L’Oiseau bleu
L’Oiseau bleu, par le Collectif Quatre Ailes, librement inspiré de Maurice Maeterlinck, mise en scène Michaël Dusautoy
Un poème scénique très actuel
Le nouveau spectacle du Collectif Quatre Ailes est un grand poème en images, un voyage aérien, fluide et magique. Après un travail centré sur la poésie verbale de Jules Supervielle dans La Belle au bois (précédent spectacle dont Edith Rappoport a rendu compte dans notre Blog), le Collectif est revenu à ses origines : une écriture de plateau croisant à parts égales textes poétiques, dialogues brefs, arts plastiques, films d’animation, musique, acrobatie au sol et aérienne, costumes et maquillages proches de la féérie.
L’exercice est ici particulièrement réussi. Le Collectif avance dans sa recherche, il affirme un style très original dans l’équilibre des disciplines convoquées, les compagnonnages et la qualité des comédiens-acrobates.
Il est clair avec cet Oiseau bleu que chaque créateur, en confiance totale, inspiré par le sujet, a trouvé de la place pour donner le meilleur, s’exprimer, faire naître des images enchantées sous la direction de Michaël Dusautoy, maître d’oeuvre metteur en scène. Ce qui frappe c’est l’osmose, l’entente, l’élégance.
Des textes taillés sur mesure, des corps en apesanteur, un bel espace scénique de Perrine Leclere-Bailly, une composition musicale de S Petit Nico toujours pertinente et entraînante, costumes de Marine Bragard à l’unisson, et de très belles images graphiques d’Annabelle Brunet, Quang’y, Aurore Brunet et Ludovic Laurent, en mouvement, avec des effets de plongée, de hauteur, de brusque bascule, de distance dans l’espace et le temps (l’évocation des grands-parents est particulièrement réussie dans un cône mouvant de lumière, ou encore la boule terrestre tournant avec des malheurs et cataclysmes qu’il faut savoir regarder en face). Surplomb, vitesse, angles de vision imprévus, les techniques des jeux vidéo sont mises au service des comédiens et de la qualité scénique.
Le point de départ ? Il est emprunté à Maeterklinck, L’Oiseau bleu, conte de Noël, pièce « à grand spectacle » (plus de 100 personnes sur le plateau) écrite en 1907, créée par Stanislavski à Moscou, puis en France par Georgette Leblanc, avec Réjane.
Le propos ? Tyltyl et Mytyl – Hanako Danjo et Damien Saugeon, comédiens capables de tenir tranquillement en équilibre sur un cadre de fenêtre volant dans le vide ou de monter dans les cintres par la force des poignets en ayant l’air de flâner – sont deux enfants pauvres qui contemplent les enfants riches, en face. En pleine nuit, une curieuse et sympathique fée-voisine, Claire Corlier, les lance à la poursuite du plus grand des trésors, non pas la richesse, mais l’oiseau bleu. Accompagnés du chien – un « tout-fou » d’une fidélité et d’une fantaisie inépuisables – Jean-Charles Delaume, d’une chatte à l’exquise et svelte beauté, grande arpenteuse de toitures, Flore Vialet, et d’une lampe candide extralucide, ils partent en voyage dans les pays de l’imaginaire à la recherche de l’oiseau bleu. Dans le « Orlamonde » cher à Maeterlinck. Le pays du souvenir, le palais de la nuit, le jardin des petits et des grands bonheurs, le royaume de l’avenir … Nombre d’oiseaux bleus y nichent, mais aucun ne reste bleu ramené à la lumière crue du jour et de la réalité. Ce n’est que lorsque le regard des enfants aura changé que l’oiseau bleu salvateur les accompagnera.
Avoir transporté ici, aujourd’hui, la fable de Maeterlinck, s’avère pertinent. La pièce a le grand mérite d’ouvrir sur le silence des visages, des animaux, des choses, sur la révélation de l’âme des êtres et du monde. Cette faculté de pouvoir en rester toujours surpris et émerveillé est bien l’une des clés de la vie, du bonheur, en 2012 peut-être plus encore qu’en 1907, car préserver cette faculté d’émerveillement dans le tourbillon des sollicitations devient un défi. Le théâtre contribue, en toute modestie, à cultiver ce regard particulier, ces découvertes (au sens théâtral du terme) sur les « arrière-mondes ». Ce beau spectacle tout public n’y manque pas. La grande salle de la Scène Watteau était comble, remplie d’enfants de tous âges et d’adultes, fascinés, transportés par le lyrisme visuel.
Evelyne Loew
Vu à la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne en mars, en tournée en France, en juillet à la Maison du théâtre pour enfants Monclar d’Avignon