Le poème, terre de la langue arabe

Le poème, terre de la langue arabe

Pour une anthologie de la langue arabe

 

 

« J’ai construit un mur immense pour me séparer de mon peuple : certains ont pensé que j’avais peur et que je cherchais la protection d’un mur, mais ces imbéciles n’ont pas imaginé que j’aime mon peuple et que ce mur sert à le protéger de ma colère ». Zakaria Tamer, Ecrivain syrien vivant à Londres. 22 février 2012.

La quatrième et dernière édition de Le poème, terre de la langue arabe est, pour la seconde fois consécutive et en écho aux révolutions du Moyen-Orient, mobilisée par l’actualité.
Trois soirées, trois programmes donnent à entendre de nouveaux poèmes à l’encre à peine sèche.La Syrie s’impose aujourd’hui comme une évidence. Le message poétique est précédé d’un message politique,  en présence de l’actrice et militante, Fadwa Suleiman, arrivée quelques jours auparavant de Homs, via la Jordanie sur la défensive , et avec l’aide de la France.
Avec quelques intellectuels, elle s’était rendue à Homs dès le début du siège et fut considérée là-bas comme quelqu’un de normal, y compris dans les quartiers conservateurs musulmans : » Le peuple m’a adoptée, protégée, ils ont vu que je partageais leur sort, les tirs, l’eau et le sel, tout ». Sa tête a été mise à prix (cinq millions de livres syriennes) et la sécurité de ses proches menacée mais elle témoigne et vient porter leurs messages devant le monde.
L’Association Souria Houria,  qui soutient la révolte du peuple syrien, L’Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien lancé l’été dernier,  et l’Odéon-Théâtre de l’Europe, ont organisé cette rencontre-débat qui vise à révéler, au-delà de ce que rapportent à gros traits les médias, la réalité des combats. Engagée au tout début de la révolte avec une poignée d’autres amis et dès les premières manifestations de Damas, Fadwa Suleiman appelait à une révolte pacifique. « Combat perdu  aujourd’hui « , dit-elle. « Le peuple syrien a voulu refuser les armes, il s’est trouvé abandonné face à la machine de guerre et contraint de passer de l’autodéfense à des actions offensives ».
Si le gouvernement et les partis religieux cherchent à déstabiliser la société syrienne et tentent de récupérer le mouvement, Fadwa Suleiman confirme que les protestataires syriens appartiennent à toutes les communautés du pays. Son acte de foi : « La Syrie, pays porteur de civilisation, s’est soulevé pour la liberté, la libre expression, la démocratie, l’Etat de droit. Sa détermination est forte, il est prêt à payer le prix fort ».
Elle lance un appel aux intellectuels, aux artistes, pour être aux côtés du peuple syrien, aux côtés de la liberté et pour s’opposer aux politiques qui montent les peuples les uns contre les autres :  » Je rêve d’un temps où les peuples se retrouveront loin des politiques. Je rêve d’un monde sans combat, sans mort, sans tuerie, sans violence « .
Ses contacts avec les réseaux d’intellectuels et d’artistes dans le monde la désigne naturellement comme interface pour l’Association des artistes syriens, constituée comme force d’opposition. Elle affirme être à la recherche d’un lieu emblématique à Paris, pour que la Syrie libre puisse culturellement exister, un lieu de rencontre, de rapprochement, un lieu pour la paix, « loin de la culture imposée par le régime », consciente qu’il faut aussi « faire tomber le régime à l’intérieur de nous. La guerre, poursuit-elle, a engendré une nouvelle écriture, de nouveaux styles en dessin, littérature, poésie, chansons, en dépit de la répression  de  toutes les formes d’expression ».
Rendez-vous est donné par Emmanuel Wallon, universitaire engagé pour le soutien à la Syrie, mardi 17 avril, jour anniversaire de l’indépendance du pays, pour une manifestation nommée La vague blanche (voir  ci-dessous). Au-delà de la couleur-symbole, le blanc, cette vague, geste pacifique de résistance, signifie qu’elle doit s’étendre à d’autres villes, à d’autres pays ; et montrer que l’opinion internationale n’en peut plus d’être ce témoin passif et qu’un jour, les assassins devront être jugés.
Après cet Appel de Fadwa Suleiman face au drame syrien, apostrophe indirecte aux candidats à l’élection présidentielle française, un moment fort précédant les lectures, la quatrième édition du Printemps arabe s’ouvre à l’Odéon. La lecture chorale du poème de Mahmoud Darwich, Si nous le voulons et sa mise en musique rattrape le spectateur là où il en était resté lors de l’édition précédente.  » Nous serons un peuple, si nous le voulons, lorsque nous saurons que nousne sommes pas des anges et que le mal n’est pas l’apanage des autresNous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et que nous respecterons l’erreur « .
Un canapé, deux pupitres, une chaise pour le joueur de oud et compositeur, Moneim Adwan. Une actrice de langue arabe, Hala Omran qui a aussi participé à la préparation du spectacle, et deux acteurs de langue française : Arnaud Aldigé, debout au pupitre, donne des repères  sur les événements, comme un conteur et Jean-Damien Barbin, en duo avec la comédienne, marque le tempo. Les textes sont en arabe et en français;  la conception et mise en scène sont de Wissam Arbache.
Malgré les drames sous-tendus par le contexte politique, les trois soirées sont enlevées, à la fois graves et bon enfant, chargées d’émotion et néanmoins joyeuses. Textes et musiques, contemplations poétiques, blagues et témoignages se succèdent, doublés parfois d’images, caricatures et dessins, petits films, rapportés des différents pays accomplissant leurs révolutions, au Moyen-Orient. Le salon Roger Blin de l’Odéon est plein, attentif et concentré.Hala Mohamed, écrivaine syrienne est présente :  » Le temps n’est plus aux gerbes de myrte »,  écrit-elle. « Une stèle après l’autre, il abat les sépultures et ne veut en garder qu’une seule pour lui « .
Les statuts type Face book interpellent :  » Dites à la liberté que nous sommes venus  » ;  » Et si la liberté était notre enfer ? «  ; « Un oiseau dans la main vaut mieux que dix sur la branche « . Abdel Aziz Mohamed, d’Egypte écrit :  » Nous pensions que nous en avions fini avec les soucis .La lune n’est pas complète dans le ciel, cette nuit « . Hazem Al Azmet, de Syrie :  » Dans un matin époustouflé de printemps, les assassins sont encore libres, là-bas « . D’autres poètes :   » Le paradis ? Un peu plus loin  » ; « La vague a dit…  » ; « Attends-tu que ta révolution saute par la fenêtre ?  » ; « Le présent est un œil dont les prunelles ont été amputées « . « Je parcourrai cette longue route jusqu’au bout de moi-même « .
Un autre poème de Mahmoud Darwich, Plus rares sont les roses, succède aux recommandations du Manuel du tyran arabe pour les Nuls, d’Iyad El Baghdadi, savoureux et tragique. La voix des femmes avec des chants populaires à Damas,  le visage caché pour ne pas être reconnues, apportent de l‘humanité et la séquence  a été  filmée,  » La mort plutôt que l’humiliation  » ; « Laisse mon sang devenir rivière « .
Chanson égyptienne adressée par la révolution égyptienne aux Syriens :  » Comme les vagues de la mer, mes blessures ne se referment pas ». Chant de résistance enfin, avec Norma Braham, grande chanteuse syrienne, invitée à monter sur le plateau rejoindre l’équipe ; c’est un  moment de grâce improvisé, a-capella :  » Oh ma mère ! Je pleure l’amour. L’espoir est en les hommes « .

Brigitte Remer

Odéon-Théâtre de l’Europe, Salon Roger Blin, du 11 au 13 avril.

Rassemblement pacifique,  Une vague blanche pour la Syrie, mardi 17 avril à 19h à l’Esplanade des Droits de l’Homme (Trocadéro)..Chaque personne portera un signe blanc : vêtement, objet, symbole sur lequel sera marqué : STOP !.. De nombreuses personnalités y participeront. (www.vagueblanchepourlasyrie et www. souriahouria.com)

 

 

 


Archive pour 16 avril, 2012

Les Travaux et les jours

Les Travaux et les jours de Michel Vinaver, mise en scène de Valérie Grail.

  Les Travaux et les jours reavaux-et-joursLa pièce de Michel Vinaver qui reprend le titre du texte d’Hésiode a été écrite en 77 par quelqu’un qui connaît bien le monde l’entreprise privée puisqu’il a été longtemps PDG de Gillette, et créée par Alain Françon.  Trente cinq ans déjà: un autre monde sur le plan social et économique…  L ‘ordinateur n’existait pas, les services après-vente réparaient  les appareils défectueux ou en panne, et  de nombreuse petites entreprises françaises  fonctionnaient encore comme une famille, avec ses passions et ses jalousies entre les personnes comme entre les services.  On ne parlait pas encore de mondialisation mais il y avait déjà des « restructurations », comme on disait pudiquement,  avec des regroupements d’entreprises.
  Quelques armoires à rideaux, trois bureaux avec de gros téléphones jaunasses à  cadran , montés sur bras télescopiques. On est dans le service après-vente de  l’entreprise familiale Cosson, synonyme de tradition et de qualité,  qui  fabrique et vend des moulins à café  électriques. Mais les temps commencent à être durs et  Beaumoulin, une grosse boîte concurrente  va sans doute bientôt racheter Cosson.
Il y a là, vivant ensemble depuis pas mal d’années,  les deux cadres: Jaudiard, le chef  de service un peu autoritaire qui supervise, et  Guillermo,   qui s’occupe des appareils envoyés pour réparation. Et les secrétaires: Yvette,la plus âgée, Anne et Nicole, toutes les deux amoureuses de Guillermo qui gèrent les appels des clients.
Bien entendu, ce microscosme est fait de relations à la fois professionnelles mais aussi plus personnelles, avec ses amours et ses nostalgies à un moment où l’entreprise va  être profondément bouleversée. La pièce, qui n’a guère vieilli, est parfois un peu longue mais très  intelligemment faite de répliques qui partent dans tous les sens, avec une rare qualité d’écriture , où le comique et la tendresse se croisent sans arrêt, puisque l’on est à la fois dans les relations de travail et dans le plus intime de chaque personnage.
Le  texte, sans véritable dialogue,  ne comporte guère  de didascalies pour éclairer le metteur en scène.
Mais Valérie Grail sait faire et remplit le contrat ;  Cédric David, Luc Ducros, Agathe L’Huillier, Julie Ménard, Mireille Roussel sont  tout à fait crédibles dans ces  personnages de petits employés, à la fois touchants dans leur maladresse, et profondément drôles, mais les comédiens ne tombent jamais dans la caricature . De ce côté-là, Valérie Grail les a bien dirigés.
Mais il y a pendant ces 90 minutes, une sorte d’uniformité dans la représentation quelque peu gênante,  un ton qui reste le même et qui va davantage  du côté du comique. C’est peut-être un parti pris mais on semble parfois égaré chez les Deschiens, alors que Vinaver met aussi l’accent sur la violence inhérente aux restructurations  qui vont bouleverser inévitablement les relations dans le personnel au sein de l’ entreprise Cosson.

  Valérie Grail aurait intérêt à resserrer les boulons de ce côté-là  et à nuancer les choses . Mais cela devait aussi aller mieux quand elle aura quitté le grand plateau du Théâtre Jean Vilar où tout se perd un peu, pour la scène plus intime du Lucernaire où la pièce devrait être  davantage mise en valeur.
On devrait aussi mieux entendre aussi la diversité des langages, insérés les un dans les autres, dans le superbe travail d’orfèvrerie de Vinaver . Les Travaux et les Jours,  c’est  aussi en effet une formidable plongée poétique dans le monde de l’entreprise: c’est plutôt rare au théâtre et cela vaut donc le déplacement.

Philippe du Vignal

Création au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine puis reprise  au Lucernaire du 25 avril au 2 juin du mercredi au samedi à 21h 30.

Abilifaie Leponaix

Abilifaie Leponaix texte et mise en scène de Jean-Christophe Dollé.

  Abilifaie Leponaix Abilifaie-Leponaix-01Abilifaie Leponaix… Cela a un petit air de mot inventé par un poète surréaliste, et rappelle le titre d’un spectacle de Jérôme Deschamps et Jean-Claude Durand à Chaillot, Baboulifiche et Papavoine. .. Mais non… c’est juste le nom de deux médicaments les plus courants pour soigner, si tant que faire se peut, la schizophrénie.  Inspiré de notes et de témoignages réels, le texte, issu de notes d’un psychologue,et de témoignages sonne toujours juste; c’est une sorte de balade dans l’ univers mental de  Maxence, Antoine, Soizic, et Ketty, quatre malades atteints de schizophrénie que l’on voit vivre dans un hôpital de jour. Schizophrénie, faut-il le rappeler, signifie étymologiquement coupure de l’esprit, et non dissociation de la personnalité, comme on l’entend trop souvent. Et il y a, sans entrer dans les détails, différentes  formes des schizophrénie.
  Le malade, tout à fait conscient de son mal-être, peut entendre des voix et a des relations souvent difficiles avec son entourage. Par exemple, Maxence entend la voix de Dieu et s’enveloppe de plastique pour protéger son corps, et Soizic voudrait ne plus entendre celle de sa mère. « Les cris, les hallucinations, les voix qu’on entend, tout ça, c’est simplement pour se rassurer, une manière de lutter contre les résistances du monde », dit aussi Ketty avec beaucoup de lucidité. Quant à Antoine, il dit simplement : « Être fou, c’est mal. Ah! Bon?  J’ai fait quelque chose de mal, moi? « . Mais tous sont enfermés dans un mal-être persistant, en proie à des images qui les poursuivent sans cesse. On les sent terriblement seuls à l’intérieur d’eux-même mais aussi entretenant une sorte, non pas d’ amitié mais du moins  de complicité entre eux. Tout cela est finement interprété. Jean-Christophe Dollé ne prend pas vraiment parti, même s’il dénonce, à juste titre, le recours parfois un peu facile à ces nouvelles camisoles de force que sont les molécules chimiques.
  Sur le plateau, juste l’essentiel pour le jeu: un petit rideau brechtien à lamelles de plastique blanc , et quelques fauteuils tubulaires comme on en voyait autrefois dans les hôpitaux. Il sont là, tous les quatre, terriblement présents, à vivre leur vie quotidienne,enfermés chacun dans leur univers impénétrable, à quelques mètres de nous. Malgré une musique qui surligne un peu trop, malgré aussi quelque fois un sur-jeu dont on pourrait faire l’économie, Jean-Christophe Dollé sait donner vie, dans sa mise en scène,  avec beaucoup de pertinence et de sobriété,  aux malades de  cet hôpital de jour nommé L’Espoir présent.
   Le climat devient vite lourd et chargé d’émotion, mais le public reste très attentif et semble en totale osmose avec ce qui se passe sur le plateau. Plus fort  qu’un « spectacle », Abilifaie Leponaix est une invitation à réfléchir sur cette forme de maladie mentale, très handicapante, difficile à maîtriser,  et  qui atteint plus de à 0,5 % de la population- les hommes davantage que les femmes- des pays riches, plus exposés, semble-t-il, que ceux des pays pauvres.
….La petite salle du Ciné 13 est bourrée; ce qui n’est quand même pas du tout  une raison suffisante pour mettre des tabourets dans les allées… au mépris de toute de sécurité. A bon entendeur,  salut.

Philippe du Vignal

Ciné-Théâtre 13 1 avenue Junot  75018 Paris 18e;  les  Mer, jeu, ven, sam : 21h30. Dim : 17h30

Hans was Heir

Hans was Heiri de Zimmermann et  Perrot

 Hans was Heir HansWasHeir-604-604x442-300x219 Hans was Heiri  peut être traduit par «  Du pareil au même ». Ce spectacle visuel,  parfaitement réglé, rencontré un vrai succès public. et  les cinq artistes de cirque et danseurs se livrent totalement dans une  folie sincère. Dimitri de Perrot joue  sa musique en direct. Une scène circulaire en position verticale tourne tel un moulin dont les ailes contiendraient quatre pièces où peuvent se mouvoir chacun des comédiens. Passé le premier effet esthétique et parfois drôle, chacun des protagonistes joue sur des variations dans la  verticalité…  mais ce dispositif s’épuise vite. Le reste de l’espace est occupé par des cadres de porte et des assemblages en bois, semblables à des meubles  en kit, qu’utilisent les acteurs

L’ensemble du dispositif n’est utilisé que dans sa fonction première, les portes servent à entrer ou sortir!  Quant aux  morceaux de bois,  reconstitués, ils figurent des tables! A aucun moment, le danseur ne se confronte au matériau, il l’utilise, sans rechercher des contraintes d’où  pourrait survenir quelque chose de neuf, comme  une poésie de l’absurde. ce que l’on ne ressent pas ici, d’où  une  sensation de vide. Les images de ce manège vertical ou de ce jeu à l’horizontale ne véhiculent pas de sens. Reste  une performance de musiciens et d’ acteurs qu’il faut  souligner.

Jean Couturier

Théâtre de la Ville;  le 17 avril  à Compiègne, et du 9 au 12 avril  au Volcan du Havre       

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