Mama Medea

Mama Medea mise en scène de Christophe Sermet

voir Festival impatience


Archive pour 14 mai, 2012

LES FUYANTES

Les Fuyantes mise en scène de Camille Boitel, conception scénographique de Boris Gibé.

 

Depuis 2004, Camille Boitel et Boris Gibé , artistes circassiens promènent dans le monde leur étrange univers muet, bricolé, burlesque et instable. Nous gardons un souvenir étonné de la découverte de cette compagnie dans L’immédiat au Théâtre de la Cité Internationale, invité par Nicole Gautier, grande découvreuse qui leur avait attribué le prix de Jeunes talents cirque. Boris Gibé déploie une grande boîte élastique de toile grise où les acteurs font de la danse verticale, disparaissent dans des puits qui se creusent par magie à leurs pieds, rebondissent, marchent au plafond. Leurs combinaisons blanches noircissent, ils sautent, s’enjambent sans jamais s’agresser.
Il y a de l’humour, de la tendresse et une certaine détresse dans ce spectacle sans parole s, d’où l’on aimerait que le verbe puisse jaillir. Pour évoquer de notre monde déshumanisé, les images vidéo ne parviennent pas à tenir lieu de langage. Au sein du public, on n’entend que des rires discrets des petits enfants.

Edith Rappoport

Théâtre Paul Éluard de Choisy le Roi

www.leschosesderien.com

À L’ABORDAGE

À L’ABORDAGE  a-labordage1

 

 

À L’abordage, création pluridisciplinaire in situ du Collectif la Blanchisserie

 

Le collectif la Blanchisserie s’est constitué en 2012 à Ivry dans le sillage des Mêmes qui avait mené pendant une quinzaine d’années un travail exemplaire à l’Hôpital Charles Foix d’Ivry. Las, en dépit d’un travail acharné mené par des plasticiens, des musiciens, des troupes de théâtre qui organisaient des fêtes dans le parc de ce bel hôpital, et qui allaient faire des visites dans les chambres de retraités pour la plupart pauvres et isolés , avec le soutien de la DRAC et des collectivités territoriale.
Mais ordre de déguerpir de l’ancienne Blanchisserie qu’il occupaient leur avait été donné, voilà cinq  ans par la nouvelle directrice nommée et heureusement partie depuis. Ils ont dû déménager après un dernier acte poétique dans l’hôpital voilà un mois, à la Trace pour constituer le Collectif la Blanchisserie dans des locaux plus restreints et provisoires pour deux ans à quelques encablures, sur le territoire d’Ivry.

Pour le Festival de l’Oh organisé par le Conseil général du Val de Marne depuis une dizaine d’années Dorsaf Ben Nasser, Caribou (Caroline Brion), Tangible (Edwine Fournier) et KP5 (Cat Loray) aidés par l’ensemble du collectif, ont conçu À l’abordage, installation spectacle manifeste sur la rive de la Seine entre Ivry et Vitry. Au fil de la rive on découvre des installations plastiques argentées, de grands mats hérissés de boules oranges, autant de signes des arrêts temporaires, des haillons, des bâches plastiques, des tags, une capote qui flotte, des acteurs étrangement costumés qui déambulent sur la berge pendant qu’un acteur au micro énumère ce qu’il voit.
Les spectateurs se promènent avec les enfants qui jouent, pour découvrir une grande arche de béton taggée, les acteurs se plongent dans l’eau, ils déploient des linges blancs, se ceignent de chemises, on entend des bruits d’eau, un caquetage, on drape les filles dans de grandes vestes militaires, les cinq acteurs dansent un étrange ballet.
Une poésie bizarre surgit de ce spectacle insolite né d’un véritable engagement d’un collectif solidaire aux antipodes d’un carriérisme solitaire.

Edith Rappoport

Festival de l’Oh, Ivry

www.collectiflablanchisserie.org

UNE MOUETTE

Une Mouettd’après La Mouette d’Anton Tchekhov, mise en scène d’Isabelle Lafon.

“La pièce est amaigrie comme Nina à la fin de l’acte quatre, mais ses yeux sont plus grands.Tu vas te perdre un peu dans les noms et les personnages….Ça parle d’amour beaucoup, de théâtre beaucoup, et si l’on ne se perd pas dans l’amour et le théâtre, où veux-tu que l’on se perde ? La musique s’approchera de toi. L’histoire s’approchera de toi dans cet abri théâtre ou dans le théâtre comme dernier abri. Tu fais partie de la pièce.” déclare Isabelle Lafon.
Cinq femmes sur le plateau nu du théâtre sans aucun costume ni accessoire de théâtre, elles plantent “la vie telle qu’elle apparaît dans les rêves” et déclinent le texte de  La Mouette en incarnant les personnages tour à tour sans jamais s’identifier, puisqu’elles jouent tour à tour Treplev, Trogorine, Arkadina, Macha et son instituteur de mari Medjevenko, ou les serviteurs. “Que l’on écrive sans jamais penser à aucune forme” déclarait Tchekov, je suis faux jusqu’à la moëlle des os”… Aucun mouvement théâtral, elles se rapprochent simplement du public entre les séquences. Norah Krief en Nina arrache une belle émotion en récitant le texte de Trepleev dans le petit théâtre sur le lac, comme Isabelle Lafon en Arkadina qui affirme:  “J’ai une règle, ne jamais regarder l’avenir…”..
Ce spectacle émouvant mérite d’être joué chez tous les amoureux de Tchekhov ! Le Paris -Villette menacé actuellement doit continuer à vivre, signez sa pétition !

Edith Rappoport

Théâtre Paris Villette, lun,, mer, sam à 19 h 30, jeu, vent à 21 h, durée 1 h, Tél 01 40 03 72 23, jusqu’au 26 mai

Pollock

 

 

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Pollock, de Fabrice Melquiot

Jackson Pollock, figure emblémathique de l’expressionisme abstrait américain, en révolte, personnelle et politique, et Lee Krasner, sa femme, artiste peintre célébrée par Mondrian, qui l’accompagne dans sa descente en enfer, s’affrontent. La vie, chez Jackson Pollock, son œuvre, suivent la courbe de son alcoolisation, de son autodestruction, de son cynisme. Nous sommes dans l’Amérique du début du XXème, à cru, mondes décalés entre commentaires sur la création, les artistes, le métier de vivre, le couple, la dérive.

Fabrice Melquiot signe la pièce, torrent de paroles sans ponctuation ni respiration, hors d’haleine. La biographie de Pollock, âpre, excessive, est sa matière vive : « Peindre et me tuer je ne fais rien d’autre ». L’écriture, comme la vie de l’artiste peintre, est de l’art brut, de l’état d’urgence, une danse de mort : moments de dialogues rythmés comme blues et longs monologues où chacun devient narrateur et commentateur, où les rôles s’interchangent et s’inventent. Ainsi l’interview où Pollock, dans le rôle du journaliste, questionne Lee, sa femme, dans le rôle de Pollock.

L’action se passe dans l’atelier de l’artiste, très ordinaire, pour une peinture sortant résolument du cadre, pour un huis-clos de tragédie, celle de sa vie. La scénographie (signée Paul Desveaux, également metteur en scène) est conforme à la biographie. Lee Krasner (Claude Perron) avait entraîné Jackson Pollock (Serge Blavan) à Long Island pour le protéger de son alcoolisme. Ils y vivaient dans une ancienne ferme, sans eau chaude ni chauffage et avec très peu d’argent, une petite grange, servait d’atelier.

Pots de peinture et bouteilles de bière, une gazinière pour « les œufs au plat avec de fines tranches de lard », un escabeau, deux supports toiles qui serviront aussi pour quelques images filmées de Roosevelt, tel est le lieu de travail représenté, on pourrait dire lieu d’enfermement.

On entre, avec Pollock, dans la folie du processus de création : « J’accroche la toile sans châssis sur un mur ou je l’étends sur le sol… Je n’aime pas les outils du peintre Je ne veux pas de chevalet pas de palette pas de pinceaux. Je préfère travailler avec des bâtons des spatules des galets parfois mes ongles et des couteaux faire couler la peinture ou la charger avec du sable du verre pilé autre chose des corps étrangers » Pour lui, la création est animale dans le geste, la perte du contrôle de soi, la rage, la violence. Il est dans un engagement physique total avec sa toile, utilise le dripping (projection de HYPERLINK « http://www.evene.fr/arts/actualite/red-scare-guerre-froide-art-americain-peinture-1803.php »peinture sur la toile) et le pouring, (coulage du matériau à partir du pot de peinture ou d’un bâton). On assiste en direct à sa mise en tableaux et Lee, l’épouse, lui sert d’exutoire : « Il n’y a ni commencement ni fin il n’y a pas de sujet je parle de l’intérieur » hurle-t-il, comme un bateau ivre.

Il admire passionnément Picasso, la Jeune fille devant un miroir le trouble, Miro l’inspire, il rencontre Calder et se laisse envahir par Tenessee Williams, dans les affres de l’écriture avec sa Ménagerie de verre et que Lee n’apprécie pas, pensant qu’il a sur Pollock une mauvaise influence. Il rencontre José Clemente Orozco, l’un des trois grands de la peinture murale mexicaine, est inspiré par les motifs abstraits de l’art primitif et la peinture de sable des Navajos. Cette émulation est pour lui très féconde.

Sur les critiques, il s’abat comme un aigle, de violentes controverses en effet les ont divisés à son sujet : « Les critiques me jugent et je ne sais pas pourquoi ils me jugent, qui les paie pour me juger, comment font-ils pour me juger, quelle valeur vont-ils donner à mon monde intérieur ? Quelle note accorderont-ils à mon inconscient ? » et pourtant, malgré son crépuscule des dieux, il est au zénith et divise : « et puis je suis devenu une star… je suis devenu une créature poétique», ironise-t-il, même si « Tout succès est définitivement un malentendu ».

Dans ses délires éthyliques, Pollock visionne sa mort, au volant d’une grosse cylindrée, et son enterrement. Présage… Il se tuera en voiture, en 1956, un art de vivre du moment, aux Etats-Unis, vitesse grand V.

On est saisi par la brutalité de sa rencontre avec l’art, ses violences dans le couple oùle rapport de force est permanent, miné par la boisson, tous deux se mettent en scène et théâtralisent la relation, ils construisent leur quatrième mur. Les déclarations d’amour ainsi s’écrasent au sol : « Tu me trouves belle ? » demande Lee. Et Pollock de répondre : « J’ai vu pire », puis : « Ta gueule, je peins… » Il lui reproche : « Tu ne veux pas que je guérisse tu veux pouvoir me dominer encore ! »

Il n’y a pas d’espace pour elle. Insultes, injures, infidéllités, sont son quotidien. Ele essaie de poursuivre, elle aussi, avec son art, sans se désespérer. « Il faut que tu exposes… » lui dit-il un jour. Le Corbusier « a apprécié mes grandes toiles verticales » rayonne-t-elle.

Autour d’eux, le vide se creuse, le délire est permanent, ils sont déconnectés du réel : « Pourquoi est-ce qu’on ne voit plus personne ? » demande Pollock « Parce que plus personne ne veut nous voir » répond Lee et le doute est présent : « mon échec, l’aveu brutal de mon échec »…

Les quelques respirations offertes dans la pièce le sont sur fond de danse, moments de grâce entre blues et comédie musicale version début du XXème. L’un des derniers tableaux est le récit fait par Pollock, qui tient tous les rôles, du tournage du film de Hans Namuth : « Filmez-moi qu’on n’ait plus aucun doute sur mon génie ». Le réalisateur a en effet, dans la vie, photographié puis filmé Pollock qui a vu son impact augmenter dans les années 50, en particulier dans les écoles d’arts des États-Unis. La pièce colle à la biographie.

On pourrait poursuivre, avec les phrases jetées à la figure, par Lee : « Le génie est une maladie infantile très difficile à soigner », par Pollock : « Les images me viennent, ça prend le temps que ça prend.. » « Le peintre moderne commence par le néant c’est la seule chose qu’il copie ».On pense à Scott et Zelda Fitzgerald, à Diego Rivera et Frida Kahlo, à d’autres, quand l’homme et la femme, artistes tous deux, se perdent dans leur rêve et se noient dans l’alcool et la désespérance de vie.

 Le texte a une telle force, cette histoire de vie nous pénètre. Les acteurs portent le meilleur et le pire de leurs personnages avec conviction et passion. Pourtant on ne retrouve pas tout-à-fait, dans le travail, la singularité de l’écriture. Et le plateau reste plus linéaire que le texte, dans ce rituel de destruction.

Brigitte Rémer

Théâtre 71, Scène Nationale de Malakoff, du 9 au 13 mai 2012, puis en tournée.

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