Ventes de Folie (suite et fin)
Un grand nombre de nos lecteurs ont été attentifs à notre précédent article; aucune vente de costumes de scène, n’avait en effet connu autant d’engouement et de passion, depuis que l’Opéra de Paris en 99, avait vendu une partie de son stock de costumes, dispersé dans une scandaleuse cohue qu’aucun responsable de la chose n’avait prévu…
Aucune cohue lors de ces trois journées de vente aux enchères de la collection d’Hélène Martini, ancienne directrice des Folies Bergère, grâce à la remarquable organisation de la maison Bailly-Pommery et Voutier. Et ce n’est pas une fièvre acheteuse qui a créé cette atmosphère, mais une réelle passion de la scène et d’un mythe que le public a partagé, dans un grand moment d’émotion. Tout d’abord dans ce lieu magique qu’est le Palais de la Bourse puis dans un vaste entrepôt de la ville de Bagnolet.
Nulle présence, semble-t-il, du Centre national du costume de Moulins lors de ces trois journées ! Comme si le music-hall qui a porté l’art de la scène française au-delà des frontières était un art mineur ! Les collections de l’Opéra de Paris ou de la Comédie-Française, entre autres, sont conservées et présentées régulièrement au Centre national du costume. Mais pour quels visiteurs, vu sa situation géographique, à l’écart de l’agglomération de Moulins ! Costumes bien protégés, mais qui ne revivront sans doute plus jamais sur scène…
Ici, ceux qui ont été vendus sont pour beaucoup assurés d’avoir une autre vie, grâce aux acheteurs français ou étrangers. Quel bonheur que de voir une jeune compagnie acquérir des portants entiers de costumes avec un réel engouement ! Ou un monsieur de quatre vingt ans repartir avec quelques tenues de scène, plein de rêves anciens dans la tête…
Une partie du patrimoine des Folies-Bergère a aussi été préservée, grâce aux achats du Musée des Arts Forains ou du Moulin-Rouge qui a acquis le rideau de scène à paillettes rouges, dessiné par Erté, pour 23.125 euros, le prix le plus élevé; une robe-fourreau, copie d’un modèle porté par Joséphine Baker: 1875 euros; une robe-bustier et un boa jaune 875: euros; un ensemble de robes léopard 1063 euros. Et la vente des deux premiers jours avait déjà totalisé 413.212 euros !
Des créateurs de mode, en acquérant certains lots, sont venus chercher ici de nouvelles inspirations… Philippe Decouflé, lui, est reparti heureux avec une sérigraphie d’Erté. Tous les participants: acheteurs ou simples spectateurs auront en tout cas vécu un moment unique. Ces costumes ont en effet une mémoire et une part d’animisme enfouie en eux, ce qui a sans doute, pendant quelques heures, réveillé la scène des Folies-Bergère, hors de son espace d’origine, dans une bulle de légèreté et d’insouciance.
Jean Couturier