Le Sourire de la Joconde
Le Sourire de la Joconde à partir des textes de Kurt Tcuholsky. , traduction et mise en scène de Françoise Delrue.
Françoise Delrue met en scène Le Sourire de la Joconde à partir des textes de Kurt Tucholsky, sous la forme d’un véritable cabaret berlinois, en lieu de contestation et d’opposition à un régime menaçant et oppressif dont on se méfie instinctivement. Artistes et public sont du même bord, et toutes les allusions contemporaines à la montée de Hitler sont immédiatement perceptibles.
On est là aussi pour se changer les idées. Il y a un verre de bière d’abord pour chaque spectateur sur les tables préparées pour les accueillir. Les comédiens Henri Botte et Murielle Colvez sont là pour nous faire sourire, puisque Sourire de la Joconde il y a : « Tu nous enseignes par ton silence, ce qu’il faut faire. Car ton portrait nous montre, petite Lise, Que celui qui a vu le monde, Sourit, met les mains sur son ventre Et se tait. »
Mais on ne se tait pas tout à fait ; au contraire, on est plutôt là pour se libérer du joug politique qu’on dénoncera de plus en plus fort, sourdement et implicitement. Dès 1901, Tucholsky est collaborateur artistique de la Weltbühne, et se fait connaître du grand public : critique littéraire et théâtral, essayiste, chroniqueur, humoriste. On chante ses chansons et on lit ses poèmes, avec ses engagements politiques corrosifs. Il met le doigt où cela fait mal : les travers de l’armée, de la justice, les hommes politiques, l’église, les petits-bourgeois, Hitler et le parti national socialiste. Déchu de la nationalité allemande en 1933, il se réfugiera en Suède deux ans avant qu’il ne mette fins à ses jours.
Henri Botte et Murielle Colvez, vêtus pour l’occasion d’ uniformes nazis – ou bien un simple rappel de la croix gammée sur le smoking et la robe du soir rouge vermeil, s’en donnent à cœur joie, interpellant le public, et font leurs numéros dans une bonne humeur cynique et une clairvoyance redoutable. Un couple d’artistes maudits qu’illumine la présence irradiante de Muriel Colvez, et de Casilda Rodriguez à l’accordéon.
Véronique hotte
Festival d’Avignon jusqu’au 28 juillet à 12h30 à Présence Pasteur. Tél : 04 32 74 18 54