Les onze mille Verges

Les onze mille Verges de Guillaume Apollinaire, adaptation et mise en scène de Godefroy Ségal.

  En 1907, jeune employé de banque, fait publier  un roman dit érotique, Les Onze mille Verges chez un imprimeur d’ouvrages clandestins de Montrouge. Réputé par ses thèmes sulfureux, c’est  le récit  des aventures d’un prince roumain Mony Vibescu, aventures assez pimentées, lors d’un voyage à Bucarest puis à Paris et enfin en Chine où il mourra des suites d’une flagellation opérée par des centaines de soldats pour n’avoir pas tenu sa promesse de faire l’amour à une jeune femme vingt fois de suite.
 Les onze mille Verges onzemille Il y en a pour tous les goûts: copulations en tout genre, sadisme et  masochisme surtout mais aussi  onanisme, sodomie jusqu’à plus soif, partouzes,homosexualité, pédérastie, vampirisme, scatophilie, etc… Et Apollinaire  ne se prive pas, avec une écriture virtuose,  de remettre le couvert , ou plutôt  le lit. Godefroy Segal s’est pris de passion  pour  » cette écriture de liberté, une écriture libérée, une écriture exutoire, le joyau hallucinant d’un halluciné ». (…) « Pour qui? Un public averti et interdit aux mineurs même accompagnés ».
On veut bien mais la louange est un peu surdimensionnée et  très, franchement à l’heure où la majorité des dits mineurs, garçons comme filles,  ne se prive pas d’aller voir des films porno sur internet, cette recommandation  semble quand même un peu désuète!

  Cela dit, sa  mise en scène, extrêmement précise,  et sa direction d’actrices sont exceptionnelles d’humour et de jouissance du verbe. Enfermées dans un cube de film plastique pendant une heure et demi, où assises ou allongées dans toutes les positons érotiques possibles, emperruquées et vêtues de robes noires absolument  transparentes, Géraldine Asselin, Barbara Ferraggioli, Nathalie Hanrion, et Mathilde Priolet  font un travail de premier ordre: rythme, gestuelle, diction: tout est impeccable et Godefroy Segal a eu raison de confier ce conte à ces quatre jeunes femmes qui jouent  le second degré avec gourmandise.  Le public disposé tout autour  des trois côtés   sur deux rangées, est ainsi installé en position de voyeur.
Les meilleurs moments sont ceux où l’une d’entre elles juchée sur un cube dit le texte, tandis que les trois autres exécutent sur un matelas central les figures sexuelles imposées. Sperme, urine, merde et enfin sang  jaillissent de gourdes en cuir jusqu’à gicler sur les quatre parois en  film plastique,  et les coups de cravache n’épargnent guère un bel oreiller rouge.
On est tout près de la performance  et  le spectacle peut faire penser à celles des actionnistes viennois comme Günter Bruss, Otto Muehl, Herman Nitsch, Rudolf Schwarzkogler et leur rituel du corps, sans oublier en France Michel Journiac ou Gina Pane. Ce  cube dû au peintre  Jean-Michel Hennecart, même s’il n’a rien de très écologique  puisqu’il faut le refaire chaque soir, est  une belle invention scénographique.

  Mais ces Onze mille verges auraient sans aucun doute été beaucoup plus convaincantes si Godefroy Segal avait eu une paire de ciseaux ; passée 45 minutes, le texte d’Apollinaire, sans doute scandaleux pour son époque et pour les suivantes puisqu’il n’a plus été interdit qu’ à partir de 1970! est assez répétitif… et on s’ennuie quand même un peu. Il y a heureusement  ces quatre formidables comédiennes !
  Alors à voir? Oui, mais surtout pour elles et la mise en scène de Godefroy Segal.

Philippe du Vignal

Maison de la Poésie jusqu’au 22 avril et ensuite du 23 mai au 3 juin.  Et Quatre vingt treize de Victor Hugo également mise en scène de Godefray Segal  du 2 au 20 mai.

 


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