Brave Kids, spectacle et séminaire, à l’UNESCO par l’association théâtrale du Chant du Bouc de Wroclaw (Pologne).
Dans le grand auditorium de l’Unesco, une belle effervescence. Beaucoup d’enfants, autant de pépiements. En fond de scène, un panneau tout couleurs peintures et appliqués, mouvements, abstraction et graffitis, des morceaux de vie.
Introduction de bienvenue de la Délégation Polonaise auprès de l’Unesco, initiatrice du projet réalisé sous le haut patronage de l’Unesco et celui d’Anna Komorowska, première Dame de Pologne, puis lancement du Festival des Enfants, par le Directeur Général adjoint de l’Unesco.
Les fondateurs de l’Association théâtrale du Chant du Bouc, Anna Zubrzycki et Grzegorz Bral, présentent le spectacle et projettent un petit film sur les projets artistiques et sociaux qu’ils mènent à Wroclaw. Créée en 1996, la compagnie est conçue comme un Ensemble et rayonne au plan régional, national et international. Danse, musique, théâtre, cirque sont au cœur d’activités proposées, sous différentes formes : ateliers pour les personnes fragilisées, spectacles, formation (dont un Master Techniques du Théâtre, en partenariat avec l’Université de Manchester), festival de cinéma, expositions, etc.
Le Brave Festival, qu’ils ont créé à Wroclaw en 2004, à la demande du Maire de la ville, travaille sur les fragilités. C’est une plateforme qui fait entendre la voix des minorités et sensibilise l’opinion sur l’importance de préserver les traditions artistiques rares des communautés menacées. Les recettes générées par les spectacles sont versées à Rokpa international, une organisation caritative qui, en son antenne polonaise, fait un travail similaire à celui des Restaurants du cœur, fédérant dans son sillage de nombreux bénévoles.
Dans ce même esprit de diversité et cette belle énergie, Brave Kids est présenté comme le diamant du Festival. Passent alors de la salle au plateau une envolée de quatre-vingts enfants, de 6 à 16 ans, dix-huit groupes venant de quatorze pays, tout de couleurs, tee-shirts, jupes, baskets, tuniques, pantalons, chapeaux et signes distinctifs. L’habillement donne une indication géographique, la langue parfois aussi.
Ils ont vécu trois semaines ensemble, accueillis dans des familles polonaises et inventé ce spectacle, présenté en Pologne, le 7 juillet. « Les enfants enseignent aux enfants » disent les deux chefs de troupe, « une culture enseigne ses codes et ses rites à une autre ».
Mise en mouvement et chorégraphie où le plaisir domine, plaisir de donner de soi, spontanéité. Pas de loi esthétique ni d’apparence, on ne compte pas un deux trois… nous n’allons pas au bois. Les groupes se font et se défont, l’Ensemble gère l’espace en grand professionnel. Chacun y va de son tempérament, de ses rythmes, de l’écoute des autres, d’une joie de vivre. Le plus grand côtoie le petit, l’extraverti soutient le discret, l’entraîne dans sa danse qui fait contagion. Chacun est sous le regard de tous.
Le collectif porte, accompagne, stimule. Les rythmes qu’ils créent avec leurs maracas et tambours, leurs cordes et ukulélés, sont relayés par une bande son à la moderne diversité, par les voix et les cris. Diabolos, rubans, sifflets, serpentins, perles, ceintures, baguettes, cycles, tourbillonnent. Tels des magiciens, ces petits princes régulent l’enchainement des séquences. Ici, élégance rythme avec enfance. Il y a du cœur à l’ouvrage, l’Ensemble est généreux et radieux. Le secret ? « Liberté… J’écris ton nom… »aurait dit Paul Eluard.
Le séminaire du lendemain, à l’Unesco toujours, traite de L’éducation non formelle à travers les arts. On retrouve les jeunes de Brave Kids qui ont dansé la veille; ils en sont les animateurs et structurent les différents temps de l ‘échange entre eux, entre eux et les adultes. Grzegorz Bral, co-directeur du Chant du Bouc parle de l’importance qu’a chaque enfant dans ce collectif, de chaque sensibilité. Il prend la métaphore de la forêt où chaque arbre, chaque plante, chaque fleur est important et a sa place.
Les enfants à la table, répondent aux questions préparées par ceux de Chine. Et l’on découvre, notamment d’Ouganda, de Slovaquie, Roumanie, Israël, Pologne, Bulgarie, du Kurdistan, des univers sensibles : Aux questions : « Pourquoi Brave Kids est-il important pour vous ? » Ils parlent unanimement (dans leurs langues originales, traduites consécutivement), de la rencontre avec les autres, d’autres cultures et traditions, de l’apprentissage de soi, du mélange des langues, de la gaîté. « Que rapportez-vous chez vous » ? Ils évoquent la joie du spectacle collectif, la diversité rencontrée, des techniques de travail et croisements de styles à transmettre à d’autres, l’amitié et l’échange, au-delà des langues. « Comment garder le contact, à votre retour »? Comme les jeunes du monde entier, ils parlent alors d’Internet, Facebook et Skype, d’e-mail et de vidéos, mais aimeraient aussi se rencontrer, à nouveau. « Que retirez-vous de l’expérience » ? Ils évoquent une aventure fantastique, une précieuse expérience, des sourires, l’amitié, le fait d’être ensemble, le respect des autres. Nous avons fait un excellent voyage….
Enfin à la question subsidiaire posée par Anna Zubrzycki, co-directrice du Chant du Bouc : « De quoi auriez-vous besoin pour améliorer votre vie » ? Les réponses vont dans le sens du soutien pour le développement de leurs talents, dans leurs milieux, la compréhension des autres, la recherche d’unité qui contredit les divisions. Parlant de leur avenir, ils se voient dans des professions artistiques, sur des chemins scientifiques (médecine, psychologie), journalistique. La recherche de paix est dans leurs génériques et les mots clés de la rencontre s’appellent : spontanéité, responsabilité, concentration, pertinence, multilinguisme, sensibilité, différences.
Le vice-Président de La Ropka, le Docteur Akong Tulku Rinpoché, clôturait la matinée, parlant d’exil, de dignité, d’honneur et de compassion, de la perte de sa langue et de sa culture. Son parcours singulier de haut dignitaire tibétain devenu réfugié, l’a conduit à s’engager dans le soutien aux défavorisés, à travers l’association humanitaire internationale qu’il a créée en 1980, développant des programmes liés à la santé, l’action contre la faim, l’éducation et l’environnement.
La rencontre fut riche d’échanges, mais on peut regretter l’absence de confrontation avec des groupes aux missions similaires, dans d’autres pays. Mais Brave Kids (spectacle et séminaire) est généreux, chaleureux, pertinent et l’initiative polonaise, à l’instigation de cette invitation à l’Unesco, remplit ses objectifs : réinscrire la Pologne dans le monde.
Brigitte Rémer
UNESCO, 10 et 11 juillet 2012, manifestation réalisée en partenariat avec Wroclaw the Meeting Place, le Ministère Polonais de la Culture et du Patrimoine, l’Institut Polonais de Paris, et l’ Institut International du Théâtre.