La saison 2012-2013 à l’Odéon
La saison 2012-2013 à l’Odéon.
Luc Bondy, le nouveau directeur de l’Odéon avait été nommé par Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture à l’époque dans des conditions pour le moins surprenantes, ce qui avait fait quelque bruit dans la petite sphère théâtro-médiatico-politque. En effet, Olivier Py, sans que rien ne lui soit reproché, avait été prié de faire ses valises, sous pression, dit-on, de l’Elysée, et avait reçu comme cadeau de consolation la prestigieuse direction du Festival d’Avignon.Les choses se sont depuis tassées. Frédéric Mitterand a lui aussi fait ses valises et Luc Bondy, metteur en scène de nationalité suisse, s’est installé et a mis en place la prochaine saison avec un nombre de spectacles limité.
Très à l’aise, Luc Bondy parle debout sans notes, avec beaucoup de clarté: » J’ai été nommé tard, a-t-il dit et j’ai demandé à des amis proches de participer à la prochaine saison. Je voudrais renouer avec ce qu’avaient fait Giorgio Strehler et avant lui Jean-Louis Barrault: travailler avec des familles d’acteurs , tout en prenant des risques. je veux faire des propositions artistiques et aucun cas du garage.
Le théâtre en France souffre de problèmes économiques mais il faudra revenir pour l’Odéon au subventionnement tel qu’il était en 2006, et établir un programme normal en quantité et de grande qualité. Ce qui a été toujours une ligne de conduite pour moi.
Je suis né dans ce qu’on appelle la Mitteleuropa. Celle de von Horvath, de Peter Handke, de Josepth Roth, de Sweig mais aussi celle de Fassbinder, de Lubitsch ou d’Ophuls. Mon grand-père était directeur du théâtre allemand de Prague et avait travaillé avec Kafka; j’ai commencé à faire des mises en scène quand j’avais dix-huit ans et j’ai grandi avec des gens de génération différente. Plus jeunes que moi comme F. Marthaler et d’autres plus âgés comme Peter Zadek, aujourd’hui disparu qui a révolutionné le théâtre allemand. Mais aussi avec Peter Stein qui a créé la Schaubühne, ou Klaus-Michaël Grüber…
Je crois beaucoup à la valeur des textes, je fais confiance aux acteurs et mon projet pour l’Odéon est d’y faire et d’y présenter un théâtre qui soit vraiment européen. Je n’ai jamais beaucoup cru à ce qu’on appelle le multi-culturalisme. Pour cette première saison, vous verrez qu’il y a nombre d’œuvres du 20ème mais aussi du 21ème siècle. Je ne peux tout énumérer mais il y a aura d’abord cette pièce étonnante d’Ödon von Horvath Foi, amour, Espérance que va monter François Marthaler (en allemand surtitré). Mort après avoir reçu une branche d’arbre sur la tête pendant un orage sur les Champs-Elysées, ce grand écrivain n’aura jamais vu sa pièce sur scène. Le langage musical de von Horvath correspond bien, je crois, à Marthaler qui a déjà monté trois autres pièces de lui.
Par ailleurs, je monterai personnellement Les Beaux Jours d’Aranjuez, sous-titré Un dialogue d’été, de Peter Handke, également en allemand surtitré, pièce qui vient d’être créée au festival de Vienne. Je tiens aussi à dire que Claude Régy qui a tant découvert d’œuvres nouvelles créera un spectacle tiré de La barque le soir de Tarjei Vasaas, le grand auteur norvégien décédé en 70 et qui inspira Jon Fosse. Il me semblerait bien que Claude Régy puisse aussi diriger une masterclass aux Ateliers Berthier.
En octobre , je mettrai en scène Le Retour d’Harold Pinter. J’ai demandé à Bruno Ganz , comédien suisse italien absolument trilingue qui tiendra un rôle pour la première fois en français, à Micha Lescot, Emmanuelle Seigner, Louis Garrel, Pascal Gregory et Jérôme Kircher d’aborder autrement Pinter qui a souvent été vu comme un auteur conversationnel et d’en exprimer toute la violence. Je veux remettre les acteurs au centre; cette interaction s’est perdue avec l’apparition de la vidéo! Je tiens aussi à ce que nos créations soient longuement exploitées, à l’Odéon d’abord et ensuite en tournée.Le Retour se jouera ainsi 57 fois.
Nous reprendrons aussi Fin de Partie de Beckett qui avait été mise en scène par Françon au Théâtre de la Madeleine; en espérant faire disparaître l’ostracisme que subit le théâtre privé en France, ce qui n’existe pas en Angleterre…Nous avons aussi invité,Grzegorz Jarzyna, metteur en scène polonais à présenter Nosferatu d’après le célèbre roman de Bram Stoker. Mais ont été aussi invités Robert Lepage, et Peter Stein avec Le Prix Martin d’Eugène Labiche. Du côté français,il y a aura la reprise de la remarquable Cendrillon de Joël Pommerat qui avait été créée à l’Odéon et Le Misanthrope monté par Jean-François Sivadier. Soit au total quatorze spectacles ». Cette saison représente pour moi une véritable aventure, même en terrain connu ».
C’est d’évidence une saison de transition mais Luc Bondy souhaite que l’Odéon soit porteur d’aventures exceptionnelles, quitte, dit-il, à ce que les langues qui en seront l’expression nous soient inconnues. Mais cela suppose évidemment 1) qu’il puisse disposer des indispensables petits sous. » Il me manque encore 1 million d’euros », a-t-il dit, mais j’ai bon espoir. 2) Que soit résolue la question concernant son âge, bientôt 64 ans donc proche de la retraite à 65 ans prévu par la loi française. Luc Bondy a dit très clairement qu’il y a aura bientôt un décret le concernant. Il faut citer le cas de Jean-Paul Cluzel, qui a bénéficié d’une dérogation, puisqu’il a été récemment nommé à 63 ans, président du Grand-Palais, pour cinq ans, en application de l’article qui modifie la loi de 84 en fixant la nouvelle limite d’âge à 67 ans.
Grand-Palais/Odéon même combat? Luc Bondy, très malicieux, a précisé: « J’espère. Mon métier est d’espérer toujours… »
Philippe du Vignal