Théâtres politiques (en) Mouvement (s), Textes édités par Christine Douxami, de Daniela Maria Amoroso, Christophe Annoussamy, Marine Bachelot, Marion Denizot, Christine Douxami, Julie de Faramond, Michel Fartzoff, Clare Finburgh, Silvana Garcia, Laure Garrabé, Marjorie Gaudemer, Bérénice Hamidi-Kim, Stéphane Hervé, Philippe Ivernel, Shwan Jaffar, Brigitte Joinnault, Héliane Kohler, Jean-Marc Lachaud, Ophélie Landrin, Martine Maleval, Anne Monfort et Serge Nail, Olivier Neveux, Eleni Papalexiou, Dominique Traoré.
Cet ouvrage présente de nombreux concepts et réalités, des géographies diverses, et cherche ses définitions : théâtre engagé, militant, ethnique, populaire, de résistance ou de dénonciation. Christine Douxami, maître de conférences en Arts du spectacle à l’Université de Franche Comté et chercheuse à l’EHESS s’intéresse particulièrement aux théâtres noirs du Brésil, des Afrique(s), de la diaspora ainsi qu’aux théâtres populaires du monde lusophone, une vingtaine de chercheurs donnent leur angle de vue sur le lien entre théâtre et politique.
La première partie De l’expérience passée aux concepts actuels, traverse le temps. Elle a pour point de départ la tragédie grecque qui, par sa mise à distance de la politique permet « une réflexion sur le politique et sa valeur dans la vie des hommes ».
Puis le XXè siècle déroule ses étapes les plus significatives : sous la IIIè République, le théâtre est outil de propagande pour les militants révolutionnaires qui détournent la censure, avec habileté. Dans les années vingt, en France comme à Weimar, l’agit-prop construit son vocabulaire, l’allégorie en fait partie. Oswald de Andrade, chef de file de la philosophie anthropophage au Brésil, s’en empare.
L’impact de mai 68 sur la création théâtrale en France, qui investit la rue, les usines, les places et les cafés, est ensuite au cœur du sujet. L’après 68 ouvre sur les expressions militantes de groupes amateurs, sur le théâtre d’intervention. La notion d’engagement et l’insertion du vécu y priment.
La dépolitisation du champ social et théâtral transforme ensuite les « dramaturgies du combat » en « dramaturgies du constat » avec l’émergence de nouvelles formes, comme le théâtre du témoignage ou le théâtre documentaire.
Placés sous le signe de la fascination et de la défiance réciproques, les termes de l’échange entre théâtre et politique se déclinent en trois temps : le refus de l’intervention publique au XIXè ; l’appel à l’Etat avec Romain Rolland qui accompagne la naissance du théâtre populaire ; la réconciliation, et l’émergence du concept de théâtre public sous l’égide de Jeanne Laurent qui structure l’intervention publique, dans le respect de la liberté de l’artiste.
La seconde partie, Nouvelles revendications et enjeux artistiques du théâtre politique propose un tour du monde des théâtres engagés et politiques. L’exil, la quête identitaire, la voix des minorités, les revendications, le multiculturalisme, en sont les mots clés.
Les chicanos mexicains, s’inspirent du célèbre théâtre d’intervention El Campesino et développent les méthodes du théâtre spontané, les performances et installations ; ils font revivre les figures légendaires mexicaines et explorent les relations entre Mexique et Etats-Unis. Les formes populaires du Brésil, comme le cavalo-marinho de l’Etat du Pernambuco, au nord-est dont Recife est capitale, témoignent de la tradition spectaculaire jouée par les travailleurs de la canne à sucre qui associent danse, jeu d’acteur et musique ; comme celle de la Samba-de-Roda, de la région de Bahia qui mêle les notions de diaspora africaine et de modernité ou encore comme la démarche du Théâtre du Vertige, qui inscrit ses spectacles dans la topographie de Sao Paulo. La problématique des émigrés indo-pakistanais dans leur recherche d’identité, en Grande-Bretagne et le reflet qu’ils donnent de la société anglaise est évoquée, ainsi que la représentation du terrorisme dont se sont emparés les artistes, en écho au 11 septembre. Le théâtre kurde d’Irak, – hérité du Tazieh, forme rituelle et religieuse – bien ancré dans une tradition théâtrale en mouvement, mène ses combats. Les enjeux des dramaturgies africaines et la question de l’engagement sont posés. Enfin, l’influence du théâtre grec dans la parole pasolinienne, forme rituelle idéale, provocatrice et radicale, sont autant d’éléments rassemblés et nourrissent la réflexion sur le concept du politique dans le théâtre.
De nombreux exemples de pièces, expressions théâtrales et compagnies engagées dans l’énonciation et la dénonciation des oppressions, la défense des libertés, des minorités, des exilés, maillent cet ouvrage de référence qui couvre un champ des plus vastes. Cette belle somme de travail, interroge la subversion et témoigne d’alliances et mésalliances entre l’art théâtral et le politique, dont Piscator et Meyerhold furent les précurseurs. La diversité des formes populaires dont elle témoigne, urbaines et rurales, issues d’espaces géographiques, historiques, politiques et poétiques si différents, parle de démocratisation culturelle. Les périodes agitées sont propices, comme le dit Jacques Rancière, à « une forme de circulation entre les pratiques de la performance artistique et celles de l’action politique ».
Un DVD accompagne la publication : lectures, petites formes et performances sont les traces des travaux présentés lors du Colloque international de l’Université de Franche-Comté qui s’était tenu en avril 2007, sur le thème Théâtres politiques.
Brigitte Rémer
Ouvrage publié avec le concours du Centre Jacques-Petit, du Pôle Arts de l’Université de Franche-Comté, du Conseil Régional de Franche-Comté. Editions Presses universitaires de Franche-Comté, Les Cahiers de la MSHE Ledoux,
Collection Normes, Pratiques et Savoirs n°6, et DVD réalisé par Philippe Degaille.