Klaus Michael Grüber

 

Klaus Michael Grüber – Ouvrage publié par le Théâtre National de Strasbourg.

Klaus Michael Grüber  dans analyse de livre Klaus-Michael-Grueber_illustrationAprès la soirée d’inauguration de l’Espace Klaus-Michael Grüber le 17 octobre 2010 à Strasbourg, Julie Brochen, directrice du TNS et Fanny Mentré, metteuse en scène, avec toute l’équipe du Théâtre, décident de publier un ouvrage accompagné d’un CD, illustré par les photos de Ruth Walz, consacré au grand metteur en scène allemand trop tôt disparu (1941- 2008). Lors de l’inauguration, nombre des amis artistes de Grüber se réunissent dans ce lieu portant désormais son nom; une occasion rêvée d’évoquer son travail, ou simplement d’être là pour la soirée de mémoire. Les interventions sont multiples et pertinentes, qu’il s’agisse de théâtre ou bien d’opéra. Que dire de Grüber, si ce n’est qu’il est l’un des grands metteurs en scène de la fin du vingtième siècle européen et du tout début vingt-et-unième, ses mises en scène faisant définitivement référence dans l’histoire du théâtre ? En France, on se souvient avec émotion de Bérénice de Racine avec la mystérieuse Ludmila Mikaël, avec Richard Fontana et Marcel Bozonnet, à la Comédie –Française (1984). Les images inoubliables sont revivifiées par les propos de Jean-Pierre Vincent, de Muriel Mayette, d’Éric Vigner et de Jean-Pierre Thibaudat. On se souvient également du Récit de la servante Zerline d’après Les Irresponsables de Hermann Broch aux Bouffes du Nord (1986) avec l’énigmatique Jeanne Moreau, en petite robe noire, coiffe et tablier blancs. André Marcon joue dans La Mort de Danton de Büchner au Théâtre des Amandiers de Nanterre (1989). Et André Wilms également, qui nous aide à retrouver le temps perdu dans le Faust Salpêtrière d’après Goethe à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière (1975) et dans Le Pôle de Nabokov à la Schaubühne de Berlin (1996). Michel Piccoli quant à lui, a travaillé avec Grüber sur À propos des Géants de la montagne d’après Les Géants de la montagne de Pirandello au CNAD (1998). Les peintres Eduardo Arroyo et Francis Biras évoquent aussi leurs nombreuses collaborations avec Grüber ; de même, le scénographe et costumier Rudy Sabounghi. Quant à Luc Bondy, entre autres collaborations, il a co-produit Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès à l’Akademietheater de Vienne (2001). Et l’acteur allemand Bruno Ganz est un interprète privilégié dans les mises en scène de théâtre et d’opéra : Les Légendes de la forêt viennoise de Ödön von Horvath (1972), Les Bacchantes d’Euripide (1974), Mère blafarde, tendre soeur de Semprun (1995), Le Pôle de Nabokov (1996) et Oedipe à Colone de Sophocle (2003). Peter Stein encore, directeur de la Shaubühne de Berlin de 1970 à 1987, invite Grüber au sein de son équipe artistique, accompagnant les dramaturges Dieter Sturm et Botho Strauss, les comédiens Bruno Ganz, Edith Clever et Jutta Lampe. Enfin, Stéphane Lissner, directeur de la Scala de Milan, invite le metteur en scène allemand au Châtelet de Paris qu’il dirige pour y créer La Traviata, opéra de Verdi, sous la direction de Antonio Papano (1993). On peut lire encore les propos passionnés de Ellen Hammer, metteur en scène, longtemps assistante et dramaturge de Grüber. Pour illustrer l’ouvrage, des photos de Hannah Schygulla, de Angela Winkler, quelques musiques du violoniste et compositeur Ami Flammer, une lettre manuscrite du comédien Otto Sander et de Bruno Ganz. Avec le théâtre pour seul bagage, Grüber va de l’Italie à l’Allemagne en passant par la France où il s’arrêtera enfin, habitant de Belle-Ile-en-Mer, en proximité avec les mouvements de l’océan, les mouvements naturels de l’âme. Son monde est aussi celui de ses amis, les comédiens et les chanteurs, tous humbles mais serviteurs magistraux de la peinture, de la littérature, de la musique, de la philosophie et du théâtre. Un précieux compte-rendu de l’esprit et de l’art vivant d’un maître.

Véronique hotte


Archive pour 10 juin, 2012

My secret Garden

My secret Garden, texte et mise en scène de Falk Richter, mise en scène de Stanislas Nordey.

My secret Garden mysecretgarden-300x195« J’ai tout de suite compris que c’était exactement cette écriture-là dont j’avais envie. Elle relevait autant d’une écriture proche du théâtre-documentaire, fais de fragments ancrés dans la vie, l’actualité et le politique, que des pièces de théâtre construites autour de personnages de fiction » dit Stanislas Nordey à propos de ce spectacle créé au Festival d’Avignon en 201. Deux ans après l’emballement de certains, cela donne quoi?
  Sur la grande scène nue, il y a au fond, un haut mur de huit mètres de long environ ,fait d’un empilement de caisses en aluminium, et sur chaque côté, des projecteurs sur pieds .Nordey , en survêtement bleu, seul face au public sur un long praticable/estrade,  les pieds bien campés au sol,  s’empare du  texte  remanié pour le théâtre de Richter, écrivain et metteur en scène allemand.  » Désolé, je n’ai pas de titre pour cette pièce », dit-il en préambule à cet interminable monologue de plus d’une demi-heure.
  L’écrivain y  parle  de l’époque nazie qu’ont vécue ses parents, mais aussi de la surveillance permanente qu’ils exerçaient sur sa vie personnelle en fouillant sa chambre; il parle aussi du pouvoir capitaliste et des  méfaits permanents du libéralisme économique qui empoisonne la vie sociale de ses contemporains. Il n’a aucune indulgence et pas de mots  assez durs pour dénoncer un mode de vie où tout est programmé et où les banquiers sont les maîtres absolus. Mais il  apprécie beaucoup la douce France avec ses arts, ses bons repas et Jean-Luc Godard.
  Mais, petit ennui et non des moindres, Nordey vitupère sans arrêt et,  par moments, sans que l’on comprenne pourquoi, se met à chuinter un  texte qui est  souvent conventionnel, et faussement provocateur, avec des audaces à un centime d’euro. Il faudrait être bien naïf pour penser que c’est la dernière avant-garde. Comme le son  qui nous parvient,  via son micro HF, est immonde, cela n’arrange pas les choses et c’est, passées les cinq premières minutes, d’ un ennui irréversible à couper au couteau.
  D’ailleurs,  Nordey/Richter le proclame: « Toute cela est ennuyeux et déprimant ». On ne le lui fait pas dire, et c’est très vite la première hémorragie de spectateurs ,dont le médecin de garde, qui ira sagement attendre  dans le hall.
Heureusement,  arrive alors sur scène Anne Tismer, que l’on avait pu déjà pu voir chez Ostermeier; l’actrice affublée d’une triste jupe à carreaux, réussit à réveiller un public passablement sonné par cette logorrhée engourdissante qui n’en finit pas de ne pas dire grand-chose. Anne Tismer a une indéniable présence dans une scène érotique: c’est sans doute le seul moment du spectacle où il y a un petit frémissement de vie.
  Puis arrive Laurent Savage; il parle, il parle même beaucoup, et en particulier  d’un jeune metteur en scène Stanislas Nordey qui va monter Lohengrin… Décidément, rien ne nous sera épargné, même pas cette vielle tarte à la crème du théâtre dans le théâtre. Seconde et plus forte hémorragie de public,  dont un homme qui part en sifflant  le spectacle. Nordey ne dit rien mais, cela se sent, il  accuse quand même le coup et  continue avec une énergie que l’on ne peut lui nier…
 On ne nous épargnera pas non plus un  film muet amateur (?)projeté sur le mur de métal ; ce sont des images  palichonnes de ville allemande, avec, de temps en temps le visage d’un petit garçon allemand. Peut-être celui de Richter lui-même. Drôlement  novateur comme idée!!! Et pour finir en beauté, Nordey va nous assommer définitivement avec une petite performance/ happening assez pathétique: avec Laurent Savage, il descendre les caisses du haut du mur, et  Anne Tsimer ira en disposer le contenu à l’avant-scène:  une série de robots ménagers. Puis Laurent Savage installe un barbecue électrique où vont griller trois  grosses saucisses. C’est-y-pas quand même gonflé et de la dernière avant-garde de faire cela, dans un théâtre officiel, tout proche de chez M. Hollande? Enfin, cela remplacera symboliquement la petite sauterie du 14 juillet à L’Elysée…
  En attendant que cela cuise, c’est comme dans les happenings, il faut bien s’occuper, et occuper aussi l’espace et le temps,  et  Anne Tsimer se verse un verre de vin qu’elle fait déborder! C’est Laurent Savage, en Français plein de savoir-vire, qui a débouché la bouteille!  Nordey a été bien éduqué et on a dû lui montrer ce gag (mais  c’était un verre de lait) dans Le Regard du sourd,  (1970) , spectacle mythique, du grand Bob Wilson.. .
Après encore  un autre monologue de Nordey, ce chef-d’œuvre du théâtre contemporain s’arrête un peu brutalement comme une performance. Mais il aura fallu attendre deux heures et quart. La vie est un long fleuve tranquille, avait déjà prévenu la Bible! Heureusement, la vie est quand même tout mais, en général,  moins ennuyeuse…

Une partie de la salle qui s’était déjà un peu vidée, applaudit quand même à  cette chose aussi prétentieuse que faussement provocatrice, et qui atteint les sommets de l’ennui qui  pourtant n’aura pas manqué cette  saison. Mais  on ne saura pas très bien quels sont les auteurs, de ce My secret Garden, puisque le programme mentionne d’abord Richter puis Nordey comme metteurs en scène. En tout cas,  comme dirait Jacques Livchine: trois mois de prison avec sursis!
  Mais si  vous voulez vous faire une idée de ce que peut être une fausse avant-garde estampillée pur porc Allemagne-France, arrivez avec 40 minutes de retard, le temps  que le premier monologue soit fini (et seulement bien sûr, si vous avez une invitation), et restez-y un quart d’heure, le temps quand même de voir Anne Tismer, et  de contempler les saucisses en train de cuire mais  en ayant toujours en mémoire l’impérissable  phrase de Nordey: « Le matériau final est comme un arbre avec Falk comme tronc et racines, et les personnages d’Anne, Laurent et moi, comme prolongements ».  Il fallait oser l’écrire!
  Côté Richter, aller voir plutôt l’exposition de l’autre Richter (Gerhard) à Pompidou, ou bien allez rire un bon coup dans la petite salle du Rond-Point avec Patrice Thibaud, vous  serez au moins sûr de ne pas perdre votre soirée!

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 24 juin

Le Fils

Le Fils de Jon Foss, traduction de Terje Sending, mise en scène de Jacques Lassalle.

Le Fils LE-FILS-M.Aumont-C.Hiegel-Photo-dunnara-MEAS-DSC_0130-bdJacques Lassalle met au jour la saveur éloquente et légèrement acide de cette pièce sombre et lunaire.  C’est  un huis-clos tiré au cordeau qui s’installe entre un père et une mère, couple mature, tonique et désenchanté, comme il sied à nos temps post-modernes, êtres miniaturisés dans le cadre dressé d’un paysage tourmenté de falaises et de cavernes, évoquées par les fresques  de Jean-Marc Stehlé  qui interprète aussi  un voisin alcoolique. Elle et lui (magnifiques Catherine Hiégel et Michel Aumont), écrasés et éprouvés devant les hauteurs naturelles des reliefs nordiques sont pourtant grands et intenses dans l’âme, responsables à jamais d’un fils qui ne vient plus guère rendre visite à leur solitude.
  Ce fils (Stanislas Roquette) arrive toutefois un jour, sans qu’on n’en sache davantage sur lui… Mauvaises fréquentations, délinquance, fêtes à l’excès,  ou bien simplement musicien fidèle à son art qu’il ne peut exprimer que dans les bals du samedi soir ? Les spectateurs, comme les parents, ne pourront élucider ce mystère existentiel qui fait la marque de fabrique de chacun, marque d’autant plus fragile et douloureuse dans sa récente inscription que le sujet est jeune.
  Et c’est là que la faille s’inscrit dans les gouffres du temps, les écarts de générations, les vertiges que déchaînent les changements d’époque, les variations d’humeur, les sautes de point de vue et les renouvellement des valeurs bousculées, que l’on croyait figées à vie ou reliées à sa seule compréhension du monde. Jon Fosse invite à cette réflexion sur le sentiment d’être, une expérience humaniste à l’écoute de l’autre, différent et encore soi-même, que l’on soit jeune ou vieux.
  Le fils apprendra la leçon au cours d’une existence qui s’ébauche et dont il serre jalousement auprès de lui l’énigme farouche et coupante pour le milieu parental blessé. Comme à son habitude, Lassalle tient de main de maître les ressorts d’une morale de vie lourde, riche et belle à la fois qui s’engage loin dans l’épreuve absolue, cette sensation simple du temps qui passe avant l’échéance définitive mais lointaine encore.

Véronique Hotte

Le Fils de Jon Fosse, traduction Terje Sinding, mise en scène de Jacques Lassalle, Théâtre de la Madeleine jusqu’au 15 juin 2012.

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