Violet
Violet de Jon Fosse, mise en scène de Bérangère Ventusso.
La metteuse en scène propose une version originale et pertinente de Violet. Etrangeté de cette création scénique! Les marionnettes, manipulées à vue (et c’est brillamment réussi) sont les interprètes d’ados qui veulent créer un groupe de rock, et qui répètent dans une cave peu accueillante d’un immeuble sans âme. Mais elles sont beaucoup plus grandes et plus imposantes que les manipulateurs qui leur prêtent leur voix avec respect. Quant aux adultes, ils sont aussi représentés beaucoup plus petits …
Belle métaphore: la vie s’étire loin devant pour ces jeunes gens projetés dans l’avenir, d’où leur grande taille, mais les marionnettistes, les gens de théâtre et les spectateurs-doués de sagesse et d’expérience-sont réduits à un futur limité…La pièce s’adresse d’abord, avec force et délicatesse, aux jeunes qui, sont comme les protagonistes, de la même tranche d’âge.
Violet parle de la difficulté d’être jeune, aujourd’hui comme hier : comment savoir ce que l’on est, ce que l’on veut, ce que l’on aime. Comment faire la part de son identité et de celle de l’autre, agressif parfois, hostile, voire ennemi … Tout en gardant, malgré tout, son calme et sa ligne de conduite.
Bérangère Vantusso a bien dirigé son équipe avec solidarité et complicité: des valeurs grâce auxquelles peut aussi se construire une jeunesse. Le manipulateur, seul ou non, reste à l’écoute de son « jeune », le dirige, l’assied, lui fait jouer de la guitare ou de la batterie, toujours attentif et indulgent. Ce que devrait être tout adulte, face à une jeunesse fragile et impatiente.
Mais Jon Fosse ne donne pas de solution pour créer un art de grandir : il laisse libre cours à ses personnages qui se construiront finalement seuls, condition sine qua non pour qu’ils parviennent à une maturité digne de ce nom. Marguerite Bordat qui a créé ces marionnettes qui nous ressemblent beaucoup, et les manipulateurs: Anne Dupagne, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Sébastien Lenthéric, Junie Monnier, Philippe Rodriguez-Jorda, ont tous beaucoup de talent et d’humilité.
Un pari d’envergure réussi.
Véronique Hotte
TGP de Saint-Denis (Festival Villes) jusqu’au 15 avril, puis en tournée.