Roméo et Juliette
Roméo et Juliette de William Shakespeare, traduction de François Laroque et Jean-Pierre Vilquin, adaptation et mise en scène de Ned Grujic.
» Voici quelques années, lorsque la guerre civile éclata en ex-Yougoslavie, le pays de mes racines, chaque peuple reconquit le territoire de ses origines et de nombreuses familles se brisèrent sous l’influence de haines ancestrales », dit Ned Grujic qui se pose la question de savoir si l’amour a le justement le pouvoir de surmonter les haines séculaires, comme celles des Capulet et des Montaigu…
Vieille question qui a toujours été profondément ancrée dans tout pays comme une fatalité.Il nous souvient que, dans les années 1960 au cœur de notre bonne vieille France, une vieille dame m’avait conseillé d’aller voir une notaire qu’elle considérait comme tout à fait compétente pour m’aider à régler une affaire personnelle mais elle m’avait demandé surtout de ne pas lui dire que je venais de sa part … Car, avait-elle dit, nos familles sont brouillées à la suite d’ un grave différend dans les années 1810!
On peut comprendre que Ned Grujic ait été tenté d’inscrire l’histoire de ce jeune couple maudit à peine sorti de l’adolescence, dans le climat de cette guerre des Balkans., où il oppose « l’esprit rigoureux et très orthodoxe des Montaigu à l’exubérance tsigane des Capulet », avec des musiques au violon et à l’accordéon et des chansons ». Mais reste à savoir comment passer de la note d’intention à la mise en scène… Et là, on est bien loin du compte!
Il y a, en fond de scène, la photo projetée d’un immeuble en ruine où officient, de temps à autres, trois Parques vêtues de noir. Bon, le symbole est un peu gros mais pourquoi pas? . Mais l’ensemble de la scénographie, (qui ne ressemble pas du tout à la photo) et les lumières (rouges quand Tubalte meurt) – mieux vaut ne pas parler des costumes!- est d’une laideur absolue qui plombe le spectacle dès le début. Et Ned Grujic a bien du mal à diriger ses acteurs qui récitent souvent leur texte et se mettent à crier sans raison, les combats sont mal réglés, et l’interprétation des plus inégales. Bref, on ne voit pas très bien ce que l’on peut sauver de ces deux heures longuettes…
Seule, Carole Deffit (Juliette) a une véritable sincérité et le grand mérite d’ être une Juliette souvent émouvante, loin des stéréotypes habituels. Mais on se demande comment elle peut être amoureuse d’un Roméo aussi inexistant (lequel des deux Roméo de la distribution, ce n’est pas précisé!). L’amour est aveugle mais quand même….Il y a aussi Franck Vincent (Frère Laurent) qui réussit à rendre tout à fait crédible la scène du mariage, grâce aussi à la belle présence de Claire Mirande (La nourrice).
En fait, les seules autres scènes qui peuvent être sauvées du désastre sont celles du bal chez les Capulet et, à la rigueur, celle de la mort des deux amants , où, tout d’un coup,il se passe quelque chose de fort, et les moments d »accordéon et de violon.
Mais pour le reste, cette mise en scène de Roméo et Juliette à la sauce slavo/tsigane, reste bien médiocre et renforce encore les défauts de cette pièce mythique qui a souvent surtout à la fin et malgré quelques belles scènes, de sacrées allures de mélo.
Philippe du Vignal
Théâtre 14 jusqu’au 22 avril.