Rue de la chute

Rue de la chute V3G3343-Version-2

Rue de la chute, par Le Royal de luxe, mise en scène de Jean-Luc Courcoult.

V3G7272-Version-2Le Royal de luxe, sans doute une des plus anciennes compagnie théâtrales françaises, créée par Jean-Luc Courcoult, à la fois auteur et metteur en scène, basée à Nantes depuis 1990, et connue internationalement, puisque le Royal, figure emblématique du théâtre dit de rue ou plutôt d’extérieur, a joué un peu partout dans le monde.
On se souvient peut-être, entre autres spectacles fabuleux, du tournage en direct de ce  Roman-photo  mais surtout de ce spectacle-culte créé au festival d’Avignon, La Véritable histoire de France, avec un livre géant d’où s’échappaient des personnages de légende comme Louis XIV ou Jeanne d’Arc.
Ou encore de ces géants manipulés par des acteurs qui, à chaque fois, drainent des milliers de spectateurs. Le gigantisme,  ou du moins le passage à une plus grande échelle de très grandes marionnettes, et le recours à des machines, comme au XVIIème siècle, (les fameuses pièces dites  à machines, véritables comédies musicales avant la lettre de Molière  et Lully, des deux frères Corneille, et autres auteurs. Mais ici, avec l’aide des technologies contemporaines, c’est devenu en quelque sorte la marque de fabrique du Royal.

Jean-Luc Courcoult et ses copains ont, depuis quelque trente ans, su trouver  la formule magique d’un théâtre au sens étymologique: « voir »,  à la fois intelligent et populaire, et d’une réelle beauté plastique, soutenu par la mairie de Nantes et par le Ministère de la Culture. Et  dans un espace public, donc… gratuit. Ce qui change beaucoup les choses, quand le festival d’Avignon, comme les salles du théâtre public les plus connues affichent des prix à 25 € et plus..;
  Cette fois, et cela semble être dans l’air du temps, puisque l’un  des  succès du festival off d’Avignon a été Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia, et la compagnie Annibal et ses éléphants, aussi présente au festival d’Aurillac, (voir Le Théâtre du Blog) a aussi  kidnappé, avec des moyens beaucoup plus limités que ceux du Royal le grand mythe fondateur américain de la colonisation de l’Ouest.
  Revers de la médaille: les machineries du Royal de luxe sont à base de supports téléguidés électroniques, et les orages adorent ce genre de bestioles, et après la pluie de grêlons jeudi soir, la foudre est tombée sur la régie . Donc, la représentation du vendredi a été reportée à samedi dans le stade d’un lycée.
Pas de chance, la petite pluie cantalienne s’est mise à tomber toute la matinée inondant le lieu et les 1.400 sièges- coques des gradins. Miracle: les dieux ont décidé d’arrêter la pluie, juste cinq minutes avant  la représentation. Pour la plus grande joie du public, trempé, et un peu cassé par le froid insidieux qui le pénétrait mais ravi de voir enfin ce spectacle pas très bien accueilli,  aux dires de nombreux professionnels. Vous avez dit jalousie?

  Imaginez une sorte de studio de cinéma en plein air, d’une bonne trentaine de mètres d’ouverture, où est installé un décor- revendiqué comme tel avec ses tubes métalliques bien viisbles: réalisé de façon remarquable, un minable Grand Hotel Big Town, avec son balcon, et à jardin, des gros projos de cinéma en inox, des bottes de paille compressée, une boutique en bois délavé, tout aussi minable.
Entre les deux, un grand châssis peint représentant un désert au soleil couchant, avec cactus et barre rocheuse au loin. Bref, tous les stéréotypes des western! Dominant la scène, une petite grue, et sur les deux côtés, un escalier sur roulettes, avec une caméra des années 25, et les nombreux et indispensables accessoires qui serviront tout au long du spectacle.

 Tout cela, très bien vu, commence plutôt mal: on ne peut croire un instant à ce tournage- ah! la recette éculée du théâtre dans le théâtre- avec des acteurs qui jouent faux comme il n’est pas permis, et un dialogue des plus bas de gamme, du genre: « La caméra 35 mm, je la voyais plus grande » ou  » Dis-donc, on ne va pas te payer un stage pour t’apprendre à ouvrir une pièce jointe », « Tu me fais le raccord pour les comédiens » .
Les ordres sont  lancés au porte-voix, comme au début du cinéma, alors que les comédiens ont tous des micros H.F.! Pas crédible pour une rondelle! Et on peine, dès le début  à s’y retrouver, comme l’a finement noté notre stagiaire, dans cette histoire au scénario du genre bâclé, et où les petites scènes se succèdent péniblement à un rythme cahotant.

 Là, Jean-Luc Courcoult, avec une équipe (qui n’est plus vraiment la même) s’est planté…Et les comédiens, pas ou mal dirigés, ont du mal à s’en sortir et surjouent à qui mieux mieux! Parfois à la limite de l’amateurisme! Signalons quand même la jeune femme brune interprète, entre autres, l’une des putes et l’acteur qui incarne Poussière, tous les deux remarquables et qui ont une vraie présence, malgré l’immensité du plateau.
  Mais il y a les images-et là  le metteur en scène ne s’est pas planté du tout, en véritable poète et créateur d’images poétiques qu’il est heureusement resté. Comme ce  (faux, bien sûr) cheval pommelé de gris, accroché à la petite grue qui le dépose sur un praticable; il ouvre ses grands beaux yeux, et on le voit respirer. Ou ce vieux cow-boy au visage buriné qui s’en va, pédalant sur un tricycle doté d’un petit cheval en bois, et ces deux condamnés, pendus qui se mettent, au bout de leur corde, à raconter leur vie. Ou encore Madame O’ Connor, mère maquerelle de son état, qui arrive avec ses trois putes dans une charrette bâchée qui sert de bordel ambulant, sur fond de chansons folk.  Les comédies d’Aristophane et  Mère Courage de Brecht ne sont pas loin.
Encore une pour la route:  Madame O’Connor tirant au fusil et pulvérisant une bouteille à vingt mètres, ratant les coups suivants, et,  quand elle repose son fusil, miracle: les deux autres bouteilles  s’auto-pulvérisent! Et cet appareil à air comprimé jouant l’hymne américain, tandis que s’élève le drapeau étoilé. Pour de telles images, il sera beaucoup pardonné à Jean-Luc Courcoult!  
  Mais on  oubliera vite  les scènes de jugement et d’élection du juge Parker au poste de gouverneur, pas  du tout réussies, ou ces dialogues qui se veulent drôles et qui ne font rire personne, du genre:  » Quel est le fromage préféré des Indiens? La vache qui rit!  » On oubliera aussi les musiques de Michel Augier et Stéphane Brosse, souvent assourdissantes, qui saturent l’espace et parasitent les pauvres dialogues qui n’avaient pas besoin de cela!
Le spectacle, pas très passionnant, continue cahin-caha, jusqu’à devenir ennuyeux par moments.. Et cassé, au milieu,  par une sorte de pause où l’on distribue un petit journal sans intérêt par centaines. Bonjour l’écologie!

Rien à faire: ces petites histoires dans l’histoire, qui n’ont aucun lien entre elles, se succèdent mais n’ont guère d’intérêt; il y a longtemps, de toute façon, que l’on a décroché, pour ne plus voir que les images! Puis, disons, dans les quinze dernières minutes, tout se passe comme si Jean-Luc Courcoult semblait enfin avoir trouvé le rythme convenable, et le bon rapport entre espace du plateau, et temps de la représentation.  Mais  trop tard!
 Et il y a cette belle scène de négociations entre le chef indien, et le gouverneur qui lui offre une porte montée sur roulettes. Et comme il s’étonne de ce minable cadeau, des assistants font retourner  la porte, où est reproduit un morceau du décor de l’immense espace du territoire qu’il lui donne… Et il y a cette attaque contre les Indiens, avec  cinq chevaux mus par un ressort remonté par une grosse clé comme un jouet (en réalité bien sûr, toute une machinerie électrique)  et la scène finale: l’envoi d’un boulet de canon sur une pauvre boutique qui prend feu.
Ah! Si tout était de ce tonneau! Et l’on a visiblement gardé le meilleur pour la fin mais on revient ensuite au tournage du film (disparu depuis longtemps!), comme s’il fallait boucler la boucle!

  Jean-Luc Courcoult, à demi-mot, reconnait en privé qu’il s’est un peu planté mais qu’il a, au moins, essayé… On apprécie sa lucidité mais dommage: il avait tout pour réussir un vrai bon spectacle, alors que cette Rue  de la chute a quelque chose d’approximatif. Comme une mauvaise copie du vrai Royal de luxe! Fatigue! Usure après trente ans, sans doute!  C’est arrivé à d’autres compagnies…
 La faute à quoi?  Pas aux moyens financiers, il y en a, et non des moindres! (dix-huit acteurs et autant de techniciens qui font un gros travail en coulisse). Mais il y a d’abord une mauvaise adéquation entre  moyens et   intentions.  Résultat: assez gribouille, avec un scénario compliqué et un dialogue des plus limites, une direction d’acteurs insuffisante et une mauvaise maîtrise du temps, surtout quand le public doit rester assis sans bouger pendant deux heures.
 Donc résultat mitigé… Le spectacle, récemment créé, peut-il s’améliorer? On ne voit pas bien comment, sauf,  par en couper, et d’urgence, une demi-heure, et à demander à un bon directeur d’acteurs de revoir les choses. Cela modifierait la donne mais Jean-Luc Courcoult le fera-t-il? On peut en douter: ce genre d’opération chirurgicale exige beaucoup de travail en perspective, sur un spectacle où la technologie et les effets spéciaux dominent et commandent le jeu: c’est là le plus grave défaut de cette Rue de la chute.
  Alors à voir? Peut-être, mais vous risquez de rester sur votre faim. On a le sentiment que Le Royal a perdu ses repères (on ne fera pas de jeu de mot facile sur la chute) mais on tombe quand même de haut. Le Royal semble être un peu devenu la Comédie-Française du théâtre dit de rue qui devient de plus en plus payant, même ici à Aurillac dans le off.
(Les gradins étaient bourrés de gens de tout âge, malgré les places à 12 euros, et on a rajouté des tabourets pliants au mépris de toute sécurité. Il y a bien eu une représentation gratuite, où il fallait venir quatre heures avant, si l’on voulait avoir une chance d’entrer… Bref, rien n’était vraiment dans l’axe. Encore une fois, dommage!

Philippe du Vignal

Festival d’Aurillac et en tournée:  www.royal-de-luxe.com/fr/

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Le point de vue de Laura Dauzonne, 17 ans, (la valeur n’attend pas le nombre des années) stagiaire au  Théâtre du Blog pour le Festival d’Aurillac.

 L’occasion exceptionnelle m’a été donnée de voir cette Rue de la chute et je n’allais pas la manquer. Je vois avec mon lycée pas mal de pièces de théâtre à Paris dans l’année mais là, c’est un peu différent. (Je n’avais jamais vu de spectacle du Royal de luxe ni jamais rien lu sur cette compagnie dont le nom même ne me disait rien.
Philippe du Vignal m’a gentiment demandé de donner mes impressions. Bon, mais je suis une en matière de critique théâtrale complètement novice, les gens du Théâtre du Blog ont une sacrée expérience mais pas moi. Alors, c’est une analyse un peu en vrac: scénario assez bof et  pas clair. Le début:  on a vraiment du mal à accrocher.

Il y a de belles images qui me renvoient à des souvenirs d’enfance dont j’ai la nostalgie. J’ai bien aimé certains  gags,  comme cet appareil à air comprimé qui fait de la musique, avec élévation du drapeau américain. il y a un gros travail sur les effets visuels, comme ce brouillard artificiel, ou le corps de ce grand cheval suspendu à une grue, ou des pendus qui se réveillent.
Le jeu des acteurs entraîne le public vers le rire, même si c’est parfois un peu facile et on se prend au jeu. Mais il y a des moment pas intéressants du tout, comme celui où un certain M. Jambon se découpe des steaks sur sa jambe pendant une campagne électorale. Çà, le metteur en scène pourrait le couper sans problème…

Quant au journal distribué dans le public: pas très malin,  cela casse le spectacle, en déconcentrant les spectateurs qui ne regardent plus trop ce qui se passe sur scène.. Et, désolée, je trouve que les acteurs ne joeunt pas bien, souvent en force, sauf celui qui interprète ce pauvre cow-boy nommé Poussière qui a une vraie présence, et la grande jeune femme brune qui joue une des trois putes, avec talent et beaucoup d’énergie.
 On sort content d’avoir vu ce spectacle, mais beaucoup trop longue, cette parodie de western! Surtout, avec nos habits trempés pour la pluie durant deux heures d’attente; le public est parti très vite sans applaudir beaucoup.
Voilà. J’espère que Philippe du Vignal sera content de ce que j’ai dit; j’ai l’impression  qu’il a un peu pensé comme moi mais il ne m’a rien dit après, sans doute pour ne pas m’influencer…

Laura Dauzonne

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Archive pour 27 août, 2012

Rue de la chute

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Rue de la chute, par Le Royal de luxe, mise en scène de Jean-Luc Courcoult.

V3G7272-Version-2Le Royal de luxe, sans doute une des plus anciennes compagnie théâtrales françaises, créée par Jean-Luc Courcoult, à la fois auteur et metteur en scène, basée à Nantes depuis 1990, et connue internationalement, puisque le Royal, figure emblématique du théâtre dit de rue ou plutôt d’extérieur, a joué un peu partout dans le monde.
On se souvient peut-être, entre autres spectacles fabuleux, du tournage en direct de ce  Roman-photo  mais surtout de ce spectacle-culte créé au festival d’Avignon, La Véritable histoire de France, avec un livre géant d’où s’échappaient des personnages de légende comme Louis XIV ou Jeanne d’Arc.
Ou encore de ces géants manipulés par des acteurs qui, à chaque fois, drainent des milliers de spectateurs. Le gigantisme,  ou du moins le passage à une plus grande échelle de très grandes marionnettes, et le recours à des machines, comme au XVIIème siècle, (les fameuses pièces dites  à machines, véritables comédies musicales avant la lettre de Molière  et Lully, des deux frères Corneille, et autres auteurs. Mais ici, avec l’aide des technologies contemporaines, c’est devenu en quelque sorte la marque de fabrique du Royal.

Jean-Luc Courcoult et ses copains ont, depuis quelque trente ans, su trouver  la formule magique d’un théâtre au sens étymologique: « voir »,  à la fois intelligent et populaire, et d’une réelle beauté plastique, soutenu par la mairie de Nantes et par le Ministère de la Culture. Et  dans un espace public, donc… gratuit. Ce qui change beaucoup les choses, quand le festival d’Avignon, comme les salles du théâtre public les plus connues affichent des prix à 25 € et plus..;
  Cette fois, et cela semble être dans l’air du temps, puisque l’un  des  succès du festival off d’Avignon a été Du vent dans les branches de sassafras de René de Obaldia, et la compagnie Annibal et ses éléphants, aussi présente au festival d’Aurillac, (voir Le Théâtre du Blog) a aussi  kidnappé, avec des moyens beaucoup plus limités que ceux du Royal le grand mythe fondateur américain de la colonisation de l’Ouest.
  Revers de la médaille: les machineries du Royal de luxe sont à base de supports téléguidés électroniques, et les orages adorent ce genre de bestioles, et après la pluie de grêlons jeudi soir, la foudre est tombée sur la régie . Donc, la représentation du vendredi a été reportée à samedi dans le stade d’un lycée.
Pas de chance, la petite pluie cantalienne s’est mise à tomber toute la matinée inondant le lieu et les 1.400 sièges- coques des gradins. Miracle: les dieux ont décidé d’arrêter la pluie, juste cinq minutes avant  la représentation. Pour la plus grande joie du public, trempé, et un peu cassé par le froid insidieux qui le pénétrait mais ravi de voir enfin ce spectacle pas très bien accueilli,  aux dires de nombreux professionnels. Vous avez dit jalousie?

  Imaginez une sorte de studio de cinéma en plein air, d’une bonne trentaine de mètres d’ouverture, où est installé un décor- revendiqué comme tel avec ses tubes métalliques bien viisbles: réalisé de façon remarquable, un minable Grand Hotel Big Town, avec son balcon, et à jardin, des gros projos de cinéma en inox, des bottes de paille compressée, une boutique en bois délavé, tout aussi minable.
Entre les deux, un grand châssis peint représentant un désert au soleil couchant, avec cactus et barre rocheuse au loin. Bref, tous les stéréotypes des western! Dominant la scène, une petite grue, et sur les deux côtés, un escalier sur roulettes, avec une caméra des années 25, et les nombreux et indispensables accessoires qui serviront tout au long du spectacle.

 Tout cela, très bien vu, commence plutôt mal: on ne peut croire un instant à ce tournage- ah! la recette éculée du théâtre dans le théâtre- avec des acteurs qui jouent faux comme il n’est pas permis, et un dialogue des plus bas de gamme, du genre: « La caméra 35 mm, je la voyais plus grande » ou  » Dis-donc, on ne va pas te payer un stage pour t’apprendre à ouvrir une pièce jointe », « Tu me fais le raccord pour les comédiens » .
Les ordres sont  lancés au porte-voix, comme au début du cinéma, alors que les comédiens ont tous des micros H.F.! Pas crédible pour une rondelle! Et on peine, dès le début  à s’y retrouver, comme l’a finement noté notre stagiaire, dans cette histoire au scénario du genre bâclé, et où les petites scènes se succèdent péniblement à un rythme cahotant.

 Là, Jean-Luc Courcoult, avec une équipe (qui n’est plus vraiment la même) s’est planté…Et les comédiens, pas ou mal dirigés, ont du mal à s’en sortir et surjouent à qui mieux mieux! Parfois à la limite de l’amateurisme! Signalons quand même la jeune femme brune interprète, entre autres, l’une des putes et l’acteur qui incarne Poussière, tous les deux remarquables et qui ont une vraie présence, malgré l’immensité du plateau.
  Mais il y a les images-et là  le metteur en scène ne s’est pas planté du tout, en véritable poète et créateur d’images poétiques qu’il est heureusement resté. Comme ce  (faux, bien sûr) cheval pommelé de gris, accroché à la petite grue qui le dépose sur un praticable; il ouvre ses grands beaux yeux, et on le voit respirer. Ou ce vieux cow-boy au visage buriné qui s’en va, pédalant sur un tricycle doté d’un petit cheval en bois, et ces deux condamnés, pendus qui se mettent, au bout de leur corde, à raconter leur vie. Ou encore Madame O’ Connor, mère maquerelle de son état, qui arrive avec ses trois putes dans une charrette bâchée qui sert de bordel ambulant, sur fond de chansons folk.  Les comédies d’Aristophane et  Mère Courage de Brecht ne sont pas loin.
Encore une pour la route:  Madame O’Connor tirant au fusil et pulvérisant une bouteille à vingt mètres, ratant les coups suivants, et,  quand elle repose son fusil, miracle: les deux autres bouteilles  s’auto-pulvérisent! Et cet appareil à air comprimé jouant l’hymne américain, tandis que s’élève le drapeau étoilé. Pour de telles images, il sera beaucoup pardonné à Jean-Luc Courcoult!  
  Mais on  oubliera vite  les scènes de jugement et d’élection du juge Parker au poste de gouverneur, pas  du tout réussies, ou ces dialogues qui se veulent drôles et qui ne font rire personne, du genre:  » Quel est le fromage préféré des Indiens? La vache qui rit!  » On oubliera aussi les musiques de Michel Augier et Stéphane Brosse, souvent assourdissantes, qui saturent l’espace et parasitent les pauvres dialogues qui n’avaient pas besoin de cela!
Le spectacle, pas très passionnant, continue cahin-caha, jusqu’à devenir ennuyeux par moments.. Et cassé, au milieu,  par une sorte de pause où l’on distribue un petit journal sans intérêt par centaines. Bonjour l’écologie!

Rien à faire: ces petites histoires dans l’histoire, qui n’ont aucun lien entre elles, se succèdent mais n’ont guère d’intérêt; il y a longtemps, de toute façon, que l’on a décroché, pour ne plus voir que les images! Puis, disons, dans les quinze dernières minutes, tout se passe comme si Jean-Luc Courcoult semblait enfin avoir trouvé le rythme convenable, et le bon rapport entre espace du plateau, et temps de la représentation.  Mais  trop tard!
 Et il y a cette belle scène de négociations entre le chef indien, et le gouverneur qui lui offre une porte montée sur roulettes. Et comme il s’étonne de ce minable cadeau, des assistants font retourner  la porte, où est reproduit un morceau du décor de l’immense espace du territoire qu’il lui donne… Et il y a cette attaque contre les Indiens, avec  cinq chevaux mus par un ressort remonté par une grosse clé comme un jouet (en réalité bien sûr, toute une machinerie électrique)  et la scène finale: l’envoi d’un boulet de canon sur une pauvre boutique qui prend feu.
Ah! Si tout était de ce tonneau! Et l’on a visiblement gardé le meilleur pour la fin mais on revient ensuite au tournage du film (disparu depuis longtemps!), comme s’il fallait boucler la boucle!

  Jean-Luc Courcoult, à demi-mot, reconnait en privé qu’il s’est un peu planté mais qu’il a, au moins, essayé… On apprécie sa lucidité mais dommage: il avait tout pour réussir un vrai bon spectacle, alors que cette Rue  de la chute a quelque chose d’approximatif. Comme une mauvaise copie du vrai Royal de luxe! Fatigue! Usure après trente ans, sans doute!  C’est arrivé à d’autres compagnies…
 La faute à quoi?  Pas aux moyens financiers, il y en a, et non des moindres! (dix-huit acteurs et autant de techniciens qui font un gros travail en coulisse). Mais il y a d’abord une mauvaise adéquation entre  moyens et   intentions.  Résultat: assez gribouille, avec un scénario compliqué et un dialogue des plus limites, une direction d’acteurs insuffisante et une mauvaise maîtrise du temps, surtout quand le public doit rester assis sans bouger pendant deux heures.
 Donc résultat mitigé… Le spectacle, récemment créé, peut-il s’améliorer? On ne voit pas bien comment, sauf,  par en couper, et d’urgence, une demi-heure, et à demander à un bon directeur d’acteurs de revoir les choses. Cela modifierait la donne mais Jean-Luc Courcoult le fera-t-il? On peut en douter: ce genre d’opération chirurgicale exige beaucoup de travail en perspective, sur un spectacle où la technologie et les effets spéciaux dominent et commandent le jeu: c’est là le plus grave défaut de cette Rue de la chute.
  Alors à voir? Peut-être, mais vous risquez de rester sur votre faim. On a le sentiment que Le Royal a perdu ses repères (on ne fera pas de jeu de mot facile sur la chute) mais on tombe quand même de haut. Le Royal semble être un peu devenu la Comédie-Française du théâtre dit de rue qui devient de plus en plus payant, même ici à Aurillac dans le off.
(Les gradins étaient bourrés de gens de tout âge, malgré les places à 12 euros, et on a rajouté des tabourets pliants au mépris de toute sécurité. Il y a bien eu une représentation gratuite, où il fallait venir quatre heures avant, si l’on voulait avoir une chance d’entrer… Bref, rien n’était vraiment dans l’axe. Encore une fois, dommage!

Philippe du Vignal

Festival d’Aurillac et en tournée:  www.royal-de-luxe.com/fr/

2012_06_21_fr_4fe33432a4e6a

Le point de vue de Laura Dauzonne, 17 ans, (la valeur n’attend pas le nombre des années) stagiaire au  Théâtre du Blog pour le Festival d’Aurillac.

 L’occasion exceptionnelle m’a été donnée de voir cette Rue de la chute et je n’allais pas la manquer. Je vois avec mon lycée pas mal de pièces de théâtre à Paris dans l’année mais là, c’est un peu différent. (Je n’avais jamais vu de spectacle du Royal de luxe ni jamais rien lu sur cette compagnie dont le nom même ne me disait rien.
Philippe du Vignal m’a gentiment demandé de donner mes impressions. Bon, mais je suis une en matière de critique théâtrale complètement novice, les gens du Théâtre du Blog ont une sacrée expérience mais pas moi. Alors, c’est une analyse un peu en vrac: scénario assez bof et  pas clair. Le début:  on a vraiment du mal à accrocher.

Il y a de belles images qui me renvoient à des souvenirs d’enfance dont j’ai la nostalgie. J’ai bien aimé certains  gags,  comme cet appareil à air comprimé qui fait de la musique, avec élévation du drapeau américain. il y a un gros travail sur les effets visuels, comme ce brouillard artificiel, ou le corps de ce grand cheval suspendu à une grue, ou des pendus qui se réveillent.
Le jeu des acteurs entraîne le public vers le rire, même si c’est parfois un peu facile et on se prend au jeu. Mais il y a des moment pas intéressants du tout, comme celui où un certain M. Jambon se découpe des steaks sur sa jambe pendant une campagne électorale. Çà, le metteur en scène pourrait le couper sans problème…

Quant au journal distribué dans le public: pas très malin,  cela casse le spectacle, en déconcentrant les spectateurs qui ne regardent plus trop ce qui se passe sur scène.. Et, désolée, je trouve que les acteurs ne joeunt pas bien, souvent en force, sauf celui qui interprète ce pauvre cow-boy nommé Poussière qui a une vraie présence, et la grande jeune femme brune qui joue une des trois putes, avec talent et beaucoup d’énergie.
 On sort content d’avoir vu ce spectacle, mais beaucoup trop longue, cette parodie de western! Surtout, avec nos habits trempés pour la pluie durant deux heures d’attente; le public est parti très vite sans applaudir beaucoup.
Voilà. J’espère que Philippe du Vignal sera content de ce que j’ai dit; j’ai l’impression  qu’il a un peu pensé comme moi mais il ne m’a rien dit après, sans doute pour ne pas m’influencer…

Laura Dauzonne

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