney,( les jumeaux), Nicole Dogué( formidable Fanta) Nazim Boudjenah (fantôme de West) et Bakary Sangaré( étonnante Félicité). Tous, entre mesure et démesure, sont magnifiques et nous offrent un grand plaisir, un grand vertige..
L a pièce a été créée à la Comédie-Française, et c’est tout à son honneur.
Françoise du chaxel
Théâtre du Vieux Colombier, jusqu’au 15 Avril. T: 01 44 39 87 00.