AnimalAmlet

AnimalAmlet Okapi
ANIMALAMLET d’Ivan Sigg ou Shakespeare dans la savane, Compagnie Fortuna et EICAR, mise en scène Julian Fortuna

C’est une bien étrange aventure que celle menée dans les anciens locaux de l’École du Mime Marceau, autour du texte d’Ivan Sigg, artiste allumé qui fit ses premiers pas aux côtés de Grapus, avant de créer Banlieue banlieue groupe de graphistes rencontré à Naples au temps où Jean Digne avait fait de l’Institut Français un beau lieu de croisements artistiques. Ivan Sigg est un artiste multiformes, génial touche à tout, écrivain, inventeur dans tous les domaines. Son AnimAlamlet est une transposition plutôt fidèle de la trame d’Hamlet, dans la jungle interprété par un Hamlet phacochère, une Ophélie autruche, un roi défunt éléphant, un reine Gertrude girafe, son traître de Claudius lion… Vingt acteurs dynamiques de cette école de mime et de cinéma interprètent avec une belle maestria les animaux de la savane, avec de splendides costumes, les transformant en marionnettes vivantes. On peut regretter que le texte n’ait pas été adapté selon le voeu de l’auteur qui souhaitait remplacer les mots crus publiés dan son très joli livret fait à la main, par des bruitages, mais le temps leur a manqué.

Il faut aller voir son site sur http://ivansigg.overblog.com

Edith Rappoport

Théâtre du Petit Saint Martin

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Archive pour juin, 2012

Cocorico

 

Cocorico, écriture, mise en scène  de Patrice Thibaud, musique de Philippe Leygnac,  co-mise en scène de  Susy Firth et Michèle Guigon.

Cocorico cocoricoJean-Michel Ribes a eu raison de reprendre le premier spectacle de Patrice Thibaud qu’il avait  créé au Théâtre national de Chaillot en 2008. Ce comédien des  Deschiens (Jérôme Deschamps et Macha Makeieff) avait ensuite monté Jungles en 2011 mais où l’on ne retrouvait pas toute la verve et tout le comique gestuel de Cocorico.
« Il est, dit-il,  aujourd’hui nécessaire pour moi de revenir à l’essentiel : le mime. Le geste avant la parole, un retour au premier langage au moyen de communication originel, compris de tous, universel. Il sera la base de ce spectacle. Par le langage du corps, il s’agit d’éviter le superflu, de suggérer plutôt que de montrer, d’évoquer plutôt que d’affirmer. De laisser libre cours à l’imaginaire du spectateur, en lui donnant l’espace suffisant pour lui permettre de compléter la proposition et d’y apporter ses propres images, sa propre sensibilité ».
Cocorico, disons-le tout de suite,  a les qualités d’un grand spectacle comique que ne possédait pas Jungles qui,  faute de combustible comique et de véritable direction d’acteurs, tournait en boucle et s’essoufflait rapidement.
Ici, rien sur le plateau, sinon un pauvre  piano droit dont on voit les marteaux, quelques accessoires, et trois châssis en plastique translucide qui serviront de paravent, voire d’écran pour ombres à la fin. Patrice Thibaud, la cinquantaine, grand et baraqué, arrive seul, avec un grosse valise  noire à roulettes, l’ouvre et en extirpe  d’une main un petit bonhomme maigrichon , le regard en extase, habillé d’une veste  trop courte et aussi muet que lui. Le ton est donné et le public, vite emballé,  leur fait tout de suite un triomphe: c’est le genre de gags aussi simple qu’efficace.  C’est un peu Don Quichotte et Sancho Pancha à l’envers et sans paroles . Mais aussi, et surtout,  les très fameux Hardy, le gros et  puissant Hardy,  et Laurel, le petit et tout maigre,  deux acteurs prodigieux qui surent passer sans difficultés du cinéma muet au parlant, ce qui n’était pas évident à l’époque et témoignait d’une solide maîtrise gestuelle…
Le spectacle repose sur ces deux bêtes de scène que sont Patrice Thibaud,  et son complice depuis plusieurs années,  Philippe Leygnac, naïf ébahi,  excellent  pianiste, voire percussionniste et trompettiste  qui va rythmer tout au long du spectacle leurs folles aventures. Leurs personnages n’ont même pas de nom puisqu’il n’y a pas de langage. Ce sont évidemment des insociables, ce qu’avait déjà bien repéré Bergson, quand il s’agit de comique…
Déjà chez  Deschamps, l’identité était niée, puisque on appelait les personnages par leur nom de comédiens… Intimidations et rebuffades du gros qui maltraite le maigre , lequel ne se défend pas si mal que cela. Patrice Thibaud mime tout, y compris un perroquet sur un manche à balai en guise de perchoir. C’est le plus souvent brillantissime, et il y a du Louis de Funès dans l’air. Et du Grock aussi, non pas avec un petit violon mais avec, cette fois,  une petite guitare verte aussi  ridicule.

Sans doute Thibaud en fait-il beaucoup: yeux exorbités, grimaces, tics en tout genre mais comme c’est d’une étonnante précision, et comme  le corps est ici engagé tout entier, la machine à gags fonctionne à plein régime. Grâce aussi  à Philippe Leygnac  qui possède une remarquable maîtrise corporelle et qui s’impose vite, même s’il est souvent au piano. Ridicule,chétif, souvent bafoué,il résiste et a donc le beau rôle; il y a du Buster Keaton chez lui, par exemple, dans sa façon de déplier son corps ou de s’allonger sur le piano…Le mélange de solennel et de familier et cette dégradation permanente qui est à la base de tout comique déclenche aussitôt les rires du public. C’est parfois gros mais cela fonctionne au quart de tour. Quel que soit l’âge,  et ma petite voisine de dix ans éclatait de rire sans arrêt.
Sans Leygnac, point de Thibaud, et sans Thibaud, pas de Leygnac! C’est le principe même à la fois très simple et à l’alchimie bien compliquée, de tout duo comique, quelle qu’en soit la composition.Et il en faut du temps, de l’intelligence scénique,  et du travail, et des répétitions, mais aussi  des erreurs de tir pour arriver à mettre au point une telle complicité de jeu et une telle mécanique gestuelle où rien mais absolument rien n’est en force ni laissé au hasard.
Tout fonctionne doucement, sans à-coups, comme une mécanique bien huilée. Il y a même un moment plein de grâce et émouvant où, grâce à un petit et rapide bricolage, le piano devient presque un clavecin.Ce Cocorico a quelque chose à la fois d’enfantin, où le dérisoire et le burlesque sont en phase avec  quelque  chose de plus profond, à la limite d’une certaine tristesse qui n’oserait pas dire son nom. Par exemple, à la fin, dans ce remarquable mime de deux oies en ombres chinoises. Comme une sorte de modèle réduit de l’humanité, en proie aux pièges de la vie. On sait toute l’importance donnée à la redécouverte du corps dans l’art contemporain. Ce qu’affirment ici, au théâtre,  Patrice Thibaud et Philippe Leygnac, ce n’est plus le mode la présentation  classique du corps  en scène mais une affirmation du corps comme un objet en soi, une sorte de micro-évènement où l’on évite soigneusement toute esthétisation, comme pour mieux affirmer une vie brute. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’à plusieurs reprises, ils miment des animaux, en particulier,  le coq et le perroquet…
La mise en scène des trois compères: Patrice Thibaud, Susy Firth et Michèle Guigon est de grande qualité sans que l’on sache quelle est la responsabilité de chacun dans l’affaire, mais, mise à part une fausse fin après laquelle le spectacle ronronne un peu, il n’y a aucune rupture de rythme, ce qui est peut-être le plus difficile à maîtriser dans ce genre de spectacle muet.
La France  déborde de comiques qui parlent beaucoup sans vraiment rien dire;  le coupe Thibaud-Leygnac, lui, ne parle pas ou si peu mais, en 85 minutes, dit beaucoup de choses, et non des moindres… Et les enfants rient autant que les parents!

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point jusqu’au  28 juin à 21 heures T: 01-44-95-98-21

http://www.dailymotion.com/video/xqzpjl

Danse à la verticale

Danse à la verticale par la compagnie Les Passagers et 8gg

Danse à la verticale  les-passagersUn bien bel endroit face à la Seine, au bout du bout du monde, l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine (ENSA), construite sur d’anciens terrains industriels et ferroviaires.
Un nouveau bâtiment de neuf étages côtoie une ancienne usine d’air comprimé du XIXème siècle, dont subsistent la halle et la cheminée en briques, inscrites au titre des monuments historiques  Entre les deux bâtiments aux différents volumes, une cour.
C’est là que se regroupe le public venu assister au spectacle de la compagnie de danse aérienne Les Passagers,  dans le cadre de la semaine du nouveau quartier latin (NQL13). Les sept établissements publics du site : Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque universitaire des langues et civilisations, École des hautes études en sciences sociales, École nationale supérieure d’Architecture Paris-Val de Seine, Fondation Maison des sciences de l’homme, Institut national des langues et civilisations orientales et Université Paris-Diderot ont élaboré ce programme de rencontres, débats et spectacles, à l’accès gratuit. Tous promeuvent: pluridisciplinarité, pédagogies innovantes, recherche de pointe et pôle culturel de qualité.
Du haut du neuvième étage une corde est jetée, une danseuse glisse, collant noir et harnais de sécurité, sur les murs blancs. Elle s’arrête au dessus de nos têtes, au niveau du troisième. Le ballet aérien est plein de grâce. Un petit vent nous saisit.
Redescendue sur terre, la danseuse invite le public à la suivre dans un grand atelier où six écrans de quatre mètres sur quatre longent les murs et nous encerclent, où des piliers de béton armé sont autant d’espaces suspendus. Au-dessous de nous, dans la salle des machines, sous des grilles aux éclairages diffus, les danseurs bougent. On les croirait dans des fonds sous-marins, imperceptibles et lointains.
Nous traversons les océans, avant de reprendre les airs et de voler avec eux. Musiques et images se déversent sur les murs, dans la salle : cercles concentriques et écritures, fleurs carnivores et marées montantes. Images d’art vidéo, du simple au figuré. Un pas-de-deux plein de sensualité colle à l’écran, les corps s’entrelacent, se superposent. Les danseurs grimpent leur Everest tels des alpinistes, et redescendent, se faisant réciproquement contre-poids, de manière résolument répétitive et obsessionnelle, concentrés, isolés. Vous les cherchez d’un côté, ils sont de l’autre, comme des scarabées qui renaissent tous les matins à l’aube, apparitions/disparitions.
Les relais se prennent, entre eux, qui se glissent dans la danse acrobatique et s’en retirent, au fil de leur parcours. Certains moments sont de pure beauté, quand l’image coïncide exactement avec la partition du danseur et que s’instaure un dialogue : il en est ainsi dans le camion que vous conduisez, sous le tunnel, quand la vitesse donne le tournis, quand les oiseaux semblent s’abattre sur le danseur, comme chez Hitchcock. Quand il met ses pas dans ceux des danseurs, dans une déambulation libre, le public traverse les quatre éléments : terre, air, eau, feu, le minéral, le végétal, et laisse libre cours à son imagination, à ses visions.
Les Passagers avaient été invités par l’ENSA Paris-Val de Seine l’année dernière, pour une résidence artistique et deux spectacles ouverts à tous.L’originalité et le succès public de sa proposition a incité les organisateurs à les réinviter, avec une nouvelle création, sur le thème Architecture et Nature. Fondée en 1988 par Philippe Riou, metteur en scène et Christine Bernard, comédienne, Les Passagers explorent les lieux urbains, investissent espaces publics, parcs, places, monuments historiques, friches industrielles pour y faire naître diverses formes de spectacle.
La compagnie construit son langage, au fil des créations, entre univers théâtral, chorégraphique et aujourd’hui numérique, sur des scènes « verticales ». Les artistes  sont issus de différentes disciplines comme le théâtre, la danse, l’acrobatie, la musique ou les arts plastiques. Echafaudages, pyramides, câbles, cordes, filets et maintenant vidéos constituent la structure scénographique de leur travail.
Sous la direction de Philippe Riou, les trois danseurs aériens  explorent les formes chorégraphiques propres à la danse verticale sur mur, soutenus par deux artistes plasticiens vidéastes, du duo 8gg, Fu Yu et Jia Haiquing, originaires de Pékin, qui confrontent leurs images aux corps suspendus des danseurs. Projections et interactions vidéos, danse libre en suspension, lumières animées sur les corps en mouvement, propagation des ondes et des sons se mêlent en un tourbillon où les corps s’éveillent et se propulsent.
La dimension spectaculaire se fond alors en un chemin initiatique. On pense à Rimbaud dans ses Illuminations : « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse ».

Brigitte Rémer

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Val de Seine, 29 mai au 2 juin 2012

Au bord de l’eau

Au bord de l’eau EcoleOperaPekin_credit_VincentPontetWikisSpectacle

Au bord de l’eau de Shi Nai-An par l’Ecole de l’Opéra de Pékin.

Une partie de go entre deux acteurs-narrateurs, ouvre le spectacle, sorte de préambule pédagogique à l’intention du spectateur : on apprend du premier (Gilles Arbona), que le roman chinois de Shi Nai-An, traduit par Jacques Dars, Au bord de l’eau, a des millions de lecteurs, en Chine comme dans d’autres pays de la région. Cette véritable saga d’une centaine de chapitres, a pour titre intégral  Chroniques de loyauté et de justice aubord de l’eau. L’expression Au bord de l’eau signifiant : prendre le maquis, se cacher, devenir un bandit. On apprend du second acteur qui joue en mandarin sur-titré, l’histoire de l’école de l’Opéra de Pékin, avec son exigence, son formatage, sa discipline.

Patrick Sommier et Pascale Wei-Guinot, concepteurs du spectacle ont mêlé, de façon très intéressante, la notion de transmission et d’apprentissage, le fonctionnement de l’école de l’Opéra de Pékin à la représentation d’un spectacle. « Le métier d’acteur s’apprend ici comme celui de forgeron ou de menuisier », écrit Patrick Sommier. C’est un métier manuel. Avec les mains, il faut savoir dire 3000 mots, avec les pieds, les 360 façons de marcher, avec les bras, arrêter un cheval, lancer une armée au galop et dire la couleur des bannières ennemies, avec les yeux, faire éclater l’orage et compter les gouttes d’eau qui vous tombent sur le crâne, avec les jambes dire la hauteur des remparts. Il faut chaque matin travailler la voix, se faire un corps d’athlète, savoir le maniement du sabre et de la hallebarde, connaître cent pièces du répertoire, les dix mille pages des grands romans, Au Bord de l’Eau ou Les Trois Royaumes ».
Des tableaux qui ressemblent dans l’esprit à des travaux en cours font alterner les entraînements physiques, dansés et  chantés des jeunes élèves de l’école, garçons et filles âgés de dix à vingt ans, à d’autres tableaux issus d’ Au bord de l’eau : Histoire du fantôme de Pexi, Histoire de Sagesse profonde le bonze tatoué, Histoire de Likaï le tourbillon noir, Histoire de Lei Wang le tigre volant…
Côté cour, un orchestre d’une dizaine de musiciens ponctue l’action de ses percussions, flûtes et hautbois. Les claves posent des repères et accompagnent les entraînements. Les danseurs saluent les musiciens en fin de tableau. Côté jardin, tables de maquillage et grands miroirs accentuent la notion du théâtre dans le théâtre. On suit la séance de maquillage d’un jeune acteur dont le visage s’affiche sur grand écran, en fond de scène.
Danses, combats au bâton ou à l’épée, acrobatie virtuose avec sauts périlleux, saltos avant et arrière, chorégraphies au cordeau, sous le regard d’un professeur-censeur. Rythme, vitesse d’exécution, simplicité et discipline caractérisent le travail de ces élèves de l’école de l’Opéra de Pékin.Les démonstrations alternent avec les séquences narratives, burlesques ou bouffones, romantiques parfois, toujours très colorées. Chapeaux, barbes, artifices, sens des couleurs, probablement codifiées : vert, jaune, rouge, blanc… Trois mousquetaires, sorte de Frères Jacques, s’entraînent sous l’impulsion donnée par le maître.
Les femmes ont des voix haut perchées, tradition oblige, cothurnes aux pieds. Avec juste quelques éléments de décor : arbres et murs en plastique, rochers de polystyrène. Concours de force, entraînement d’une quinzaine de danseurs devant le maître au regard sévère, entrainement vocal, apprentissage de l’épique. A la grâce des femmes, réplique la force des hommes. Tout est parfaitement réglé, chacun connaît sa place.
Les séquences se succèdent : deux vieux acteurs chinois se remémorent leur entrée à l’école, sur fond de ciel étoilé. Nostalgies ? Le premier : « Ma mère ne voulait pas que je sois acteur, car on battait les enfants. Sept ans de prison, disait-on ». Le second : « J’ai été voir les résultats en cachette, j’avais le numéro 410, j’avais préparé mes papiers, pliés dans mon mouchoir ». Moustiques, sueurs, souffrances, sont aussi rangés dans l’album des souvenirs. Un calligraphe, pinceau à la main, dessine une page d’idéogrammes avec dextérité, de haut en bas et, à l’ancienne, de droite à gauche, image reprise sur grand écran dont les mots sont traduits.
Sung Jian, héraut de justice, signe un poème : Enfant, j’ai étudié les classiques, adulte, j’ai rêvé de puissance et de gloire. Une danseuse à l’épée, guerrière, présente un solo, comme les images de propagande d’un temps pas si lointain, ou une audition pour sélection. La fin du spectacle oublie ce rapport maître/élèves et nous mène dans un kitch presque parfait : photo touristique sur petit pont de bois, lanternes rouges qui tombent du ciel, Nouvel An chinois version Paris XIIIème avec masques et échasses, strass et paillettes, scènettes de salon où la servante, beauté en fleurs, est à marier. Le comédien revient, pour une lecture au pupitre : « C’est dans la conversation que nous trouvons notre bonheur ». Le nôtre est flottant.
Mais si « une minute sur scène, c’est dix ans de travail » comme le dit le programme, alors, restons admiratif !

Brigitte Rémer

MC 93 Bobigny – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis du 22 au 27 mai 2012

Rose

Rose de Martin Sherman, traduction de Perrine Moran et Laurent Sillan,  mise en scène de Thierry Harcourt.

  Rose  arton3140-73798C’est la deuxième édition de ce festival  proposé par Olivier Meyer, directeur du T.O.P. qui accueille cette année des textes  de théâtre mais aussi,    une chorégraphie et une vidéo.
Avec des  spectacles déclinés au féminin où se succèdent des actrices d’âge et de style très différents; cela va de jeunes comédiennes comme Alexandrine Serre, formidable Olga des Trois Sœurs qu’elle joua avec ses deux vraies sœurs dans la mise en scène de son frère Volodia, Meriem Menant ou Noura Naghouche (voir pour chacune Le Théâtre du Blog), en passant par  la grande Dominique Valadié, mais aussi Juliette Roudet, Juliette Rizoud ou Anne Lévy.
La dernière de la série,  c’est Judith Magre, avec un monologue de Martin Sherman, scénariste et dramaturge américain, bien connu pour sa pièce Bent (1979), créée dans plus de 40 pays, et où il parle de la déportations des homosexuels par les nazis.

  Judith Magre, à 85 ans, a quelque chose d’inoxydable, sans doute grâce à une passion pour le théâtre comme pour le cinéma; une vie de travail acharné, où pas une seule année  elle n’ait été sur un plateau de théâtre ,de cinéma ou de télévision… Elle a tout joué, des plus classiques aux plus contemporains;  Huis-Clos de Sartre au feu Théâtre en rond,  où elle était une Inès fascinante de vérité,  à Tchekov, Eschyle, Brecht, Euripide, au T.N.P. de Vilar puis de Wilson, et dans la compagnie Renaud-Barrault mais aussi Giraudoux, Jon Fosse… Et elle a obtenu plusieurs Molière et prix de la Critique
  Rose a été créée à Londres en 2000 puis l’an passé à la Pépinière-Opéra. Seule sur le plateau, le plus souvent assise sur une longue banquette en bois où elle fait shiv’ha (les sept jours de deuil selon la religion juive), Rose nous dit , avec des mots très simples une histoire à la fois horrible et tendre: d’abord bouclée dans le ghetto de Varsovie, en proie à la peur, à l’entassement humain, Rose a connu  l’enfer de la faim, du froid et de la promiscuité:  » l’horreur, c’est quand douze personnes qui ronflent en même temps, dit-elle avec humour, dans le dénuement le plus total puis les  meurtres en série des familles juives par les nazis, celui de la petite fille Esther tuée d’une balle dans le front par un soldat allemand.
  Rescapée par miracle, Rose perdra  son mari, le peintre Yossel, et ses proches. Elle raconte qu’elle a eu  dans son stetl en Ukraine  ses premières règles en même temps qu’elle connaissait ses premiers progroms! Elle raconte aussi son arrivée en France, ses amours,  et son espoir déçu dans l’Exodus,le fameux bateau, chargé de milliers d’immigrants juifs, qui a dû faire marche arrière à proximité de la Palestine alors sous contrôle de l’armée britannique qui attaqua le bateau. L’Exodus  dut revenir en France puis débarquer à Hambourg et il finira ensuite  par arriver enfin en Israël. « On ne s’attendait pas à une telle conduite de la part d’un gouvernement britannique encore moins d’un gouvernement travailliste écrira Le Manchester Guardian…
Rose arrivera elle  aux Etats-Unis à Miami… Elle reviendra  en Israël  voir  ses enfants mais  elle va découvrir, horrifiée, une histoire qui bégaye avec l’oppression que subissent les Arabes chassés sans ménagement de leurs terres. Comme dans un cauchemar, elle assistera, impuissante, à la mort d’une petite fille arabe Nora El Karim. Avec une belle  distance et un humour des plus caustiques, Rose  n’en finit pas de se  raconter: » Ma mère était une sainte, c’était sans doute la seule chrétienne du shtetl ! « ou  » Les Juifs ne sont pas des visuels, regardez comment ils s’habillent!  »

  Le texte de Martin Sherman est parfois truffé de phrases un peu faciles mais la véritable épopée qu’ a vécue Rose s’écoute avec plaisir.  Malgré les dimensions et la configuration de la salle assez peu confortable, sur le plan visuel  et phonique.
Mais Judith Magre, comme d’habitude, arrive à maîtriser les choses, même si, au début surtout, elle a tendance à  bouler parfois son texte. Mais la performance de l’actrice, bien dirigée par Thierry Harcourt, est à la fois humble et très solide, impressionnante d’exigence et de vérité; Judith Magre, dans l’émotion comme dans le sarcasme, dans le tragique comme dans le rire, est vraiment, si les mots ont encore un sens, une grande actrice…
Si le spectacle passe près de chez vous, n’hésitez pas.

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Ouest Parisien  Festival Seules… en scène les 29, 30 et 31 mai.

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