Um Kulthum

Um Kulthum, tu es ma vie ! texte et mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre

L’idée de la pièce est née de l’enfance,  dit l’auteur et metteur en scène. Sa mère, Tunisienne, écoutait en boucle la grande chanteuse égyptienne, Oum Kalsoum, – dont l’orthographe se décline de  plusieurs  manières – figure emblématique du monde arabe pendant une cinquantaine d’années à partir de 1920, égérie du Président Gamal Abdel Nasser et symbole de l’Egypte.
 L’auteur est  allé avec sa complice Lisa Pajon, développer sa recherche au Caire en 2008; ils se sont imbibés de la ville et ont recueilli les témoignages d’Egyptiens d’aujourd’hui. Ils  ont aussi ressenti l’impact laissé par cette immense personnalité artistique, politique, sociale et essayé de comprendre le mythe : ”Il ne s’agira en aucun cas, dit-il, de raconter la vie d’Um Kulthum, ni même de l’incarner et de tomber dans le piège de l’illusion biographique.  Ce n’est pas non plus un spectacle musical mais l’évocation en creux de la diva égyptienne” .
 C’est un texte-puzzle construit sur plusieurs niveaux, un croquis, des impressions, entre émotion et humour : au premier plan, une femme puise ses souvenirs dans des boîtes à chaussures: billets, programme.. avec tendresse et nostalgie car au concert, elle n’y est allée que par procuration : une première fois, elle a décroché l’autorisation d’accompagner son cousin, contre promesse de mariage. Vendre son âme au diable n’est rien, pour écouter Um Kulthum ! Ils partent en moto. Mais le ras-de-marée de foule qui l’attend, lui fait perdre ses chaussures, le cousin, son billet…
  Autre tentative à Paris, ratée, elle aussi : elle rejoint son amoureux, billets pour l’Olympia en poche,  mais  sa sœur arrive le jour du concert et accouche. La silhouette d’Um Kulthum se superpose à la comédienne, Farida Rahouadj et à son personnage qui construit rêves et fantasmes, autour de ces rendez-vous manqués.
Au second plan, trois hommes dans un café, fument le narguilé, et  bavardent devant un thé. Ils se font gentiment mousser, divaguent, délirent, bref évoquent leur Quatrième Pyramide comme on aime à la nommer, chacun la voudrait bien pour soi. Une litanie de superlatifs traduit leur admiration. Romain Berger, Gérard Bourgarel, Mathieu Genêt pourraient être les premiers violons du grand orchestre qui accompagne Um Kulthum, version Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Ils jouent leur partition sur le mobilier du bistrot, avec langueur, passion et imagination.
   La machine s’accélère quand entre dans le jeu, brusquement sorti de son poste d’observation, le gardien de l’immeuble, coiffé d’un tarbouch. Lisa Pajon, telle  Groucho Marx, déverse une énergie et apporte dans un soliloque cocasse et débordant, mi-manifeste, mi-campagne électorale, sa conviction à soulever les foules,  avant de se fondre aux autres. Il y a un humour fou, en même temps que de la finesse, du respect, de la tendresse. On est dans la pure tradition de la blague égyptienne.
  Les comédiens interpellent le public et font passer, comme aux entractes, des verres de thé – chaï..aï! – s’époumonent-ils, à la grande joie du public, accueilli à son arrivée déjà, dans un café populaire du Caire reconstitué dans le hall du théâtre.
Mais, au final , nous avons droit à  la voix tant attendue de“L’Astre de l’Orient”. La salle soudain prend une autre dimension et devient un immense Palais de la Culture… Nous sommes face à une Um Kulthum en récital. Dans le cadre de scène, en réalité un castelet, apparaît enfin la chanteuse, digne marionnette à fils,  en robe de velours. Nos regards s’hypnotisent et le temps se suspend…

Brigitte Rémer

Création à Cherbourg; représentations du Forum Culturel du Blanc-Mesnil . Faïencerie de Creil le 3 avril et à Contre-Courant au Festival d’Avignon sur l’Ile de la Barthelasse.


Archive pour 1 avril, 2012

Grand et Petit

Grand et Petit de Botho Strauss, version anglaise de Martin Crimp mise en scène de Benedict Andrew

   Grand et Petit 12040101_CULTUREL+UNP1_ori.jpg.567Botho Strauss fut et reste incontestablement, à presque 70 ans, un des auteurs majeurs de la scène allemande, maintenant bien connu du public français. Créée en 79 par Peter Stein à la Schaubühne de Berlin  qu’il dirigeait alors, Grand et Petit avait été ensuite remarquablement mise en scène par Claude Régy en 82 à l’Odéon avec Bulle Ogier, Claude Régy qui avait déjà monté La Trilogie du revoir et Le Parc. Chéreau de son côté avait aussi mis en scène Le Temps et la chambre. Ithaque a été créée en français l’an passé par Jean-Louis Martinelli à Nanterre. Et l’occasion était belle de voir  comment  un jeune metteur en scène australien,  plus de  trente ans après sa création, pouvait aborder la pièce.
  Grand et Petit, c’est pour faire vite, une sorte de voyage au cœur des villes en dix endroits et dix moments d’une jeune femme Lotte Kotte, trente cinq ans, originaire d’une petite ville de Rhénanie après avoir rompu avec son amant. On la voit d’abord  à la dérive sur une plage du Maroc, puis en Allemagne, dans dix studios d’ un immeuble où Lotte essaye de pénétrer. Puis, dans Sarrebruck sans doute où elle erre,encore plus paumée à la recherche d’une certain Nideschlager au 85 Virchowstrasse et il y a cette scène magnifique, dont se sont emparées avec raison, nombre de comédiennes: on voit Lotte seule en bas d’un immeuble dialoguant par l’interphone, avec les habitants de cet immeuble.
 Jamais, sans doute, on n’aura aussi bien exprimé la solitude urbaine et le désarroi d’une femme en proie à un profond mal-être, errant de rencontre en rencontre, essayant malgré tout de s’en sortir, avec une ténacité exemplaire. La pièce se termine plutôt qu’elle ne finit, en accord parfait avec une dramaturgie et un dialogue exemplaires de précision, dans la salle d’attente d’un médecin où Lotte est venue, dit-elle,  » comme ça » en précisant qu’elle n’a rien du tout. Et le médecin lui demande de partir. La didascalie indique simplement: « Lotte sort lentement. Le médecin forme la porte derrière elle. Va dans son cabinet, ferme la porte ».
  Il y a beaucoup de portes et de fenêtres dans ce Grand et Petit: d’appartement, de cabine téléphonique, d’immeuble… Et cela dit sans doute beaucoup de la solitude de la pauvre Lotte qui essaye de vivre sa vie, du moins mal qu’elle le peut. Lotte est l’axe de la pièce, et il y faut une actrice exemplaire comme l’est Cate Blanchett que dirige très bien Benedict Andrew. Diction et gestuelle parfaite, présence de tout premier ordre. Les autres comédiens sont tous aussi impeccables, et la scénographie très épurée fonctionne parfaitement.   Reste un point faible: Martin Crimp a préféré moderniser légèrement le texte, puisqu’il est question de SMs, etc..  Ce qui n’est pas très important mais il y a eu ,nous semble-t-il, des coupes franches dans le texte surtout au début pour donner un style « cut », presque cinéma, ce qui donne à la première un côté sec au texte qui manque singulièrement de chair et, paradoxalement, casse un peu le rythme de l’ensemble. On reproche souvent à Régy la longueur de ses spectacles mais, pour Grand et Petit, c’était bien vu; en effet dans les pièces de  Botho Strauss, il faut accepter cette lenteur si l’on veut être proche de personnage de Lotte. La seconde partie  parait plus rythmée, plus forte et ce Grand et Petit, s’est plutôt bonifié. La pièce parait toujours aussi juste, et ses personnages, même si l’Allemagne a beaucoup changé depuis sa réunification, toujours aussi émouvants dans leur fragilité et dans leur vérité d’êtres humains, aussi proches de nous, que ce soit en Europe ou en Australie.
  Alors à voir? Oui, surtout pour Cate Blanchett que l’on n’avait jamais encore vue sur un plateau de théâtre. Le surtitrage est un peu difficile à lire si on est en bas de la salle, donc mieux vaut être un peu loin…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville jusqu’au 8 avril. En tournée  au TBarbican de Londres du 27 avril au 19 mai; à Vienne du 25 mai au 3 juin et en Allemagne, à Recklinghausen du 9 au 17 juin.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...