Abilifaie Leponaix
Abilifaie Leponaix texte et mise en scène de Jean-Christophe Dollé.
Abilifaie Leponaix… Cela a un petit air de mot inventé par un poète surréaliste, et rappelle le titre d’un spectacle de Jérôme Deschamps et Jean-Claude Durand à Chaillot, Baboulifiche et Papavoine. .. Mais non… c’est juste le nom de deux médicaments les plus courants pour soigner, si tant que faire se peut, la schizophrénie. Inspiré de notes et de témoignages réels, le texte, issu de notes d’un psychologue,et de témoignages sonne toujours juste; c’est une sorte de balade dans l’ univers mental de Maxence, Antoine, Soizic, et Ketty, quatre malades atteints de schizophrénie que l’on voit vivre dans un hôpital de jour. Schizophrénie, faut-il le rappeler, signifie étymologiquement coupure de l’esprit, et non dissociation de la personnalité, comme on l’entend trop souvent. Et il y a, sans entrer dans les détails, différentes formes des schizophrénie.
Le malade, tout à fait conscient de son mal-être, peut entendre des voix et a des relations souvent difficiles avec son entourage. Par exemple, Maxence entend la voix de Dieu et s’enveloppe de plastique pour protéger son corps, et Soizic voudrait ne plus entendre celle de sa mère. « Les cris, les hallucinations, les voix qu’on entend, tout ça, c’est simplement pour se rassurer, une manière de lutter contre les résistances du monde », dit aussi Ketty avec beaucoup de lucidité. Quant à Antoine, il dit simplement : « Être fou, c’est mal. Ah! Bon? J’ai fait quelque chose de mal, moi? « . Mais tous sont enfermés dans un mal-être persistant, en proie à des images qui les poursuivent sans cesse. On les sent terriblement seuls à l’intérieur d’eux-même mais aussi entretenant une sorte, non pas d’ amitié mais du moins de complicité entre eux. Tout cela est finement interprété. Jean-Christophe Dollé ne prend pas vraiment parti, même s’il dénonce, à juste titre, le recours parfois un peu facile à ces nouvelles camisoles de force que sont les molécules chimiques.
Sur le plateau, juste l’essentiel pour le jeu: un petit rideau brechtien à lamelles de plastique blanc , et quelques fauteuils tubulaires comme on en voyait autrefois dans les hôpitaux. Il sont là, tous les quatre, terriblement présents, à vivre leur vie quotidienne,enfermés chacun dans leur univers impénétrable, à quelques mètres de nous. Malgré une musique qui surligne un peu trop, malgré aussi quelque fois un sur-jeu dont on pourrait faire l’économie, Jean-Christophe Dollé sait donner vie, dans sa mise en scène, avec beaucoup de pertinence et de sobriété, aux malades de cet hôpital de jour nommé L’Espoir présent.
Le climat devient vite lourd et chargé d’émotion, mais le public reste très attentif et semble en totale osmose avec ce qui se passe sur le plateau. Plus fort qu’un « spectacle », Abilifaie Leponaix est une invitation à réfléchir sur cette forme de maladie mentale, très handicapante, difficile à maîtriser, et qui atteint plus de à 0,5 % de la population- les hommes davantage que les femmes- des pays riches, plus exposés, semble-t-il, que ceux des pays pauvres.
….La petite salle du Ciné 13 est bourrée; ce qui n’est quand même pas du tout une raison suffisante pour mettre des tabourets dans les allées… au mépris de toute de sécurité. A bon entendeur, salut.
Philippe du Vignal
Ciné-Théâtre 13 1 avenue Junot 75018 Paris 18e; les Mer, jeu, ven, sam : 21h30. Dim : 17h30