Oncle Vania
Oncle Vania d’Anton Tchekov, texte français de Françoise Morvan et André Marcowicz, mise en scène d’Alain Françon.
Tchekov n’a probablement jamais été aussi joué en, France que ces dernière années, et voici deux Oncle Vania coup sur coup, celui de Françon et en même temps celui de Benedetti, le premier de plus de deux heures et le second beaucoup plus resserré, dont vous parlera Christine Friedel.
Alain Françon a déjà monté six fois Tchekov: La Mouette, Le Chant du cygne, Platonov, Les trois Sœurs et deux Cerisaie dont la deuxième ,il y a trois ans et qui avait valu plus de 8.000 visites au Théâtre du Blog.
Ce fut la dernière fois où le public avait pu voir Jean-Paul Roussillon, presque cassé en deux marchant à pas lents, très émouvant…Décédé quelques semaines plus tard!
Des Vania, on en a vu pas mal dont le surprenant et tout à fait remarquable du Théâtre de l’Unité joué en plein air quelque 80 fois depuis cinq ans un peu partout en Europe (voir Le Théâtre du Blog), sans lumière autre que naturelle, et qui a fait partout un tabac. Celui d’Alain Françon est plus traditionnel et respecte la répartition en quatre actes, avec un décor différent à chaque fois. L’action se déroule dans la grande propriété familiale de Sonia, la fille du professeur Sérébriakov et nièce d’Ivan Voïnitski (oncle Vania).
Vania déteste cordialement Sérébriakov qui est venu passer l’été avec Elena, sa deuxième épouse. Vania a toute sa vie, travaillé dur avec Sonia pour diriger l’exploitation et en a envoyé scrupuleusement les revenus à son beau-frère qu’il prenait pour un grand intellectuel et sur lequel il a perdu toutes ses illusions.
La belle Elena, deuxième épouse de Sérébriakov s’ennuie dans cette campagne où son mari dort le jour et travaille la nuit, se croit atteint de tas de maladies, bref le genre de bonhomme avec qui on a très envie de passer des vacances… Elena tombe vite amoureuse d’Astrov, le médecin de campagne, et c’est réciproque. Quant à Sonia, elle se sent bien seule et elle aime aussi Astrov depuis longtemps mais pas lui qui en assez d’exercer la médecine, surtout depuis qu’un des patients est décédé sur la table d’opération, sans doute, croit-il à cause d’un opiacée qu’ il lui a administrée. Et Astrov a comme une sorte d’incapacité à aimer et semble se réfugier dans la vodka!
Il y a aussi Téléguine, un petit propriétaire terrien , ruiné ou presque et qui vit grâce à l’aide de Sonia et de Vania…Et Maria , la grand-mère de Sonia et la mère de Vania, et enfin, Marina, la vieille nourrice de Sonia, voix de la sagesse. Mais Sérébriakov s’est mis en tête de vendre le domaine sans demander leur avis à Sonia et à Vania qui le prend très mal et qui va faire semblant de tuer son beau-frère d’un coup de revolver. Bref, il ya de la révolte dans l’air! Et Vania et Eléna seront être obligés de quitter rapidement la maison.
Avec ses réalités bien terriennes et enfin acceptées comme telles:l’argent, véritable obsession dans La Cerisaie ou La Demande en mariage, avec des achats, des ventes, les soins aux chevaux, les récoltes et leurs revenus, la vie va reprendre comme avant, après le départ du professeur et de sa femme, la vie pas très drôle, mais plus rassurante pour la vieille nounou, avec ses journées ponctuées de repas à heures fixes, et… le goût amer d’un échec pour Vania et Sonia. Mais au moins, la propriété ne sera pas vendue.
Alain Françon dit avec raison que Vania n’a pas de centre ;il fait aussi remarquer que la pièce a quelque chose de musical, avec cette alternance entre un texte fluide et un certain silence dans les pauses indiquée par Tchekov dont les didascalies sont précises, silence qui est aussi important chez lui que les paroles dont les personnages ne semblent pas toujours avoir la maîtrise, quitte à s’en repentir ensuite, ce qui favorise l’aspect comique de certaines scènes.
Mais, comme le dit justement Françon, il y a aussi l’opinion des gens dans trois siècles sur leurs ancêtres, interrogation véritablement métaphysique qui traverse le théâtre de Tchekov. Le metteur en scène a bien su mettre en valeur cette dramaturgie si neuve en 1898 et toutes les nuances du texte; il a su aussi réunir des acteurs de premier ordre comme André Marcon (Sérébriakov), Gilles Privat (Oncle Vania) et Marie Vialle (Eléna). Le premier acte dont le décor, avec ses trois châssis peints de Jacques Gabel évoquant la forêt, et inspiré par celui de Stanislavski, et les chants d’oiseaux donnent une belle vérité à cet univers d’été dans la campagne russe.
Le second acte, trop long et donc difficile à traiter, peine à trouver son rythme-sans doute à cause de la quasi-obscurité (c’est la nuit!) où Françon a placé les personnages, et le public alors ne semble pas très attentif. Il y a aussi une sorte d’hypertrophie réaliste dans les deux autres décors: le salon puis le cabinet de travail, ce qui ne semble pas vraiment justifié. Et comme Françon n’a pas voulu couper comme l’avait fait Livchine, et comme le fait encore plus Benedetti, et l’entracte, s’il est le bienvenu, casse quand même un peu les choses.
Mais le dernier acte avec la colère de Vania, le départ du couple et la pseudo-réconciliation entre gens qui ne se reverront jamais, est mieux traité, avec plus de rythme.
Cela reste un beau travail, mais quand même un peu agaçant par son côté trop soigné, et l’on regrette de ne pas sentir davantage un parti pris de mise en scène, ce qui fait que l’on s’ennuie quand même parfois dans cette grande salle peu adaptée à l’univers de Tchekov Donc, à vous de choisir.
Philippe du Vignal
Théâtre de Nanterre-Amandiers jusqu’au 14 avril et ensuite à Amiens les 18 et 19 avril, Chambéry les 24 et 25 avril et Genève du 29 avril au 19 mai.
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