LIFE:RESET Chronique d’une vie épuisée
Chronique d’une vie épuisée LIFE:RESET, texte et mise en scène de Fabrice Murgia/Artara.
Nous vous avions dit beaucoup de bien (voir Le Théâtre du Blog) de Fabrice Murgia, jeune metteur en scène belge, qui avait présenté l’an passé sa première création, Le Chagrin des ogres au Festival Impatience piloté par le Théâtre de l’Odéon.
A vingt-cinq ans il faisait déjà preuve d’une remarquable maîtrise du temps et de l’espace et d’une étonnante direction d’acteurs. Cela se confirme avec ce nouveau spectacle, lui aussi d’une heure, aux frontières de la vidéo et du théâtre muet.
Une jeune femme vit apparemment seule dans un petit appartement qui pourrait être à Paris comme à Bruxelles. Avec, comme des dizaines de millions d’autres, une sorte de fascination pour son écran d’ordinateur qu’elle doit utiliser quotidiennement pour son travail mais qui est devenu une sorte de béquille permanente dans sa vie personnelle.
Elle entre ainsi en contact avec un mystérieux correspondant identifiable par son seul nom de code.
Jeu d’amour et de séduction, dangereux, à la limite de l’hypnotique, puisqu’elle ne sait plus-et le public non plus-où s’arrête le vivant et où commence le non-réel et le virtuel. Un écran retransmet les allées et venues de cette jeune femme , silencieuse, en proie à une profonde solitude,bien jouée par Olivia Carrère, mais aussi la conversation écrite qu’elle entretient sur son ordinateur portable.
C’est d’une froideur inquiétante qui n’a pas du tout plu à Edith Rappoport; elle a horreur-et on peut la comprendre-de la vidéo au théâtre qui est le plus souvent inefficace. Nous sommes plus partagés: les images captées par les caméras nous plongent dans une irréalité du quotidien tout à fait surprenante, les remarquables décors glissent en silence, ce qui permet à Fabrice Murgia de nous emmener dans un monde virtuel de plus en plus prégnant…
Avec une vraie Olivia Carrère qui croise sans cesse son double virtuel. C’ est réalisé avec beaucoup de virtuosité et de maîtrise technologique mais sans doute moins convaincant que Le Chagrin des ogres, où la voix de Laura Sepul donnait une formidable présence au spectacle.
Cela dit le public, pour une fois très jeune: cela fait toujours du bien, semblait fasciné par cette expérience où Fabrice Murgia met une nouvelle fois en scène la solitude dans une grande ville,avec pour seule compensation, la possibilité de communiquer avec des inconnus via internet, quand on est de retour le soir dans la sphère privée d’un petit studio/cocon d’une tour d’immeuble.
Fondée sur les relations troubles entre la vidéo et le vivant, cette machine à théâtre séduisante comporte, bien sûr, des risque d’auto-académisme branchouille? Et il ne faudrait pas que Fabrice Murgia s’enferme dans la création d’images sophistiquées en une heure sur fond de musique synthétique-parfois un peu lourde comme ici-avec quelques acteurs le pus souvent muets! Ce genre de procédés a en effet ses limites, et ce n’est pas un langage suffisant pour témoigner ou pour parler de la société d’aujourd’hui.
Mais Fabrice Murgia fait preuve d’ une telle intelligence scénique et d’une telle maîtrise qu’il a sans doute déjà senti le danger. Sa prochaine création Jehovah aura lieu en avril au Théâtre Vidy-Lausanne..
Philippe du Vignal
Spectacle vu au Festival Exit de Créteil le 15 mars.
Chronique d’une ville épuisée LIFE:RESET de Fabrice Murgia,
“La solitude des grandes villes m’étouffe…” écrivait Rainer Maria Rilke ! Cette solitude d’une jeune femme-interprétée par Olivia Carrère-de retour chez elle, qui s’ abandonne à son ordinateur,et livrée dans ses insomnies à des amours virtuels, s’est vite avérée étouffante. On ne distingue pas de véritable présence humaine derrière l’ écran. Est-ce un reflet, un film ou un fantôme ? Nous sommes au sein du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou de 1984 de George Orwell, chacun face à son écran, incapable de nouer de véritables relations humaines.
Notre fuite dans une sommeil réparateur était, ce soir-là, la seule issue! Cela dit, Fabrice Murgia, formé par Jacques Delcuvellerie, a eu le Prix du Public du festival Impatience en 2010 et Chronique d’une ville épuisée LIFE:RESET a connu une cinquantaine de représentations depuis le Kunsten Festival of Arts de 2011…
Edith Rappoport
Festival Exit, MAC de Créteil