Les Belles-sœurs

Les Belles-sœurs, d’après la pièce  de Michel Tremblay, livret, paroles et mise en scène  de René Richard Cyr, musique de de Daniel Bélanger.

Les Belles-sœurs p110864_18La célèbre pièce écrite en joual, dialecte québécois,en 1965, a été mise en scène par André Brassard, au Théâtre du Rideau vert à Montréal en 68 et a depuis été jouée un peu partout dans le monde  et traduite ne une bonne quinzaine de langues dont l’anglais,l’allemand, le polonais… Ce moment de théâtre musical a été créé en 2010.
  Cela se passe chez Germaine Lauzon, une brave « ménagère », comme on disait autrefois, a accumulé des milliers de timbres de fidélité qui  peuvent lui permettre d’acquérir des cadeaux sur un catalogue.  Cette prise d’otages des consommateurs était très fréquente à l’époque et il nous souvient de notre maman collant aussi ses dizaines de coupons découpés sur les paquets de café Méo pour acquérir quelques petites serviettes de basse qualité! Rien n’a vraiment changé, et il y a maintenant  les s’miles:  via l’informatique , c’est le dernier avatar de ces fameux timbres…
Donc madame Lauzon  va organiser une séance de collage de son stock de timbres avec  ses belles-sœurs, leurs filles et ses copines; il y a entre autres: Rose Ouimet, Linda Lauzon, Lise Paquette, une amie de Linda, Marie-Ange Brouillette, une voisine de Germaine, Yvette Longpré, etc… soit quinze femmes -dont la plus âgée, en fauteuil roulant, a 93 ans- qui se retrouvent entre elles dans la grande cuisine de Germaine.

  Bien entendu, c’est l’occasion de régler quelques comptes entre elles, et  de critiquer les voisines:  » Prenez l’Italienne à côté de chez nous, a pue cte femme là, c’est pas croyable! » Et les crises de jalousie vont bon train, de solides  amitiés ne tiennent plus la route. La pièce de Tremblay  montre aussi  ces femmes qui s’agenouillent pour dire le chapelet; on se souvient en effet de l’incroyable emprise du clergé catholique de l’époque.!Mais cela ne les empêche pas – 68 a déjà montré le bout de son nez- d’avoir des revendications féministes et de dénoncer leur « maudite vie plate »  et la soumission sexuelle à de maris qu’elles ne supportent  pas. Cerise sur le gâteau, Germaine découvre  que  sa sœur Pierrette, pas toute jeune, a des fréquentations douteuses et fréquente  des « clubs » …
  Jusqu’à l’explosion finale: horreur et damnation, Germaine  s’aperçoit  aussi mais  un peu tard  que ses copines lui volent sans scrupule une grande partie de ses chers cahiers de timbres. Bref,il n’y  a plus de morale! Et la pièce a tout d’une joyeuse fête qui tourne au vinaigre, métaphore d’une société qui voit vaciller ses petites  valeurs morales, fondées sur  un catholicisme des plus conservateurs; le Québec va en effet bientôt vivre une révolution, et les femmes exigeront comme en Europe leur part de pouvoir, et le clergé, dont les effectifs vont fondre subitement,  n’aura plus  la prédominance  qu’il avait dans l’enseignement, le domaine de la santé, et dans la société en général… C’est aussi tout cela que ces Belles-sœurs  disaient déjà, en filigrane,  il y a déjà presque  cinquante ans…
  Mais la pièce de Michel Tremblay, reconvertie en comédie musicale, a  aussi d’autres  solides qualités et elle  garde toute sa drôlerie, même si on ne comprend pas tout des dialogues  en joual. La mise en scène de  René Richard Cyr est de tout premier ordre: impressionnante de précision, de vérité et d’humour. Le décor à un étage avec au rez-de-chaussée, une cuisine des années 60, imaginée par Jean Bard lui aussi tout à fait réussi, jusque dans les détails comme  cette vingtaine de petits  placards que  Madame Lauzon et sec copines vont ouvrir et où l’on verra  dans les uns des petites bougies, puis dans  les autres , des enseignes lumineuses rouges, vertes et bleues de cabaret.
  La direction d’actrices est excellente (il n’y a aucun personnage masculin), et toutes ont un solide métier d’actrices et de chanteuses; pas un geste faux, pas le moindre dérapage et une incroyable vérité dans la recherche des personnages qu’elles incarnent! Les seuls  hommes du spectacle sont les quatre musiciens tout aussi  excellents que l’on devine derrière un châssis de tulle noir; il faudrait enfin dire un mot des costumes, et les dieux savent bien comme nous râlons souvent tous au Théâtre du Blog,  à propos de costumes approximatifs, voire franchement ratés, ou qui ne sont pas vraiment dans l’axe. Mais ici, Mérédith Caron a fait très fort dans le genre décalé, façon Jérôme Deschamps: comment dire aussi tout l’humour et la folie de la pièce par le biais des costumes et de ces sacs à main délirants:c’est d’une grande intelligence scénique  et le spectacle doit beaucoup à cette créatrice.
  Le public a fait un  triomphe au spectacle qui, parfaitement rôdé, va faire un véritable tabac à Paris , c’est une certitude. Donc aucune réserve à émettre, c’est un moment de rare et pur bonheur! Jean-Michel Ribes a bien fait de l’inviter…

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 8 avril.

http://www.dailymotion.com/video/xo31gk


Archive pour 18 mars, 2012

 Die Sonne (Le Soleil)

Die Sonne (Le Soleil), texte et mise scène d’Olivier Py et Miss Knife chante Olivier Py.

  Le directeur et metteur en scène quittera  donc normalement son cher théâtre de l’Odéon-puisqu’il a été  choisi l’an passé, manu militari, par l’Elysée via Frédéric Mitterrand, come  directeur du Festival d’Avignon-en présentant deux spectacles:  le premier  comme auteur et metteur en scène de ce Soleil qu’il va monté pour la  Volsksbühne de Berlin avec des acteurs allemands.
C’est l’histoire d’un  jeune homme, le bel Axel, (Sebastian König), sorte d’ange énigmatique  que l’on voit au début étendu sur  le lit de Josef,  (Lucas Prisor), marié à Senta, une jeune  femme enceinte mais pas de lui… on vous épargnera la suite de cette intrigue assez compliquée. On  retrouve ici, comme dans une sorte de testament artistique,  de nombreux thèmes chers à Olivier Py: travestissements, identité homosexuelle, foi catholique, théâtre dans le théâtre…
Il y a une scénographie signée Pierre-André Weitz,  exceptionnelle de beauté avec des murs de briques aux  perspectives surprenantes, installée sur un plateau tournant, qui fait penser parfois à celles  que le grand Richard Peduzzi concevait autrefois pour Patrice Chéreau: les autres comédiens jouent tous avec une précision et une sensibilité remarquables:  gestuelle, diction: tout est exact et beau et on les sent vraiment heureux de travailler  avec Olivier Py  qui les dirige à la perfection.  Et comme ils ont des costumes magnifiques que l’on doit aussi à Pierre-André Weitz: soieries,  robes du soir, strass et paillettes aux belles couleurs, il y a sur le plateau des images très fortes. 

 Mais nous avouons ne pas avoir été du tout impressionnés par un  texte narcissique ,assez bavard et qui n’en finit pas de finir (et c’est un euphémisme!), surtout quand on ne comprend pas l’allemand et qu’on doit regarder le surtitrage bien au-dessus de la scène, ou sur deux autres très petits écrans de part et d’autre du plateau. Comme les personnages parlent beaucoup, beaucoup trop sans doute, et que le plateau tournant…  tourne souvent, nous avons décroché assez vite, et la grande heure de cette première partie nous a paru interminable. Comme on nous annonçait encore  deux heures de plus, nous n’avons pas résisté et, comme  deux  miennes consœurs, nous sommes pas revenus après l’entracte, ce que nous ne faisons qu’exceptionnellement. Il serait donc malhonnête d’en dire plus. Cela dit, le public en grande parie germanophone, semblait quand même apprécier. Mais ce long poème/pièce aux allures parfois claudéliennes n’ a ni la grâce ni la force d’ autres pièces d’Olivier Py comme, par exemple, Adagio.On avait  la désagréable impression qu’Olivier Py s’amusait dans un dernier tour de piste- mais sans nous amuser trop- et un peu à nos dépens du genre: l’Etat qui a eu la délicatesse de me virer, après tout, me doit bien ça… Dommage!
  Quelques jours après, Olivier Py, remettait le couvert avec un récital de ses  nouvelles chansons. Avec cette fois, beaucoup plus de bonheur . Sur la scène nue,  un fond un mur d’ampoules blanches sauf une rouge, comme un petit clin d’œil.  Miss Knife,  faux-cils, visage poudré sous une abondante perruque blonde avec une longue robe du soir en lamé argenté à envers rouge, escarpins, porte-jarretelles et bas noirs  à petites étoiles, se déhanchant, minaudant, dialoguant avec le public, somptueusement à l’aise, comme si Olivier Py faisait cela tous les  jours. Soutenu par un bel orchestre:Julien Jolly (batterie), Olivier Bernard (saxos et flûte) , Sébastien maire (contrebasse) et Stéphane Leach au piano qui a aussi composé la musique des dix huit chansons sauf trois de Jean-Yves Rivaud.
Olivier Py revient ensuite en gorille puis encore dans une superbe robe du soir noire décolletée, avec une perruque blonde ou rose, c’est selon…. Toujours aussi magnifiquement à l’aise
. Et il chante bien, encore mieux qu’avant , et avec une belle assurance, content d’être sur scène et de nous faire participer à son plaisir, en parfaite complicité avec ses musiciens et c’est un vrai plaisir de l’entendre, que ce soit dans des mélodies sentimentales, voire  teintées  de  mélancolie, ou d’autres plus joyeuses où il se moque  de lui-même, avec quelques discrètes allusions à Avignon.
Seul regret de cette soirée remarquable dans un Odéon bourré où les jeunes côtoyaient les moins jeunes: l’accompagnement musical  trop amplifié empêchait de bien entendre les belles paroles des chansons mais cela devrait se résoudre facilement quand il reprendra ce récital  à l’automne.

  Une grande ovation,tout à fait justifiée avec plein de plumes et de confettis qui tombaient des balcons, a salué Olivier Py; Frédéric Mitterrand n’était pas là, bien entendu,  mais cela valait mieux pour lui! Ce fut vraiment un bel adieu d’Olivier Py à son public, à ses collaborateurs et à cet Odéon, où il aura le plus souvent donné le meilleur de lui-même. Merci, Olivier Py…

Philippe du Vignal

* Le texte de la pièce est édité chez Actes Sud Papiers; le CD de Miss Knife est aussi édité par Actes Sud.

Soirée unique mais reprise du spectacle en octobre à l’Athénée puis en tournée.

Le CD de Miss Knife est édité chez Actes Sud

A la trace…

À LA TRACE…

Depuis 1996, un collectif d’artistes plasticiens, musiciens, troupes de théâtre en espace public, avait investi l’ancienne blanchisserie de l’Hôpital Charles Foix d’Ivry.
Regroupés sous le nom des Mêmes, ils avaient mené des actions salutaires dans ce bel hôpital classé,  où vivent des  personnes de grand âge plutôt démunies, avec des fêtes, et  des visites dans les chambres, dans le cadre d’une convention pluriannuelle, avec la la DRAC, le Conseil Général du Val de Marne et  la Région.
Las, après  quelques années dynamiques (un livre remarquable Les Progrès de l’âge relate cette expérience), la direction de l’hôpital qui avait changé, a exigé un loyer important  et interdit les visites dans les chambres et les fêtes, et malgré tous les efforts des artistes, un ordre de déguerpir a été  maintenu… Plusieurs compagnies  ont donc quitté Les Mêmes, notamment  le Deuxième groupe d’intervention d’Emma Drouin installé à Malakoff (92) et KMK de Véronique Pény maintenant accueilli en résidence à Nangis (77) .
La Blanchisserie est bientôt vide mais,heureusement,  le collectif d’une dizaine d’artistes regroupé désormais sous le nom de La Blanchisserie vient de trouver un lieu d’accueil pour deux ans au port d’Ivry avec le soutien de la municipalité. Des chorégraphes, musiciens et plasticiens ont mené une journée d’ateliers avec des personnes âgées à Charles Foix, pour la clôture de ce projet artistique : d’abord l’association Tangible et la compagnie Nadja avec un atelier chorégraphique Quelques pas de danse parmi les fleurs. Edwine Fournier et Lydia Boukhirane esquissent des pas de danse très lents, invitent doucement de très vieilles personnes à les suivre, l’une d’elles parvient même à se lever de sa chaise roulante. Il y a un beau recueillement,  malgré les réticences d’un vieil homme qui montre un peu d’agressivité vis-à-vis d’une pensionnaire.
Au pavillon de l’Orbe,  l’atelier Purcell qui se déroule au centre d’une toile de Clément Borderie, avec une création vidéo de Tormodl Lindgren. D’autres pensionnaires accompagnés de leurs familles et du personnel soignant écoutent O solitude interprété par une chanteuse aux antipodes de la musique baroque. Il y a une réelle écoute puis on sert aux pensionnaires un goûter apporté par les artistes…

Edith Rappoport

Hôpital Charles Foix d’Ivry

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