Les Papotins ou la tache de Mariotte
Les Papotins ou la tache de Mariotte d’après le journal Le Papotin, adaptation et mise en scène d’Eric Petitjean.
Le Papotin est un journal rédigé et édité depuis vingt ans-et vingt ans, ce n’est pas rien!- par de jeunes autistes qui se réunissent le mercredi de 10 h à midi au Théâtre Le Lucernaire. Avec juste l’idée, comme le dit son rédacteur en chef, Driss El Kesri, d’apporter chacun un texte plutôt drôle, dans un langage qui lui est tout à fait personnel. D’où le côté quelque peu décalé de cette prose atypique qui a souvent à voir avec le surréalisme, quel que soit le sujet abordé: politique, société, vie de tous les jours, amours et émotions diverses des plus intimes aux plus collectives.
Bref, le lot quotidien de la presse quotidienne mais, comme vu au second degré, avec une distance où l’humour, la poésie et la tendresse sont constamment présents.
Eric Petitjean a donc entrepris d’en faire théâtre, comme aurait dit Antoine Vitez et c’était bien tentant. Il a eu l’intelligence de ne pas vouloir constituer ces textes en fable ou historiette mais de s’en tenir aux mots d’ origine qui, nous dit-il, ont été prononcés ou écrits, donc bruts de décoffrage. Et c’est sans doute mieux .
Il y a ainsi quatre personnages: Arnaud, Nathanaël, Carole et Thomas, qui ont un rapport singulier avec le langage. C’est souvent d’une immense drôlerie , surtout quand ils ont affaire avec des gens qui sont d’un tout autre monde comme ces personnages politiques qu’ils rencontrent, ou quand l’un d’eux se met à faire des calculs à une vitesse vertigineuse. Bref, on a la troublante impression de deux mondes inconciliables où l’intelligence, peut être d’une toute autre nature: on parle maintenant, plus que d’autisme, de troubles autistiques avec des Q. I. et des difficultés de communication très variables, mais qui affectent davantage les garçons que les filles.
Reste à adapter ces monologues ou ces courts dialogues à la scène, ce qui n’est pas une mince affaire… puisqu’il ne s’agit pas du tout de faire un spectacle sur l’autisme mais plutôt de mettre en valeur une sensibilité et une intelligence parfois rares. Ce que l’on perçoit bien d’autant plus que Silvia Cordonnier, Philippe Frécon, Christian Mazzuchini et Philippe Richard savent s’y prendre pour nous mettre en relation avec cette parole atypique.
Mais le spectacle, inégal, souffre d’une dramaturgie assez cahotante, avec, comment dire une sorte d’empilement de petits textes, et l’on a évidemment tendance à décrocher d’autant plus que le syndrome vidéo (mais quand même non figuratif) a encore frappé; les choses iraient sans doute mieux si Eric Petijean avait fait plus court… Il y a quelque quinze bonnes minutes de trop!
Alors à voir? Si d’aventure, le spectacle se joue près de chez vous, pourquoi pas, mais avec les réserves que l’on vous a indiquées.
Philippe du Vignal
Théâtre de la Tempête jusqu’au 7 avril