CAILLASSES

CAILLASSES de Laurent Gaudé, mise en scène Vincent Goethals, Théâtre du Peuple de Bussang.

CAILLASSES photo-eric-thiebaut   Depuis vingt deux ans, le pèlerinage annuel que nous faisons au Théâtre du Peuple de Bussang suspend le temps. Notre arrivée dans ce splendide théâtre en bois permet de rencontres inattendues et joyeuses, Chantal et Yves Adami élus d’Audincourt et une ancienne spectatrice du Centre d’Art et de Plaisanterie de Montbéliard entre autres, et des acteurs que nous aimons sur le plateau comme Jean-Marie Frin autrefois accueilli au Théâtre 71 de Malakoff avec P’tit Albert et Dialogues d’exilés, ou encore Marc Schapira engagé depuis plusieurs mois par Vincent Goethals, le nouveau directeur du Théâtre du Peuple. Nous avions suivi les premiers pas de Vincent Goethals à Roubaix au début des années 90, quand il dirigeait Théâtre en Scène, la compagnie qu’il avait fondée avec David Conti.
Caillasses, c’est l’épopée d’exilés de leur terre, des familles brisées par l’occupation de leur village par des étrangers. Meriem qui a dû quitter son village, cherche à revoir son frère Farouk resté au pays. Elle parvient au sommet d’un colline avec un chœur persuadé de pouvoir renouer les liens de famille, mais ils sont apprêtés par des barbelés et menacés par des tirs dangereux. Farouk déjà vieux ne peut la rejoindre, mais il lui envoie sa fille Adila, née dans le camp. Celle-ci va retrouver sa tante guidée par un passeur (excellent Marc Schapira), ne parvient pas à nouer des relations avec elle, mais découvre une ville libre et finit par se procurer des armes. Elle provoque un grave attentat où plusieurs personnes perdent la vie, elle même y succombe.
Après une première partie un peu longue, le chœur parlé manquant d’une vraie dimension, le texte de la deuxième partie fait décoller la pièce. C’est la rencontre amoureuse entre Adila qui est morte avec l’Enfant des gravats (agile et puissant Aurélien Labruyére) qui la poursuivait déjà avant sa mort. Ils dévalent tous les deux une pente vertigineuse, se cherchent, s’épient se retrouvent au delà de la mort. L’ouverture tant attendue du théâtre sur la nature ensoleillée, fait apparaître des tombes, entre lesquelles les deux amants se poursuivent. Adila ( fragile et indomptable Marion Lambert) prise de regrets de son acte, peut s’adonner à ses amours.Le chœur d’une douzaine d’acteurs amateurs trouve  sa vraie dimension dans cette deuxième partie. Le décor mobile de Jean-Pierre Demas reconstitue les rues du village ainsi que la ville moderne de l’autre côté du mur infranchissable.

Edith Rappoport

Prochaines représentations le 29 septembre 2012 à la Rotonde de Thaon-lès-Vosges et les 12 et 13 octobre à l’Opéra Théâtre de Metz.


Archive pour 28 juillet, 2012

Ce jour-là

Ce jour-là. Théâtre Aftaab, Mise en scène : Hélène Cinque

Ce jour-là CeJourLa-02-%C2%A9-Christian-Ganet-300x300Au pays d’Allah, vous donnez la vie et pouvez, de droit, la reprendre. Juliette et Roméo de Kaboul se sont ainsi donnés le baiser de mort. Le père a vu, il a tué.

Ce jour-là, second spectacle du Théâtre Aftaab, porté par le Théâtre du Soleil, d’Ariane Mnouchkine et présenté dans le cadre de Paris-Quartier d’été, est une suite de tableaux sur la vie là-bas, les interdits et ce qui constitue la société, sur l’arrivée des talibans et la transition du pays.

L’Avare, spectacle précédent avec les mêmes comédiens afghans: Haroon Amani, Aref Bahunar, Taher Beak, Saboor Dilawar, Mustafa Habibi, Sayed Ahmad Hashimi, Farid Ahmad Joya, Shafiq Kohi, Asif Mawdudi, Ghulam Reza Rajabi, Omid Rawendah, Shohreh Sabaghy, Wajma Tota Khil, et mis en scène aussi par Hélène Cinque, était un pur chef d’œuvre (Théâtre du Blog du 16 juillet)

L’exercice est ici difficile, il a valeur de témoignage, car « à Kaboul, on efface la mémoire ». Pas de texte au départ, un spectacle basé sur l’expérience et la sensibilité de chacun, sédimentées en écriture collective. Le conteur se superpose au sage et interroge : « Va-t-on nous rayer de la carte » ? Les gestes ancestraux du marchand ambulant mouillant la terre poussière devant lui, ou la convivialité du hammam, s’impriment.

Septembre 1996 à Kaboul, Brutalité et cruauté s’invitent chez Monsieur Abbass, petit barbier de quartier, et la vie se dérègle. Les talibans, autant de répliques d’un Ivan le Terrible redouté, posent leurs empreintes de façon directe, ou plus sournoise. L’intrusion dans le cadre privé est totale: la barbe, le nouvel uniforme. On s’attaque aux églises, aux statues, à tout ce qui est autre. Des images vidéo fondues enchaînées le rapportent, dans le spectacle. Les gens du peuple changent de statut et chacun se méfie de l’autre. L’ex-chanteuse n’a que sa nostalgie, les relations sociales se brutalisent : «Tout le monde devient fou, ici». Le salon de coiffure de Monsieur Abbass, qui sert de trame à l’histoire, est déchiré et la famille catapultée: on perd de vue le fils, ainsi que Golo, petit personnage pittoresque, proche de la BD.

S’invente alors une vie souterraine, ce qui serait cocasse dans tout autre contexte touche ici à la tragédie et construit la schizophrénie. Les musiciens rejoignent la répétition, enveloppés de burqas, un mariage traditionnel se termine dans le sang, Monsieur Abbass se rebelle. Et quel meilleur spectacle dans ce Kaboul des années noires que la lapidation d’une femme ? Avec participation obligée d’une population désignée comme justicière. Traumatismes. Etre femme, comme les mauvaises herbes… ou comme Satan. Même la médecine est exemple d’inhumanité.

Puis vient ce jour-là, 11 septembre 2001 et sa suite. Trois mille victimes, au nom du fanatisme. Le discours controversé d’un certain Président Bush. Des militaires grossiers, la fête de la caserne à Kaboul, une chanteuse vêtue du drapeau américain.

Ce que nous, de France, avons emmagasiné des médias, jour après jour, depuis ce septembre de terreur, est livré là, en direct, par la parole du peuple afghan et le témoignage des comédiens. Alternance des moments de dérision et d’une parole qui se perd, farce du désespoir à outrance, mais comment faire, tout est à vif, tout est à chaud.

Retour à normalisation, Juin 2009, une vie moderne. Polémique sur la présence américaine, entre libération et répression. La moulinette historique se poursuit, les drames personnels avec. Ahmad, fils chéri de Monsieur Abbass, est mort. « Je cherche ce qui reste d’humanité »…

Le spectacle se termine sur une image paisible, entre moutons et berger… un paradis perdu, une utopie ? Et la danse des ténèbres, se referme, nécessaire exorcisme pour trouver un peu de paix en soi.

Brigitte Rémer

Paris quartier d’été et Théâtre 13/Seine, 30 rue du Chevaleret. Paris 13ème.
Deux pièces du Théâtre Aftaab : « 
L’Avare » et « Ce jour-là ».


Intégrales, Samedis 14 et 21 juillet – 17h30 : « Ce jour-là » – 20h30 : « L’Avare », et aussi :«L’Avare », les 15 et 22 juillet, à 15h30 – le 17 juillet, à 19h30 – le 18 juillet à 20h30.« Ce jour-là », les 19 et 24 juillet, à 19h30 – les 20 et 25 juillet, à 20h30.

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