Théâtres politiques en Afrique, du nord au sud !

Théâtres politiques en Afrique, du Nord au Sud !

  Ce colloque international, organisé par l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, le Centre d’Etudes Africaines, l’Institut de Recherche pour le Développement, l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman, a eu lieu  les 23 et 24 mai derniers.

Théâtres politiques en Afrique, du nord au sud ! theatrespolitiquesRéunir, le temps d’un colloque, les Afrique(s), du Nord au Sud, a quelque chose de risqué, tant varient les histoires, les positionnements politiques et le rapport à la démocratie, donc la liberté de création et les esthétiques.
C’est ce défi qu’ont relevé deux jeunes chercheuses, Christine Douxami et Elena Vezzadini, en rassemblant des théoriciens et des praticiens issus de différents pays du continent africain, venus parler de leur expérience, en termes de recherche, de groupes de théâtre, d’esthétiques, et de rapport aux public.
C’est Philippe Ivernel, spécialiste du théâtre politique et notamment de Brecht, qui a fait un rappel historique sur ce qui a forgé le concept. « L’agit-prop, qui, dit-il, réduit la situation à sa qualité essentielle, l’allégorie ». Ivernel déroule un petit panorama qui va de la « polis » grecque au Théâtre révolutionnaire de Piscator, du groupe Octobre au Théâtre du Peuple et au Front Populaire jusqu’au Théâtre des Nations, qui accueillit nombre de troupes venues d’ailleurs,  et d’abord d’Afrique.
Dominique Traoré, de l’Université de Cocody-Abidjan, emboîte le pas avec «  Les masques de l’engagement politique dans les dramaturgies contemporaines d’Afrique noire francophone ». Par masques, il entend: » ce qui cache le contenu politique et qui permet aux auteurs de construire des stratégies de repositionnement « . Traoré montre que le théâtre africain est politique depuis 1930,  d’abord par la nécessité qu’il a eu de se libérer du jeu colonial et par  la référence à la tradition qui lui a servi, au départ, à contrer les totalitarismes: « Si les pionniers, dit-il,  sont descendus dans l’arène politique, les plus jeunes ont pris leur distance » et passent, selon l’écrivain Koffi Kwahulé,  » du nous  collectif au je individuel « .
Les Afrique (s), du Nord au Sud:  mille sujets en un : Afrique Subsaharienne, Afrique du Nord, Moyen-Orient, qui  sont les nôtres. On apprend les uns des autres, et la confrontation des expériences prend  toute sa valeur. Lorenzo Lihlgren Grandi, parle du théâtre sous Ben Ali et du manifeste des comédiens transmis aux autorités en 2009, pour fêter Cent ans de théâtre en Tunisie. Lihlen Grandi a choisi comme thème de recherche la contestation dans le monde méditerranéen. Cyrinne Gannoun, coordinatrice artistique du théâtre El Hamra à Tunis présente leur dernière création , The End ,  les objectifs de ce « théâtre de tous les arts« , et ses modes d’action pendant la révolution.
José Pliya, écrivain et metteur en scène béninois, parle du texte de Barack Obama, De la race en Amérique qu’il a monté en Guadeloupe où il dirige la scène nationale et qu’il lit. Alain Ricard, qui a longtemps vécu au Togo, présente plusieurs auteurs dramatiques,  et insiste sur le fait que la question linguistique est profondément politique. Hassan El Geretly, directeur du ThéâtreEl Warsha, premier théâtre indépendant égyptien qu’il a fondé en 1987 et qu’il dirige depuis, parle de la création  dans son pays.
Pierre Fourny, de la compagnie Alis, son partenaire en France, et Nabil Boutros, photographe franco-égyptien,  témoignent du travail effectué. Quatre points mis en exergue :l’indépendance comme anathème, l’évolution du modèle (avatar du théâtre occidental) et les nouvelles sources d’inspiration, le travail sur les cultures vernaculaires, la résistance à l’instrumentalisation de l’art.
Des lectures suivent, dont le Témoignage d’Alia, d’une rare violence, écrit par une sociologue qui inscrit les jeunes martyrs de la Place Tahrir dans la mémoire collective. Fida Mohissen et Ramzi Choukair, metteurs en scène syriens exilés,  soulignent qu’il n’y a chez eux ni tradition de théâtre arabe, ni politique culturelle, ni statut associatif; ils évoquent l’absence de textes mais aussi  la prédominance de« l’Etat, troisième pilier, qui contrôle tout ». Fida Mohissen parle de l’univers théâtral de Saadallah Wannous, un universitaire, critique et découvreur, qui réalisa dans les années 70 une œuvre didactique importante et qui travailla sur l’art du conteur:  » Comme, disent-ils, il s’était approché trop près des gouvernants, il s’y brûla les ailes et on l’oublia pendant une dizaine d’annés ».
Ramzi Choukair présente la plateforme: Arts en Méditerranée qui regroupe: Chypre, France, Liban, Syrie, Tunisie et Turquie, avec, comme objectif, la recherche d’une programmation commune, la formation et le soutien aux lieux alternatifs.
Omar Fertat, de l’Université de Bordeaux, propose une traversée historique du théâtre marocain à travers la variété de ses formes : le psat, forme de théâtre traditionnel du XVIIIème siècle, rite spectaculaire entre culte de Dionysos et commedia dell’arte ; les pionniers du théâtre marocain moderne, nationalistes allant contre tout ce qui rappelle la colonisation, et  le développement du théâtre amateur, « fils illégitime du théâtre marocain«  dans les années 70, le théâtre cérémoniel des années 75, récupéré par le gouvernement ; enfin,  le théâtre comme divertissement, « quatrième art », relié au ministère de la Jeunesse et des Sports, et non à celui de la Culture.
Dorcy Rugamba, acteur, metteur en scène et auteur rwandais, lit un tableau de son admirable texte  Bloody Niggers, ( Sales nègres) expression d’un théâtre épique et poétique contre l’oubli. Cela fait penser  à une suite que l’on donnerait au Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire ou aux Last Poets.
Kagni Alem, qui a obtenu le grand prix littéraire d’Afrique Noire, présente la figure du héros populaire Koukoui Victor, personnage incarnant à lui seul le théâtre traditionnel du Togo, créateur du concept de Concert party joué dans les bars et fondé sur les jeux de mots et le dialecte local, au cours de soirées en plusieurs temps : musiques, sketchs, canevas d’improvisation, danses standard, etc… Et Maëline Lelay parle, elle, de la scène théâtrale en République Démocratique du Congo avec ses problématiques linguistiques, politiques et religieuses, où multilinguisme et théâtre populaire ont déjà une histoire.
Suivit un grand débat sur le thème : « Quel théâtre politique pour quelle esthétique, aujourd’hui ? » entre représentants des Afrique(s), du nord au sud. Du théâtre algérien, on a appris le diseur et le jeu théâtral, les fables entre hommes dans les marchés . On a parlé de double culture et de métissages, et de la nécessité de perdre ses repères, quand on est en tournée en Afrique,  où l’infrastructure et la technique sont souvent défaillantes. On a parlé des mots, des auteurs, du multilinguisme, de la diglossie, mais aussi de la distance nécessaire pour arriver à contourner la censure.
On a parlé de la relation aux signes, des esthétiques des théâtres politiques qui se reconnaissent autant de créateurs que d’esthétiques. On a parlé de formation, de compagnonnage et de transmission. On a parlé de culture et de développement. El Geretly énonce son manifeste : « l’Art, ni pour le développement, ni par le développement, mais l’Art comme Développement ».
Ce colloque international a été l’occasion d’une plate-forme de réflexions et de débats chaleureux. Des lectures de textes ont ponctué ces journées et ont permis  de faire le lien entre théorie et pratique. Que l’on parle du pays d’où l’on vient et où l’on travaille, que l’on ait une position  distanciée, à cause d’un exil choisi ou forcé, l’identité due à une double culture et  l’altérité collent à l’œuvre. La notion du politique, la censure, le double langage, l’ancrage dans des formes traditionnelles déclinées d’un pays à l’autre, ont  été l’occasion de véritables échanges.
Pari réussi pour ces Théâtres politiques en Afrique, du Nord au Sud !

Brigitte Rémer

. Théâtres politiques (en) Mouvement(s), Textes édités par Christine Douxami, édit. Presses Universitaires de Franche Comté – Normes, pratiques et savoirs, col. Les Cahiers de la Msh Ledoux, comprenant un DVD réalisé par Philippe Degaille, 2ème trimestre 2011.

. Des théâtres populaires : Afrique, Amérique, Asie, Europe, édit. Presses Universitaires de Bordeaux, col. Horizons/Théâtre, mars-septembre 2012.

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Archive pour 30 mai, 2012

A louer

A louer par la compagnie Peeping Tom

A louer 201205231480_w350  Le Théâtre de la Ville semble renouer avec son passé, et le décor rappelle l’époque où c’était une salle  à l’italienne qui s’appelait encore Théâtre Sarah Bernardt. De hauts pendrillons rouges ferment le plateau,et sur la scène, juste un piano, un canapé,  et  quelques  fauteuils encore couverts de housses et un lampadaire…
Ce pourrait être le hall d’un théâtre ou d’une salle des ventes. La scénographie constitue un peu le personnage central de cette pièce de danse/théâtre. Les sept comédiens de cette compagnie belge, vont jouer avec ces éléments de décor et y révéler d’autres espaces. Tout est fait pour qu’il perde son sens initial.
”Follow me”: l’ordre est plusieurs fois répété mais il n’est pas facile de suivre ces personnages et l’on s’ennuie assez vite malgré de très beaux moments. A signaler: deux danseurs coréens  qui possèdent une gestuelle exceptionnelle. Et la lumière transforme le lieu en un tableau d’Edward Hopper.
Et c’est à un théâtre d’images de l’inconscient, avec un texte qui participe plutôt de  l’accessoire mais avec  une bande-son très présente. que nous sommes en fait conviés. On se souviendra sans doute du moment magique à la fin du spectacle,  quand un comédien reprend au piano Wild is the wind de Nina Simone, juste  avant que l’ensemble du groupe ne se fige dans cet espace qui retrouve alors toute la force visuelle et évocatrice d’une peinture.

Jean Couturier

Théâtre de la Ville jusqu’au 2 juin   

un musée éphémère au Château de la Roche-Guyon

On emménage au château, un musée éphémère, au Château de la Roche-Guyon.

 un musée éphémère au Château de la Roche-Guyon index

Gérard Titus-Carmel

  Pas très loin de Vétheuil et de Giverny, le château est adossé à la falaise de craie, en  bordure de  Seine. Ancienne forteresse  qui fut la demeure du duc de la Rochefoucauld, elle garde encore un donjon médiéval mais aussi de vastes appartements, avec, pour y parvenir,  un escalier monumental, des salons d’apparat, des chapelles jumelles, une belle bibliothèque, un petit théâtre et de superbes écuries, le tout pur jus 18ème siècle. Et,  en dessous, cadeau de Rommel,  des casemates creusées dans le sous-sol de la falaise.
Enfin, cerise sur le gâteau, un beau potager  fruitier, à la française, cultivé sans pesticides ni engrais de synthèse, qui a été restauré sous le parrainage de Gilles Clément.  Il y a aussi une partie du château  restée propriété des descendants de la famille de la Rochefoucauld qui y résident. C’était un endroit rêvé pour Edgar P. Jacobs qui y a situé l’action d’une aventure de Black et  Mortimer, Le Piège diabolique.

   Spectacles, lectures, conférences se succèdent au château,depuis qu’ Yves Chevalier  en est devenu le directeur. Il  a proposé à Jean Le Gac, peintre lui-même, de réaliser une belle  idée: à savoir réunir des œuvres d’amis, artistes de sa génération, tous  nés de 34 à 47, sauf Paul-Armand Gette le plus âgé, né en 27. Tous des hommes ! et tous vivants , sauf Gina Pane,bien connue pour ses performances,  André Cadere que l’on pouvait souvent voir, marchant dans un métro de la ligne 9 avec  l’un de ses  très beaux bâtons peints ici exposés , Toni Grand, sculpteur,  Jean-Pierre Pincemin et André  Valensi, peintres.
Nombre d’entre eux ont fait partie du mouvement Support/ Surfaces qui  a beaucoup œuvré à mettre en place, dans les années 70, une véritable dialectique entre peinture et théorie. Jean Le Gac- et à ses côtés Evelyne Artaud, commissaire de l’exposition-est donc le « conservateur » de cette exposition, dit Yves Chevallier. Il a lancé des invitations  à (…) ceux qui ont voulu « sortir du cadre » dans les années 70. Avec eux, il a tissé un réseau de relations intimement liées au site. Comme rêver cadre plus adapté à un tel projet que ce stupéfiant grand château vide comme un décor magistral qu’il s’agit sans cesse de réinventer. »

  Il s’agit d’une longue ballade/parcours (une heure et demi), parfois un peu rude(il y a beaucoup de marches d’escaliers) mais souvent passionnante, qui constitue comme une sorte d’histoire, évidemment éphémère, de l’art contemporain, loin aussi d’être exhaustive et qui ne cherche nullement à l’être. Pas toujours facile non plus-aucune pédagogie et c’est sans doute mieux ainsi- mais où chaque œuvre exposée l’a été  avec un soin tout particulier, par Evelyne Artaud.
Soit en contraste: comme  les grands dessins de Jean Le Gac dans la salle de billard.Per una selva oscura II de Daniel Dezeuze (de grosses roues de fer rouillé disposées à même le parquet d’un grand salon dont les mur sont ornés de grands tableaux 18 ème, ou cette Corde à nœuds en nylon  noir  de Claude Viallat qui se détache sur la carrelage blanc à losanges noirs de la Salles des gardes, ou de lui encore,  ce Filet élastique rouge à nœuds bleus tendu dans les écuries..

  Et à l’extérieur la très belle Haie ouverte et colorée de Daniel Buren sur la rampe d’entrée  du  château,   ou encore  L’Échappée belle de Bernard Pagès, grand signal en ferraille tordue,  installée dans le potager.  On pourra objecter que c’est un peu facile cette histoire de contrastes.. Sculptures, matériaux  et couleurs  industrielles du 20ème siècle pour des œuvres non figuratives mises en regard de peintures sur toile aux couleurs naturelles du 18ème siècle. En tout cas, cela fonctionne plutôt  bien. 
  Il y a aussi plusieurs installations tout à fait en adéquation avec des lieux  insolites du château, comme ces Vanités d’Ernest Pignon-Ernest avec autant de sérigraphies de 30 cms x30 cms disposées dans chacune des deux cent niches du pigeonnier, ou cet Autoportrait de La Rochefoucauld, grand dessin  de presque deux mètres, à la pierre noire  sur papier , installé dans le couloir d’un réservoir. On connaît l’aversion d’Ernest Pignon-Ernest pour l’art destiné aux musées et son goût prononcé pour les sérigraphies qu’il va lui-même coller sur les murs des rues comme à Naples. Comme le dit finement Léontine H. , du haut de ses huit ans: « Il a bien raison de faire comme çà! »
« Ou ces autres Vanités I-V de Gérard Titus-Carmel, juste accrochées aux boiseries du couloir des chapelles. Ou encore ce tas  de boules de Jean-Luc Parent, disposé dans le coin d’une casemate au sous-sol. Ou encore cette belle bibliothèque aux  peusdo-libres livres blancs conçue par Alain Fleischer,  installée dans la vraie bibliothèque aujourd’hui désaffectée
.
  Mais il y a aussi, moins convaincantes,  les installations  de François Bouillon,  ou celle de Gérard Collin-Thiébaut sur la terrasse du château… Commencé depuis 2010, ce parcours a été terminé et inauguré en  2012; c’est une collection exceptionnelle qui rassemble des artistes  très différents,  dont le seul dénominateur commun semble bien d’être  à la fois  la rupture de ban avec la peinture ou la sculpture, pour mieux parfois la retrouver ensuite , et une profonde réflexion sur la notion même d’œuvre d’art, que ce soit avec  les artistes précédemment cités, ou avec Louis Cane, Christian Jaccard,  Anne et Patrick Poirier, Patrick Saytour…
C’est en tout cas une exposition qui ne peut laisser indifférent; le seul bémol est un prix d’entrée un peu élevé: 7, 80 euros mais il y a des  tarifs réduits  (mais pas tant que cela!)pour les familles, les gens du coin, et  quand  on va aussi chez Monsieur Monet à Giverny, il y a une remise: c’est la prime à la consommation artistique… On peut toujours, semble-t-il,  aussi négocier avec Yves Chevallier si on y va en groupe… 

Philippe du Vignal

E.P.C.C du Château de La Roche-Guyon
1 rue de l’Audience 95780 La Roche-Guyon T: 01 34 79 74 4 information@chateaudelarocheguyon.fr

Tarif plein : 7,80 € Tarifs réduits:3,70 € handicapés, 4,80€ (étudiants, demandeurs d’emploi), 4,30 € (6-12 ans), 4,80 € (13-18 ans), 3,30 € habitants de la communauté de communes Vexin Val-de-Seine (Amenucourt, Chérence, Haute-Isle, La Roche-Guyon, Vétheuil, Vienne-en-Arthies, Villiers-en-Arthies).Forfaits famille: 22,00 € (2 adultes + 2 enfants), 26,00 € (2 adultes + 3 enfants). Tarifs de groupe. 

http://www.dailymotion.com/video/xpfc12

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