Les Larmes amères de Petra von Kant, mise en scène de Philippe Calvario

Les Larmes amères de Petra von Kant, de Rainer Werner Fassbinder, traduction de Sylvie Muller.

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La pièce est bien connue, en particulier des élèves d’écoles de théâtre, mais  peut-être davantage grâce à l’adaptation que l’auteur en fit pour le cinéma en 72. C’est, en cinq actes,  un moment de la vie d’une célèbre créatrice de haute couture Petra von Kant qui ne tient plus tellement aux hommes. Elle se prend tout d’un coup d’une passion dévorante et ravageuse pour Karin, une très belle jeune femme qui veut toutefois garder sa liberté sentimentale et sexuelle.


Mais la muse  apprend à Petra qu’elle est mariée, et un jour, elle lui soutire le prix d’une billet d’avion pour aller à Francfort  rejoindre son époux. Petra, incapable de faire face, cède à sa belle amante et trouve dans l’alcool une consolation mais on la sent anéantie par cette trahison. Et cette toute puissante créatrice sombre dans le délire verbal et la folie, quand Karin part sans éprouver le moindre remords. Petra reste terriblement seule, même si elle  a une sorte de cour autour d’elle; d’abord Marlène, sa très dévouée secrétaire-femme de confiance, muette toute la pièce et qu’elle traite comme une esclave. Il y a aussi son amie Sidonie von Grassenabb, sa mère Valérie von Kant et Gabrielle, son adolescente de fille, incapable d’être en empathie avec sa pauvre mère à la dérive…

Philippe Calvario annonce un peu pompeusement: « Avec Marivaux et Mayenburg, je travaille depuis quelque temps à un cycle autour du couple et que, tout comme Fassbinder, ce sont les langages ayant pour thème la destruction amoureuse. Il possède également une radicalité dans l’écriture que l’on retrouve peu aujourd’hui ». L’auteur mort à 37 ans, l’âge de Calvario, ne cesse de le fasciner mais au-delà de la note d’intention, que voit-on sur un plateau plutôt encombré? Beaucoup de choses mais  peu qui fassent vraiment sens!
Cela commence plutôt mal avec un mannequin en polyester blanc sans tête posé sur le bord d’une loge à l’avant-scène au parterre. Le rideau levé, on se trouve dans une  chambre-bureau-atelier assez kitsch avec grands miroirs, lit sur estrade, table en acier chromé et verre. Comme il n’est fait mention que de « conseils scénographiques « (sic) -sans doute un nouveau concept!- on peut supposer que la chose est de la responsabilité de Calvario lui-même. En tout cas, c’est franchement laid et on comprend mal que ce soit l’appartement d’une soi-disant grande créatrice de mode… On ne sait pas si c’est au premier ou au second degré, mais, dit le vieux proverbe auvergnat, le second rattrape souvent le premier…

La direction d’acteurs est aux abonnés absents…  Il n’y a pas d’unité de jeu et on a bien du mal à croire à ce personnage de Petra von Kant incarnée par une Maruschka Detmers, en blonde platinée qui minaude et qui en fait des tonnes!  Les autres actrices  font ce qu’elles peuvent mais jouent un peu chacune de leur côté, avec parfois, tout de même, de beaux accents de vérité chez Julie Harnois (Karin) et Odile Mallet, remarquablement sobre et digne (la mère de Petra).

Mais on ne comprend pas que Calvario ait transformé la pauvre Marlène en sombre idiote… Tout est surjoué et parfois même mal dit, comme s’il hésitait constamment entre réalisme et ironie par rapport au texte de Fassbinder. Le metteur en scène a cru bon à la fin de chaque acte de nous mettre un peu de The Cure, de Jessye Norman ou Klaus Nomi. Un peu facile, ce surlignage, apparemment juste pour donner le temps à Maruscka Detmers de changer de robe. Comme dans le bon vieux boulevard!  Et quand Calvario prétend que chacun de ces morceaux renvoie à quelque chose de sexuel, à un lien vers l’érotisme, il ne manque pas de souffle, surtout dans ce contexte…

Alors à voir? Non, il y a des limites et ce genre de travail- désolé Patrice Martinet mais vos choix sont d’habitude beaucoup plus rigoureux!- n’a pas grand intérêt et n’aurait jamais dû franchir les portes de l’Athénée… Maintenant si cela vous tente! Mieux vaut aller voir le film de Fassbinder, même si et surtout, Calvario ne l’aime pas beaucoup!

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Athénée, Paris ( VIII ème) jusqu’au  9 juin.

 

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