Nous somme si jeunes encore dans le crime
Nous somme si jeunes encore dans le crime, mise en scène de Thomas Jolly. ( École du Théâtre national de Bretagne)
Sur scène, pas grand chose qu’un long praticable et une sorte de mur composé de plusieurs châssis où est inscrit, le titre de l’extrait de pièce adapté et une bonne épaisseur de fumigène, (cela devient une manie un peu pénible en ce moment chez les jeunes metteurs en scène)….
Le spectacle est fondé sur des textes corrigés/adaptés qui se succèdent avec, comme dénominateur commun, la parodie, et bien entendu, son vieux copain: l’anachronisme qui fait toujours recette… Il y a ainsi Macbeth, porté comme un étendard puisque le titre du spectacle est une phrase du texte, Titus Andronicus, puis un long extrait des Quatre Jumelles de Copi où quatre jeunes filles en porte-jarretelles noirs et tutus blancs s’amusent comme des folles, puis c’est de nouveau Titus Andronicus, Macbeth et encore Titus Andronicus, après une parodie-encore-de théâtre dans le théâtre, trop longue et peu convaincante…
La mise en scène intelligente est du genre inventif , bourrée d’idées et très précise; ce qui donne souvent de belles images, comme ces têtes coupées qui surgissent dans un halo de lumière depuis les profondeurs du praticable, ou ces moignons de bras dégoulinants de sang figuré par un simple amas de ruban rouge. Ou encore ces pancartes explicatives vraiment drôles qui remplacent la parole, puisque Titus a coupé la langue de sa chère fille Lavinia.
Thomas Jolly a sans doute pris beaucoup de plaisir à se lancer dans la parodie de ces crimes shakespeariens avec la connivence de ces quinze jeunes acteurs qu’il dirige plutôt bien, même s’il les fait souvent crier sans aucune raison, ce qui ne sert à rien et, qui à la longue, pénalise sa mise en scène: ambiance music-hall,, avec projecteurs et lumière ad hoc, costumes délirants comme ces maillots rayés pour les enfants ou ces grands manteaux rouges de tragédie, belles lumières rasantes aux couleurs chaudes qui percent les brumes, musique d’opéra et du célébrissime A Whiter Shade of Pale (1957) aux accents baroques du groupe rock anglais Procul Harum, inspiré de Bach avec Matthew Fisher à l’orgue Hammond, qui donne une dimension onirique aux superbes images concoctées par le metteur en scène… C’est parfois facile, pas vraiment original, mais, en tout cas, singulièrement efficace, même si c’est trop long…
Et, une fois n’est pas coutume, on voit bien et, en détail, le travail et la personnalité de chacun de ces jeunes comédiens qui ont tous une belle gestuelle; mais côté diction, c’est beaucoup plus inégal… Quant à la dramaturgie, mieux vaut oublier, c’est du genre bâclé et c’est le point faible de ce spectacle qui tient un peu du fourre-tout: le lien entre les scènes est des plus lâches, si bien que le rythme général en prend un coup… Si bien aussi qu’au bout d’une heure, cela commence à patiner, surtout après les scènes délirantes et très réussies des Quatre Jumelles, et il y a deux fausses fins que l’on aurait pu facilement éviter. Dommage!
Thomas Jolly aurait dû prendre conscience qu’avec la parodie, il faut ,pour être efficace, faire vite et ne pas s’étendre sans raison! Et l’ensemble,(deux bonnes et longues heures quand même!) fait inévitablement penser à un travail en cours, et non au véritable spectacle qu’il mériterait vraiment de voir le jour, s’il a la possibilité d’être retravaillé…Allez, camarade Jolly, encore un effort, cela vaudrait le coup!
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Epée de bois.