L’art du bâton ou Tahtib en Egypte
L’art du bâton ou Tahtib en Egypte.
Le 21 juin, nuit du solstice d’été, est devenue, à l’initiative de Jack Lang alors Ministre de la Culture, la Fête de la musique. Dans les jardins du Louvre, démonstration du Centre des arts du bâton Medhat Fawzi de Mallawi (Moyenne Egypte), avec le soutien de l’ambassade d’Egypte qui, à l’invitation de l’Ecole du Louvre, présentait l’art traditionnel du bâton.
La rencontre, organisée par Adel Paul Boulad, professeur d’arts martiaux, directeur de l’association Seiza, est précédée d’une conférence qu’il donne en compagnie de l’égyptologue Dominique Farout. Boulad promeut le Tahtib, art martial et festif qu’il cherche à développer. Il y voit en effet un vrai défi en termes d’éducation dont pourrait s’emparer le système scolaire de son pays. Hassan El Geretly, directeur du Warsha Théâtre au Caire, travaille lui sur la tradition et la mémoire et mêle à ses spectacles le geste chorégraphié et rituel de cet art millénaire. Il a fondé, en 96, le centre des arts du bâton Medhat Fawzi qu’il soutient depuis.
On trouve sur les murs des temples de Louqsor, les tombes de la vallée des rois à Thèbes et de Beni Hassan près d’El Minya, et dans bien d’autres hauts lieux d’Egypte, fresques, bas-reliefs et ostracons qui témoignent de l’activité de jouteurs et de musiciens. Dominique Farout nous invite à un voyage historique: cet art du bâton, codifié et gravé depuis l’ère pharaonique remonte à la Vème dynastie (2.800 avant J.C.)
Au départ, sorte de liane enroulée aux arbres du Sud-Est asiatique, il est maintenant un bâton de rotin d’environ un mètre trente, acheté au marché aux chameaux que l’on redresse au chalumeau, comme le dit Adel Boulad. Le jouteur et le bâton deviennent un, symbole de l’être accompli.
Cet art du bâton s’inscrit dans le temps des campagnes et dans les rites populaires : « En Haute et Moyenne Egypte, aucun heureux événement (victoire, mariages, baptêmes), ne se déroule sans la présence du Tahtib. Le port de ce bâton légendaire est devenu le témoin incontesté de la joie de vivre ». A certains moments de l’histoire, il a aussi rythmé les fêtes religieuses ou funéraires.
Dans la tradition, l’assemblée forme un cercle, garant d’un esprit de loyauté, de dignité et de fête. Les musiciens soufflent dans leurs mizmars aux sons suraigus, battent la darbouka et le bendir. On entend parfois les cordes du rababa ou les anneaux métalliques du diouf. Les instruments dialoguent entre eux, mais aussi avec les jouteurs et portent le geste.
Les démonstrations dans les jardins du Louvre, puis dans la cour intérieure de l’Institut du Monde Arabe, ont permis au cercle d’un public aux aguets d’entrer dans le va-et-vient des codes et des rites. Entre l’individuel et le collectif, la danse et le combat, l’art du bâton est fait de glissements et de grâce. Souplesse, rythmes et musiques ; ruse, art et énergie ; ludique, souffle et contrôle, étaient au rendez-vous. « C’est l’art du musicien que d’accorder son chant au chant du cœur du monde » écrit Attar dans La Conférence aux oiseaux. Le bâton est parfois comme un oiseau…
Brigitte Rémer
Guingamp les 23 et 24 juin, ; Région Centre du 25 juin au 1er juillet; Romans du 2 au 8 juillet ; Région de Lyon et Nevers du 9 au 15 juillet, et Gannat, Festival des cultures du monde du 16 au 29 juillet