Festival Viva Cité Sotteville les Rouen
COUP D’ENVOI DU FESTIVAL VIVA CITÉ par Fred Tousch, Sotteville les Rouen
Fred Tousch, inénarrable acteur de haute taille, ose les plus invraisemblables aventures théâtrales qui déclenchent des rires salutaires. Pour cette inauguration, il arrive coiffé de hautes branches et de ballons, disserte sur la quadrilarité, sur l’espace public, l’intime, le dehors dedans. Il pleure, “on aurait dû inviter un orchestre symphonique, des architectes, des peintres. Mais pour moi c’est le chemin de fer de ce festival qui traverse la ville” ! Et sur une musique percutante de fanfare un très long rail de chemin de fer porté par des dizaines, voire une centaine de personnes défile devant nous. Sotteville était la plus grande gare de triage de France et l’Atelier 231 transformé en Centre National des Arts de la rue, dirigé par Daniel Andrieu, dynamique fondateur et toujours discret directeur de Vivacité, fabriquait les locomotives. Vivacité s’ouvre sur une belle émotion publique, au pied de l’immense construction de containers, conçue par Générik Vapeur qui joue le lendemain soir.
Mardi 26 juin à 15h00 et 20h00
ARRIVÉE DE LA CONTENEUSE DE LA LITOTE Le Cercle de la Litote, Viva cité Sotteville les Rouen
Le Cercle de la Litote est en résidence depuis plusieurs mois à l’Atelier 231 de Sotteville les Rouen pour élaborer une “mutuelle du bien vieillir” à partir d’un travail approfondi avec des maisons de retraite de la région. Nous avions pu découvrir ce collectif de comédiens, chanteurs et musiciens, le 17 novembre 2011 à l’Atelier 231 dans Trompe l’oreille rassemblant cinq de leurs travaux déjà réalisés sur le grand âge (voir Cassandre 89 p. 102 et 103). Ils parviennent au bout de leurs travaux dont ils présentent plusieurs étapes à Vivacité. Neuf acteurs portant des bouées émergent d’une étrange carcasse de bateau, ils étreignent des spectateurs avant de rentrer dans le bateau sur un fond sonore rythmé, surgissent sur une échelle, un ange tombe dans un tonneau. Au portevoix un hurlement “Allez moussaillons, tendez les perches. Il y a un ballet de balais qu’on lance à bord. Après plusieurs fausses manoeuvres on répartit le public par files, on nous chuchote des poèmes à l’oreille, après des déambulations rythmées, on nous fait souquer. “Dans chaque histoire, il y a toujours un mort (…) trop de lumière tue la lumière (…) une petite baleine vient d’échouer près des rochers”…Impossible de rendre compte de ce joyeux capharnaüm encore fragile en ce soir de première d’une compagnie pleine d’invention, inventant les images sur fond d’un orchestre joyeux.
LA LENTEUR ET LES CARTONS .Cercle de la Litote
Un grand camion arrive, on décharge de grands cartons. Un bonimenteur fait l’article, “c’est la crise, tout est à prix unique, deux €.” Tout sort d’une maison de retraite, ce sont des objets laissés par “des vieux prêts à calancher”. Les morts ne meurent vraiment que quand on les oublie ! On décharge le camion, après un boniment sur le contenu des cartons, des grands mères en surgissent, commentent les pauvres objets qu’elles ont laissé, des coquetiers, un lampadaire, des livres, les lunettes d’un mari disparu. Malgré un jeu d’acteur un peu raide et tendu qui laisse peu de place encore à l’émotion, ce spectacle qui nous concerne tous pourra toucher le public en profondeur après plusieurs représentations
POINT DE FUITE Compagnie Adhok, mise en scène Patrick Dordoigne et Doriane Morietus
Patrick Dordoigne qui avait longtemps dirigé les Alamas Givrés, on se souvient entre autres de Tobib or not Toubib découvert à Chalon dans la rue voilà des années, a fondé sa propre compagnie avec la danseuse Doriane Moretus. Il est aussi “hôpiclown” au sein des 80 comédiens qui se rendent régulièrement dans les hôpitaux d’enfants malades sous la houlette du Rire Médecin.
POINT DE FUITE raconte l’échappée joyeuse de sept personnages d’âge mûr partis de leur maison de retraite par l’issue de secours qui se retrouvent sous un bel arbre lumineux (serait-ce l’arbre de vie ou celui de Godot ) pour se remémorer leurs vies passées et construire aussi leur avenir puisqu’ils sont bien vivants. Un femme arrive avec un plateau “au début le chaos…j’ai allumé le feu, la création du monde…”. Un autre “j’ai créé l’eau, le gaz, l’électricité, le gazier, la gazière, du lundi au lundi, jusqu’au jour où vous réveillerez vieux…” On entend un sombre voix off, “Monsieur Pierre Guérin est appelé porte 5 pour un départ immédiat…” qui revient de loin en loin pour appeler tous les personnages. Il y a des danses, des récits d’enfances joyeux ou douloureux, un ballet de présentation de photos de jeunesse de tout ce petit monde, l’un d’eux rentre dans un pot de fleurs “il ne me reste plus qu’à mourir !”
Le ton général reste malgré tout joyeux et vivant, tous ces personnages vêtus de blanc sont très présents, ils se déchaînent à la fin dans une bacchanale, certains se mettent à nu pendant que Dieu le Père à la cour fabrique des spaghettis que toute la bande va dévorer à la fin du spectacle pour partir ensuite dans le jardin au fond du plateau. Tous ces acteurs professionnels qui sont aussi danseurs, moins vieux que leurs personnages font monter une belle émotion.
www.adhok.org
SMASHED Gandini Juggling (Grande Bretagne) Viva cité Mise en scène Sean Gandini, Kati Yia-Hokkala
Onze jongleurs à trois balles en grandes tenue très british, inspirés de Pina Bausch, tournent autour du plateau, dansent, échangent leurs balles avec une virtuosité stupéfinte, sur des musiques de cabaret “I always wanted to fly to Berlin under the Lyndon tree” etc…C’est un vrai délice de les voir jongler aussi avec des tasses de thé et divers objets, on rit, on est émus malgré l’inconfort de la rue, il ne faut pas les manquer si vous les croisez sur vos routes d’été.
www.gandini.com
Edith Rappoport