Les Serments indiscrets
Les Serments indiscrets
Anne-Marie Lazarini reprend Les Serments indiscrets de Marivaux Pour le spectateur, c’est un plaisir acidulé, un mélange de subtilité et de goût âpre : se laisser embarquer à n’en plus finir dans les méandres du sentiment amoureux qui se fraie un chemin vers la révélation tout en restant empêtré dans des atermoiements mortifères et peu constructifs.
Ce moment unique de régal verbal et scénique est dû à Marivaux bien sûr, mais à une direction d’acteurs soutenue et efficace . Originaux, ces personnages: Damis et Lucile, promis au mariage par leur père et réfractaires d’emblée à un tel projet. Le jeune Damis (Arnaud Simon, spontané et fervent) veut tout simplement vivre sa vie et ne veut pas qu’on le précipite dans un mariage qui bousculerait sa tranquillité. Sa vision des femmes est donnée une fois pour toutes : elles se ressemblent toutes, superficielles, inconséquentes et désinvoltes. Ce préalable vau jusqu’au jour où Damis rencontre précisément celle qui lui est destinée, l’honnête et authentique Lucile (Julie Pouillon, juste de sensibilité qui joue en alternance avec Alix Bénézech). La jeune et sage demoiselle de son côté a fait savoir par sa suivante, Lisette (Frédérique Lazarini), qu’elle ne voulait épouser un homme qu’elle n’a jamais vu. Mais voilà ! L’amour surgit quand on ne l’attend pas, et nul des deux « joueurs » ne veut s’aventurer à un aveu avant le partenaire, et attend que l’autre se déclare le premier. On est pleine de pudeur quand on est femme, et le jeune maître ne veut pas se soumettre non plus sans garantie.
C’est un thème durable que celui de la fragilité des serments d’amour et de la vanité d’une promesse destinée à séduire. Traditionnellement, les serments ne sont que des mots, et les mots que du vent. Comment capturer la parole sincère ?
La vérité des sentiments est objet de craintes et de doutes chez Damis, mais surtout chez Lucile qui empêche longtemps son amoureux de se déclarer, d’autant plus qu’une petite sœur facétieuse, Phénice (Isabelle Mentré) rôde entre les deux ; et aussi un valet coquin, Frontin (Cédric Colas), qui trouve un heureux arrangement avec Lisette ! Que de circonvolutions, que de retards dans les aveux, mais tout ira vers un dénouement heureux. Les serments et les promesses ont été mis à mal par nos deux héros. Démolisseurs en règle de la rhétorique amoureuse, mais le serment implicite reste sacré.
Véronique hotte
Théâtre Artistic-Athévains, jusqu’au 29 avril 2012. T: 01 43 56 38 32