Le cercueil
Le Cercueil, mis en scène d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine.
Toujours dans le cadre des Préalables et toujours à Mourjou superbe village cantalien c’était dimanche dernier, Le Cercueil, petite pièce que le Théâtre de l’Unité a beaucoup jouée en France. Mais cette fois, c’est à la mode haïtienne avec les comédiens du spectacle précédent,dans une belle prairie voisine, un peu en creux avec le public en rond. Un Cercueil qui rappelle furieusement la cérémonie vaudou du bout de l’an béninois-logique-quand les hommes de la famille portent dans la ville un cercueil. Même cérémonie, et tout près du cimetière de Mourjou. Logique aussi!
Elégants, tous en pantalon noir et chemise blanche, chantant et dansant en file,. » Et c’est la même interpellation prononcée d’une voix claire et nette: » Madame la société… », suivie de ces quelques phrases: « Il vous arrive souvent dans votre vie d’aller dans un magasin acheter une chemise ou un pantalon, et vous l’essayez; alors pourquoi ne pas essayer aussi de visiter la maison où vous allez passer toute votre vie. Parce que vous avez peur de la mort! Alors, nous allons vous ôter cette peur. Il suffit de passer deux ou trois minutes ce conserve avec la mort ».
Et ils choisissent (?) dans le public une belle jeune femme visiblement consentante. » Madame, nous avons quelques questions à vous poser. Nom, prénom, date de naissance:? La réponse claque aussitôt: « Roth Céline , je suis née le le 6 juin 1978 . » Madame fume, demande l’une des comédiennes ». – 0ui! Alors espérance de vie : moins cinq ans. Elle boit un peu seulement: + cinq ans. Pas mariée? Alors + 5 ans , le mariage étant un enfer. Va bientôt devenir infirmière: alors + 20 ans.
Après encore quelques autres questions du même tonneau et un décompte surréaliste, la sentence tombe. Espérance de vie: 85 ans. Donc, vous êtes morte le 23 mars 2012. » Belle journée pour mourir « , lui réplique la future infirmière que l’on photographie au Polaroïd puis que l’on maquille de poudre blanche avec un peu de fard rouge sur les pommettes. On la prie ensuite de s’allonger dans le cercueil que l’on referme aussitôt. Scènes de transe,de chants et danses autour du cercueil. Un des acteurs brandit un papier où est inscrit l’ordre: Pleurez!
-Madame, comment trouvez-vous la mort? -Pas mal, répond la jeune femme dont on entend la voix assourdie. L’un des acteurs annonce qu’il va procéder à ce que l’on appelle en Haïti à une « ressuscitation ». Et ils ouvrent le cercueil avec précaution. la jeune femme est là assise. Ils lui donnent un certificat de décès à son nom avec photo. Et ils emportent le cercueil avec sa voyageuse d’outre-tombe pour une ultime promenade dans la prairie, toujours en chantant et en dansant. La cloche de l’église sonne, ou du moins avons-nous cru l’entendre… Et la nuit tombe. Les quelque deux cent spectateurs s’en vont visiblement très heureux.
Aucun artifice technique, aucune esbrouffe, aucun cri inutile, aucun cabotinage mais une grande sobriété dans le jeu et une superbe efficacité.Trente et une minutes d’un théâtre de rue aux mains nues qui passent à toute vitesse, et comme on aimerait en voir plus souvent. Il est quand même plus de 21 heures, et c’est le troisième spectacle que les acteurs enchaînent! Chapeau!
La mise en scène d’Hervée de Lafond et de Jacques Livchine fonctionne parfaitement, et les acteurs haïtiens se sont coulés sans difficulté dans le moule déjà formaté du spectacle mais sans doute en y apportant une sensibilité particulière, pleine d’humour et de distance dans un cadre champêtre vraiment idéal. Intuition bien vue! Et les deux metteurs en scène sont contents et ont raison de l’être. Un dîner attend les comédiens à la petite auberge du village…
Que demande le peuple?
Philippe du Vignal
Festival d’Aurillac du 22 au 25 août à 18 heures Place de la Mairie. Spectacle gratuit.
Conseil de critique habitué depuis les débuts du festival: Il fait encore très chaud, et il y a toujours beaucoup de monde au festival d’Aurillac, donc venez une heure avant au minimum: la place va être envahie!!!!
* Un DVD réalisé par Olivier Stéphan consacré à la vie du Théâtre de l’Unité depuis 40 ans vient d’être édité aux éditions des Des jours meilleurs.