Cahiers Jean Vilar n° 112
Cahiers Jean Vilar n° 112
Le dernier numéro de ces Cahiers vient de paraître. On observera qu’il porte, coïncidence, les chiffres 12. Vilar aurait eu cent ans le 25 mars. Jacques Téphany, qui en signe l’éditorial, dit justement qu’il serait le premier à se moquer de la manie française de la commémoration , surtout le concernant! « Mais le ridicule ne tue pas, écrit-il ; il peut même, si on ne se laisse pas piéger par l’émotion nostalgique, présenter l’avantage de de réexamens, de reconsidérations du passé ».
Vilar a disparu, il y a déjà quarante ans mais on fait encore constamment référence au comédien et metteur en scène, au directeur de théâtre national et à celui du Festival d’Avignon. Et dans sa maison de Chaillot, même s’il n’y plus personne qui l’ait connu, son souvenir est resté permanent. Nous y avons encore connu son chef-accessoiriste et un merveilleux ouvrier électricien qui lui avait fabriqué un projecteur à lamelles qui permettait de passer de la lumière la plus intense à l’obscurité complète. Chaillot à l’époque, c’était encore le système de la débrouillardise et, malgré les conflits- c’est une chose que les Cahiers n’évoque pas-une remarquable unité dans le travail…
Cette édition des Cahiers commence par un très bon récit de Jacques Téphany sur la vie de Jean Vilar enfant puis adolescent à Sète dans ce magasin de layettes, trousseaux, corsetterie tenu par ses parents, petits commerçants pas bien riches. Mais Etienne Vilar avait su donner à son fils l’amour des classiques et du violon, violon qu’il emportera avec lui quand il quittera Sète pour tenter sa chance à Paris. Elève puis assistant de Dullin, il crée alors sa compagnie La Roulotte puis deviendra comédien chez Jouvet.
Ce que montre bien Téphany, c’est cette curiosité insatiable de Jean Vilar et cette incroyable audace de celui qui n’a rien, donc rien non plus à perdre qui ne fait pas du tout partie des élites parisiennes, quand il créera en 47, avec la complicité du docteur Pons, maire d’Avignon, cette semaine d’art, à la fois modeste et ambitieuse… avec la suite que l’on connaît!
Et, trois ans plus tard, en 51, sa nomination par Jeanne Laurent à la tête du T.N.P. le fera accéder, lui le petit Sétois, à un poste à hauts risques: salle démesurée, directeur responsable sur ses biens propres! Et victime désignées des teigneux de toute sorte, (les attaques sordides du sénateur Debu-Bridel entre autres). Et enfin Vilar, même après le succès incontestable du Festival d’Avignon, était devenu la cible des manifestants en 68 avec des slogans du type Salazar/ Jean Vilar, et comme en écho-il avait mis trois ans pour accéder à la direction du T.N.P.- sans doute exténué, il ne se remettra pas vraiment de cette remise en cause et mourra dans son sommeil à Sète, trois ans aussi après, en 71….
Il a aussi dans ce numéro une correspondance inédite avec sa future épouse Andrée Schlegel; on y découvre un autre Vilar, celui des débuts à Paris, vraiment très pauvre mais copain avec Maurice Blanchot, René Char, etc.. s’essayant à être auteur de théâtre et directeur de sa petite compagnie de La Roulotte, surveillant de près les recettes, comme Savary, son successeur à Chaillot cinquante ans plus tard, vérifiait d’un clic les réservations… C’est rappeler que le théâtre, sans une saine gestion, ne peut pas perdurer très longtemps.
Vilar parle aussi de ses démêlés avec Camus quand il voulait monter son Caligula, et de son premier vrai succès La danse de mort de Strindberg; il parle aussi de sa rencontre avec Matisse et de ses doutes, de ses angoisses quand il est arrivé dans la capitale: » Je suis complètement déséquilibré; je ne m’adapte pas à Paris… »
La suite de cette correspondance tout à fait passionnante paraîtra dans le prochain numéro (113) des Cahiers Jean Vilar.
Philippe du Vignal
Cahiers Jean Vilar, rédacteur en chef: Rodolphe Fouano
Maison Jean Vilar : 8, rue de Mons – 84000 AVIGNON
Tél : 04 90 86 59 64
Exposition à Sète Dans Les pas de Jean Vilar au 13 rue Gambetta. T: 04-67-74-73-88