Joyeux deuil
Joyeux deuil, de Sabrina Amghar, Orane Dumas et Syndie Kourte, mise en scène de Bernard Bourdeau.
Il y a Myriam, la trentaine qui est en train de préparer, avec l’aide sa sœur Zoé, sa jeune demi-sœur, une petite fête pour le cinquante-cinquième anniversaire de leur mère, un actrice très connue dont on ne saura pas grand chose. Trois chaises de faux cuir, une table recouverte d’une nappe rouge, où trône un énorme gâteau avec seulement six flûtes en plastique et une bouteille de champagne déjà ouverte et pleine d’eau.Et des costumes assez laids. Bon… il faudra faire avec!
Arrive alors brusquement Yasmine, qu’elles ne connaissent pas, et qui se révélera faire aussi partie de la famille. Elle se charge de rabattre le caquet de Myriam qui n’a même pas conscience du racisme de ses paroles, en lui révélant qu’elle est interne en médecine, et qu’elle dirige un service de gynécologie dans un hôpital(???). Ce tout début de la pièce est assez enlevé et ne manque pas d’un certain piment, mais cela ne dure pas et le dialogue devient vite bavard! Parfois à la limite du boulevard.
Puis la pièce bifurque sans que l’on sache bien pourquoi: on est quelques mois plus tard, changement de situation: Zoé est enceinte et il y a une couronne mortuaire; on comprend donc que leur maman est partie pour le paradis des comédiennes. Bref, la mort qui vient de frapper, et la vie qui va arriver d’ici peu: cela ne fait pas dans la légèreté mais bon… Et le grand déballage familial où l’on se perd un peu dans les parentés et pièces rapportées, va alors commencer… Jusqu’à l’annonce de ce père qui va revenir. Merci, docteur Freud….
Ce Joyeux Deuil, vous l’aurez deviné, est d’origine autobiographique: et a sans doute commencé par des impros » L »une des comédiennes, disent-elles, se découvre à trente ans une famille de l’autre côté de la Méditerranée et une sœur de l’autre côté de la rue.A l’image de la pièce, une troisième personne auteur/comédienne d’origine algérienne, vient nourrir le projet ».
Quête d’identité, questionnement intérieur, interrogation philosophique : c’est le terrain théâtral où s’aventurent ces trois jeunes sympathiques écrivaines/comédiennes.Mais le compte n’y est pas vraiment: les dialogues sonnent souvent faux, l’histoire racontée est trop compliquée pour qu’on ait envie de s’y intéresser de près. Et l’écriture à six mains de cette piécette est quelque peu racoleuse, comme si les trois complices l’avaient commise pour la jouer ensuite en se faisant plaisir…
Elles se tirent comme elles peuvent de ce dialogue qui manque d’une intrigue solide, la plus convaincante étant sans doute Orane Dumas qui a une belle présence en scène. Mais » la comédie qui fait rire aux larmes » comme le prétend le programme, est bien longuette alors qu’elle ne dure qu’un peu plus d’une heure et ne fait pas beaucoup rire un public, disons, clairsemé.Enfin si le cœur vous en dit… Mais ne venez pas vous plaindre!
Les trois comédiennes, après le salut, demandent aux spectateurs de ne pas parler du spectacle à leurs amis s’il ne leur a pas plu! Et puis quoi encore! Si, si, justement on vous en parle, mais sans trouver une vraie bonne raison de vous y envoyer. Même si, en plein Paris, on se croirait très loin: le grand square qui jouxte l’Aktéon Théâtre, avec ses grands arbres magnifiques, au calme absolu, possède quelque chose de merveilleusement poétique ce samedi soir mouillé de la fin juin… Avec un petit parfum surréaliste à la Delvaux. On se console comme on peut d’une soirée perdue!
Philippe du Vignal
Aktéon Théâtre 11 rue du Général Blaise 75011 Paris T: 01-43-38-74-62