Modèles

Modèles, de et avec Sabrina Baldassarra, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Marie Nicolle, et Vincent Hulot, musicien, mise en scène de Pauline Bureau.

Avec ses amies issues comme elle, du Conservatoire national et donc du même âge: la trentaine,  Pauline Bureau  a voulu réfléchir sur la construction de l’identité sexuelle d’une jeune femme d’aujourd’hui. Avec des textes, les leurs mais aussi ceux de Pierre Bourdieu, Catherine Millet, Virginie Despentes, Simone de Beauvoir, etc.
C’est une sorte de collage, mosaïque de sketches, interviews, danses, chansons de Courtney Love, photos de Nan Goldin qui veulent dire la féminité en 2012, avec ses bonheurs et ses angoisses. Que l’on soit encore à peine adolescente avec les premières règles, puis  jeune femme émancipée féministe, ou enfin mère de famille.

 Comme Pierre Bourdieu le faisait  remarquer, les modèles, héritées des mères et grand-mères n’ont rien du modèle imposé mais  agissent de façon  beaucoup insidieuse, que ce soit dans le recrutement des écoles dites supérieures ou dans le quotidien de n’importe quelle jeune femme.
Et cela donne quoi? Sur le plan technique, c’est du genre impeccable; d’abord, le spectacle, créé en 2011, est parfaitement rodé, donc tout roule: aucune erreur de tir dans cette mosaïque pas facile à gérer, entre images et comédiennes en scène qui ont du métier, une excellente diction, et savent ce que chanter veut dire. Gaëlle Hausermann en  particulier avec son air espiègle et frondeur, est vraiment remarquable. Quant à Vincent Hulot, le seul homme de la bande, il fait, et bien, son boulot de musicien.Mais, même si ces jeunes femmes sont sympathiques, nous sommes on reste quand même retsés sur notre faim sur sa faim: pas tout à fait aussi convaincus  que notre amie Edith Rappoport (voir Le Théâtre du Blog).
Il y a certes la belle écriture de Catherine Millet quand elle évoque ses premières expériences sexuelles à dix-huit ans, alors que le sujet était tabou dans sa famille  et quand elle passe très vite à ses premières partouzes, ou les souvenirs d’un viol particulièrement atroce que Virginie Despentes et ses amies ont eu à subir près du périphérique, et bien sûr, les analyses de Pierre Bourdieu. Mais bon, convoquer ces trois auteurs de qualité, surtout  avec leurs textes bien dits, ne mange pas de pain …

Pauline Bureau ne craint pas les stéréotypes quand elle se lance dans des attaques féministes: bien des hommes -et nous savons ce dont nous parlons- savaient déjà il a quarante ans, ce que voulait dire conduire la voiture, baigner au quotidien le bébé, préparzr vite et bien un repas, faire les courses, emmener le bébé chez le pédiatre et subir l’hospitalisation de l’enfant pour opération très grave : tout cela c’était déjà mais non-dit, le monopole  pour diverses raisons, de nombre de papas. Donc, nous n’avons pas de leçon à recevoir de Pauline Bureau… Alors, le petit sketch indigent-par ailleurs bien joué- de la  jeune mère, jonglant entre un dîner à préparer pour les beaux-parents, le bébé dont il faut s’occuper et un coup de fil professionnel, a tout du stéréotype bien facile. On lui fera remarquer aussi que c’est un, et non une, accessoiriste qui vient aussitôt nettoyer le plateau après le sketch.

Par ailleurs, si la mise en scène est bien réglée, elle n’hésite pas à tomber une fois de plus dans cet autre stéréotype qu’est l’usage sans grande raison, bien facile et vraiment fatiguant de la vidéo. A plusieurs reprises,  deux de ses jeunes actrices sont coincées dans un petite loggia en hauteur: l’une interviewe l’autre dont le visage est reproduit à côté, sur un grand écran de trois mètres sur trois.Et cela recommence, puisque l’une des cinq comédiennes n’intervient, elle, sur scène que par image interposée. Désolé, mais on a vu cela des dizaines de fois, cela n’a rien d’original et surtout ne possède aucun intérêt: l’on finit par ne plus regarder que l’écran, puisque l’image, évidemment, écrase tout!

Ensuite, les actrices,et ce n’est pas facile! reprennent possession du plateau,  Dans ce cas, pourquoi se servir encore d’une scène; ce collage de genres différents qui veut faire provoc, ne fonctionne pas bien, jusque et y compris à la fin, avec un petit numéro collectif de percussion sur tambours descendus des cintres. Bref, un ensemble plutôt sympathique mais sans grande sensibilité théâtrale, et c’est un euphémisme!
Le public de la petite salle Jean Tardieu, pas vraiment pleine, du  Rond-Point, avait l’air content mais le spectacle, bien propre sur lui, a un côté propre et bcbg un peu pénible. Maintenant, si vous n’êtes pas trop exigeant… mais nous ne vous y pousserons pas à y aller!

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point jusqu’au 10 novembre.

http://www.dailymotion.com/video/xg7gkp


Archive pour octobre, 2012

Le Retour

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© Ruth Walz

Le Retour d’Harold Pinter, traduction de Philippe Djian, mise en scène de Luc Bondy.

Le Retour est de retour! La pièce avait été créée à Londres, en 65, par la Royal Shakespeare Company, dans la mise en scène de Peter Hall, et, en 66,  à Paris, dans celle de Claude Régy avec Pierre Brasseur, Claude Rich et Emmanuelle Riva. Donc pas avec n’importe qui! Elle avait été remontée par Bernard Murat il y a quelque dix ans, et cette fois,  c’est le nouveau patron de l’Odéon qui a cru bon de mettre en scène  cette pièce qui n’est pas sans doute pas la meilleure de Pinter.
Presque cinquante ans plus tard, que reste-t-il de la provocation et de l’amoralité qui faisait frissonner le public?  En fait, la pièce ne commence à prendre son envol que vers le milieu du second  et dernier acte
. On est dans une maison un peu délabrée dans un quartier pauvre de Londres. Max, 70 ans,(Bruno Gantz) est un  boucher à la retraite dont la femme Jessie est morte il y a six ans. Max vit avec son frère Sam (Pacal Grégory) un chauffeur de  maître qui ne semble pas très malin mais autoritaire et un peu plus jeune que lui, mais aussi avec ses fils: le second Lenny, (Micha Lescot), trente ans ,dont on va apprendre qu’il vit des passes que font pour lui  des prostituées, et le troisième, Joey (Louis Garrel), la trentaine,  qui travaille pour une entreprise de démolition, est  boxeur amateur.
Son premier fils, Teddy (Jérôme Kircher), est, lui, prof de philo aux Etats-Unis, et débarque une nuit  avec sa femme Ruth, 30 ans, (Emmanuelle Seigner) dans la maison avec une clé qu’il avait gardée et où il n’était jamais revenu. Il est venu présenter Ruth à sa famille mais l’atmosphère n’est pas au beau fixe; on parle beaucoup, et avec agressivité:  Max  se dispute avec Sam sous n’importe quel prétexte puis avec Joey. Lenny,  qui semble jaloux de son frère Teddy,  se retrouve seul avec Ruth assez provocante et va la draguer sans aucun scrupule. Mais elle semble résister un moment puis ira rejoindre son mari dans leur chambre. Max, auquel ses  trois fils semblent très soumis,  est de très mauvaise humeur et va insulter Teddy et Ruth qui descendent en peignoir.
Au deuxième acte, Max  traite Jessy sa femme décédée de putain et insulte son frère qui va se réfugier dans sa caravane. Mais il est plutôt aimable avec Ruth et Teddy que Joey ne supporte décidément plus et qu’il attaque sur des questions de philo! Teddy , discret et exaspéré, propose alors à Ruth de quitter au plus vite cette maison et de faire leurs bagages. Mais Ruth ne répond pas et accepte de danser avec Lenny qui va l’embrasser devant Teddy… Joey, jaloux, va lui aussi essayer de séduire Ruth et va passer deux heures dans une chambre avec elle, sans que Teddy n’intervienne.
Max veut absolument que Ruth reste dans la maison et Lenny, en termes peu clairs, lui propose de lui offrir un appartement  mais, comme tout se paye dans la vie,  elle devra accepter de leur faire l’amour et de se prostituer. Mais Joey n’est pas d’accord et déclare qu’il ne veut pas  la partager. Ruth va donc quitter ses trois enfants et son mari pour devenir une sorte d’esclave sexuelle volontaire; si elle  ne refuse pas  la proposition, elle veut quant même négocier les termes d’ un contrat solide.
Soudain, Sam dit que Mac Gregor a sauté Jessie à l’arrière de son taxi pendant qu’il les conduisait. Puis Sam  a un malaise et tombe par terre mais ni ses neveux ni son frère ne vont l’aider.  Teddy veut  absolument partir, même seul. Max lui indique comment se rendre à l’aéroport. Joey se rapproche alors de Ruth assise sur le canapé. Max  dit à Ruth qu’il Il va falloir  se mettre à « travailler » et lui demande de l’embrasser. Lenny,  regarde la scène sans rien dire…
La pièce, un peu longuette, même si elle est  habilement menée par ce jeune auteur de 34 ans, apparaît comme un peu datée et son côté autrefois provocant  l’est moins et l’on a du mal à retrouver dans cette  mise en scène la maîtrise du  Bondy d’autrefois qui semble être passé  à côté de l’atmosphère étouffante des pièces de Pinter. Tout se passe comme si, trop occupé, il  avait laissé faire le plus gros du boulot par ses assistants…Ce qui n’est sûrement pas le cas. « Il y a a des rivalités des désirs, des paroles qui se relancent,  s’interrompent, changent de plan, écrit avec raison Daniel Loayza. Mais cela, on ne le sent guère, sauf à de trop rares moments.
La traduction de Philippe Djian ne  vaut pas celle d’Eric Kahane; quant à la direction d’acteurs, le moins que l’on puisse dire est que chacun fait le boulot mais se débrouille comme il peut c’est à dire pas très bien, sans jouer vraiment , sauf à de rares moments, avec ses partenaires. Bruno Gantz a lui, comme d’habitude, une  présence formidable mais joue un peu les vedettes ( salaire élevé oblige)!
Quant à Emmanuelle Seigner, elle semble être ailleurs et n’a rien de très crédible,  ce qui est quand même assez ennuyeux, puisque  le  personnage de Ruth est le pivot de la pièce. Même si Micha Lescot et Jérôme Kircher, chacun dans son style personnel, sont eux, brillants, il n’y a guère  de rythme dans ce flux de paroles  et de conversations souvent anodines dont on ne perçoit pas le sous-texte; il n’y a pas non plus de véritable unité dans le jeu.
Et  la scénographie de Johannes Schültz,  qui a conçu un plateau compliqué avançant en éperon dans la salle,  n’arrange pas du tout les choses, puisqu’elle  ne signifie guère le huis-clos de ce Retour; du coup les comédiens un peu perdus dans cette maison presuqe vide, trop  grande et trop propre, même s’il y a beaucoup de choses signifiantes sur la scène pour essayer de faire vrai… Max tranche un morceau de viande sur un gros  billot comme pour bien montrer qu’il a été autrefois boucher! Il y a un vieil électrophone pour 33 tours en carton, des piles de vieux journaux, un aquarium avec de vrais poissons rouges. Et quand un lavabo se vide, on entend le bruit de l’eau usée!
Luc Bondy a voulu faire réaliste  mais ce  style de mise en scène serait plus  adaptée à des pièces de dramaturges américains qu’au monde de Pinter. Et on a quelque mal à croire à cette histoire dont les ficelles sont parfois un peu  grosses; on ne s’ennuie pas vraiment,  non -et la seconde partie est meilleure que la première qui met un sacré temps à démarrer- mais le spectacle n’ a quand même rien de très passionnant.
Alors à voir? Pas sûr, même si la salle est bourrée, sans doute en partie pour Pinter  mort  il y a cinq ans  et qui  est devenu un auteur  qu’il faut absolument citer dans les dîners mondains si l’on ne veut pas paraître  demeuré. On a aussi  l’impression que nombre de gens sont venus retrouver et voir  des acteurs  qui jouent aussi beaucoup  dans des films. C’est une des ambiguïtés de ce spectacle qui n’en manque pas. Donc à vous  de décider…

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon jusqu’au 23 décembre puis en tournée.

Le jeune public a/à l’âge de la maturité

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Le jeune public a/à l’âge de la maturité, colloque organisé par Scènes d’Enfance et d’Ailleurs, avec le concours de l’Observatoire des Politiques Culturelles

Accueillis au Monfort  par son directeur, Stéphane Ricordel, Geneviève Lefaure, présidente de Scènes d’Enfance et d’Ailleurs, présente le Manifeste pour une politique artistique et culturelle du spectacle vivant en direction de la jeunesse : 40 propositions pour le jeune public, fruit d’un travail réalisé après plusieurs mois de chantiers de réflexion, par un collectif d’associations regroupé autour de la sienne.
Théâtre jeune public/théâtre tout public, un concept en débat, vaste serpent de mer, et de nombreuses questions  : quelle relation entre la jeunesse et l’art ; quelle relation entre les artistes et la jeunesse ? Comment construire ce vivre ensemble, prenant en compte la diversité sociale et géographique des enfants ? Quels contenus transmettre ?


Christine Milleret, représentant Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication, dit toute l’importance du spectacle d’art en direction du jeune public, et de sa diffusion dans les centres dramatiques nationaux et scènes nationales. Il repose en effet sur l’inventivité, la modernité et  un  répertoire et, par sa pluridisciplinarité, œuvre à la transmission du désir et l’acquisition du jugement critique.

Trois tables rondes ponctuent ensuite la journée, invitant praticiens et chercheurs à échanger :

La première, animée par Dominique Bérody, délégué général pour la jeunesse et la décentralisation du CDN-Théâtre de Sartrouville, porte sur La création jeune public, à parité avec la création pour adultes.  Elle met en valeur l’excellence recherchée dans la création Jeune public et « le tissage des écritures scéniques, lieu intime de chacun avec le monde », comme le souligne Estelle Savasta, auteure et metteuse en scène ; pour Marie Bernanoce, universitaire, qui travaille sur le répertoire, « l’enfance n’est pas une thématique mais un détour pour regarder le monde sur un mode fictionnel ». Elle remarque, dans les thèmes traités, le rapport fréquent au social : ainsi, les enfants soldats, le  divorce ou l’inceste, entre autre, sont souvent évoqués.
La  part d’enfance déposée en chacun de nous et les traces qu’elle laisse, fut un thème développé par Pierre Péju, philosophe, qui distingue l’enfantin, sauvagerie des perceptions premières, de l’infantile, statut officiel de l’enfant. Quant à l’écart entre l’offre artistique et la demande, noté par Laurent Coutouly, directeur du pôle jeunes publics à la scène nationale MA de Montbeliard, il fragilise selon lui les acteurs. Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne,  a parlé  du parcours esthétique proposé aux enfants  qu’il a mis en place depuis plusieurs années avec Fabrice Melquiot, auteur et metteur en  scène.


La seconde table ronde, sous la houlette de Marie-Christine Bordeaux, universitaire,  se consacre aux « Politiques de médiation, pour un vaste projet d’éducation artistique« . Elle pose la question de la création comme expérience symbolique et artistique, pour l’enfant, celle de la médiation et des contenus : de quelle transmission parle-t-on, de quels enseignements ?
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, évoque la notion du secret, celle de la relation aux images et celle de l’impact des nouvelles technologies. Il interroge sur la mise en scène de soi et la construction des métaphores ; Claire Cafaro, actrice et metteuse en scène, professeure au conservatoire de Cachan, évoque son expérience de la transmission ; Kheireddine Lardjam, metteur en scène, parle des relations difficiles  entre l’artistique et l’éducatif : risque d’instrumentalisation de l’acteur, rapports de pouvoir entre l’artistique et le pédagogique, scolarisation potentielle de l’art dans la sphère éducative, avant d’évoquer la nécessité de développer des formations conjointes enseignants/artistes ; Claire Rannou, déléguée nationale de L’Anrat-théâtréducation, fait référence aux concertations qui se sont se tenues l’été dernier, sur la refondation de l’école et la part belle faite à l’éducation scientifique au détriment de l’éducation artistique ; Yves Reynaud, élu et représentant de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, évoque la nécessité du dialogue interculturel.


La troisième table ronde, coordonnée par Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles, traite de La diffusion et la circulation sur tous les territoires, dans un projet politique de service public. Il donne pour directive aux intervenants, de choisir une proposition parmi les quarante du Manifeste, de la présenter et de donner les raisons de son choix. C’est ludique et pédagogique et chacun se prête volontiers au jeu.
Christian Duchange, metteur en scène, parle du Pôle Jeune public en préfiguration, à la  Minoterie, à Dijon, ville où il intervient. Sa présentation se fait en dialogue avec l’élue chargée de la vie culturelle, Christine Martin, également présente, qui a élaboré et soutenu le projet; elle souhaite faire vivre le lieu, hors de tout confinement. Cette complicité entre « l’artiste et le prince », plus que positive, s’inscrit dans un véritable collectif de travail.  Hélène Bourguignon parle, elle, d’une communauté de douze communes du Sud du pays basque qui travaille dans un cadre transfrontalier, et donc bilingue. Les communes  construisent  une politique de contractualisation et remettent l’enfant au cœur du sujet, à partir de la crèche.
Emmanuel Constant enfin, vice-président pour la Culture au Conseil Général de Seine Saint-Denis, évoque les parcours artistiques mis en place avec cent-vingt collèges de son Département et réaffirme l’importance de la prise en compte de l’éducation artistique  par les Conseils Généraux, en convergence avec l’Etat.


 Les temps de dialogue avec la salle ont ouvert sur de fructueux échanges d’expériences, et si tous conviennent du croisement nécessaire entre artistes et enseignants, au sein de l’école, c’est le silence quant aux moyens attribués. On note d’ailleurs l’absence de représentants du Ministère de l’Education Nationale ainsi que du Conseil Régional d’ Ile-de-France.


Un « grand témoin », Cyrille Planson, rédacteur en chef de La Scène, eut pour mission, de réagir aux différents moments de la journée et d’en  faire la synthèse, en fin de séance. S’il reconnaît que Le Manifeste pour une politique artistique et culturelle du spectacle vivant en direction de la jeunesse peut être une plate-forme de discussion, il insiste sur la nécessité d’une plus grande reconnaissance du secteur culturel par les pairs et les élus, pour défendre les programmations Jeune public, même si, marionnettes, arts de la rue et cirque se sont positivement développés ces dernières années.


Quelques extraits de pièces pour  le jeune public  lus par leurs auteurs, entre chaque table ronde, nous ont plongés au cœur de la création. Sylvain Levey fut l’un d’entre eux : « L’écrivain est un animal, dixit Deleuze. Je suis un animal. Les saumons réfléchissent-ils trente-six heures avant de savoir quel fleuve ils vont remonter ? Les oiseaux migrateurs réfléchissent-ils  trente-six heures avant de prendre leur envol vers l’ailleurs ? Non et non ! Ils agissent à l’instinct. Il m’a fallu un peu moins de trente-six secondes pour accepter cette aventure, ce voyage avec le théâtre du Rivage. C’est l’instinct qui veut ça. Dans cette société anxiogène partout et tout le temps, il est bon de faire confiance aux pulsations. Alors, c’est parti pour le voyage et faisons confiance à nos intuitions d’animaux des planches et d’amoureux de la vie. »

Brigitte Rémer

Colloque organisé par Scènes d’Enfance et d’Ailleurs, avec le concours de l’Observatoire des Politiques Culturelles, au Monfort théâtre, samedi 20 octobre 2012.

Manifeste pour une politique artistique et culturelle du spectacle vivant en direction de la jeunesse : 40 propositions pour le jeune public. www.scenesdenfance.com - Complémentairement, Site : www. pourleducationartistique.overblog.com

La Farce de Maître Pathelin

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La Farce de Maître Pathelin, adaptation et mise en scène de Richard Demarcy.

Le Grand Parquet a déménagé mais est resté identique à lui-même; il accueille cette pièce, très connue mais  rarement jouée et qui aurait été écrite en  vers octosyllabiques  et en dialecte d’Ile-de-France, par un certain Guillaume Alecis, moine bénédictin , écrivain et poète normand vers 1470. Cette satire féroce, possède déjà un  véritable scénario à rebondissement, avec à la fin, un renversement de situation assez malin. Très vite populaire, elle fut même imprimée plusieurs fois et jouée à l’étranger!
C’est sans doute la première comédie française,  satire féroce dont les cinq personnages sont tous de belles canailles, et  du côté du manche: un avocat sans scrupules, sa femme menteuse et roublarde, un  juge  incompétent, et un commerçant aisé mauvais employeur; mais aussi  un pauvre  berger d’un troupeau de moutons,  voleur  patenté.

Pathelin, un avocat assez glauque,  n’a guère de clientèle  donc pas d’argent mais va quand même acheter une grande pièce de tissu  nécessaire à la confection d’une nouvelle robe chez  Guillaume Joceaulme, drapier. Grâce à  des flatteries, et de fausses promesses, il se débrouillera  pour emporter son achat en lui disant qu’il  le payera plus tard.
Mais quand  Joceaulme  ira chez lui pour réclamer son dû, il tombera sur un Pathelin presque à l’agonie et  veillé par  sa femme Guillemette, en pleurs, alors qu’il était le matin encore en excellente santé. Plus que surpris, écœuré mais, mis devant le fait accompli, le drapier repartira sans avoir été payé!

Suite du feuilleton: Thibault l’Agnelet,  employé par le drapier mais très peu payé, n’a pas hésité, pour compenser, à prélever des dizaines d’agneaux  pour se faire quelques sous.  Joceaulme a donc  porté plainte et a choisi Maître Pathelin comme défenseur; il  lui conseille de passer pour un débile, juste capable  d’émettre des bêlements quand le juge l’interrogera. Le drapier  explique au juge  que Thibault l’agnelet l’a escroqué. Mais il reconnaît  vite en Pathelin son client soi-disant  mourant, il  l’accuse de l’avoir roulé, si bien que le juge commence à s’impatienter devant ces deux affaires qui  se téléscopent et prononce alors  la plus célèbre réplique du théâtre français:  » Revenons à ces moutons ».
 Le juge compatissant, absout  le pauvre  berger  mais  refuse de s’occuper  de la plainte déposée par Joceaulme contre Pathelin qui veut alors se faire payer par le berger qui  a  vite appris le leçon et qui lui répondra aussi par des bêlements répétés… Riche contre pauvre, errements de la justice, pouvoir du langage au début de la pièce quand il s’agit de rouler quelqu’un, et ruse finale du pauvre contre un escroc: tous les ingrédients d’un comédie grinçante, à la fois lucide et virulente sur les travers de la société étaient déjà là, plus d’un siècle avant Molière…
Mais reste à savoir comment on peut la mettre en scène aujourd’hui. Richard Demarcy, lui, l’a adaptée en farce clownesque avec des comédiens-musiciens  d’origine très diverse, comme il dit:  un normand, un québécois, une franco-sénégalaise, un portuguais, et un franco-camerounais. Avec des costumes déjantés, assez clownesques et quelques accessoires, ils arrivent à  nous entraîner dans un délire poétique d’assez belle facture, en jouant de temps à autre  de l’accordéon, de la guimbarde, de l’ukulélé, des petites cymbales, etc… Et ce théâtre de foire  fonctionne bien-Demarcy  est passé maître dans ce genre d’exercice- du moins pendant les vingt premières minutes.
 Mais le système Demarcy semble  s’être quelque peu essoufflé et on ne retrouve pas la poésie folle du Songe d’une nuit d’été qu’il avait mis en scène  dans ce même Grand Parquet… La faute à quoi:  d’abord à une adaptation  approximative d’un texte qu’il a souvent truffé, pour faire « moderne » sans doute d’inventions, voire d’ajouts personnels pas toujours très heureux et on se demande bien pourquoi il n’a pas tenté d’en faire une véritable  version contemporaine, à partir du même scénario… Par ailleurs, la distribution est par trop inégale: Antonio da Silva (Pathelin)et Guy Lafrance (le drapier) sont  excellents mais Léontina Fall (Guillemette) semble être  ailleurs.
 Bref, c’est un spectacle sympathique mais  trop long, qui a du mal à trouver un véritable rythme, alors qu’il ne dure que 75 minutes! C’est d’autant plus dommage qu’aux meilleurs moments, cette petite  comédie passe  très bien… Surtout auprès des enfants.

Philippe du Vignal

Théâtre du Grand Parquet 35 rue d’Aubervilliers, jusqu’au 28 octobre, et ensuite en tournée, notamment en Algérie.

Cirque en capitales

Cirque en capitales, dans le cadre de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture – Compagnie L’Entreprise et El Warsha Théâtre. 

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©Christophe Raynaud de Lage

Le centre culturel Aragon-Triolet d’Orly lance sa saison 2012-2013 avec fanfare et images sur grand écran. La salle est pleine de familles et de jeunes,attentifs à la proposition de programmation. Le ludique est à l’affiche et attend Le 6ème jour, inspiré de la Genèse et extrait du livre, Le clown Arletti, vingt ans de ravissement, de François Cervantès et Catherine Germain, que cette dernière interprète avec brio, subtilité et poésie, depuis une quinzaine d’années et dont ils signent ensemble scénographie et mise en scène.
L’actrice n’en est pas à son coup d’essai; en 1987, elle présentait, avec Dominique Chevallier, La curiosité des anges tous deux s’étant ralliés à la Compagnie L’Entreprise créée par François Cervantès, dès le commencement. Elle récidive en 2005 dans sa recherche sur le clown avec Arletti, son personnage, qu’elle enrichit cette fois de musique, travaillant avec Philippe Foch aux percussions, pour Le concert. En 2006 vient ensuite le spectacle, Les clowns, pour trois personnages, Arletti, Zig et Boudu, où ils s’attaquent au Roi Lear.

Auteur, metteur en scène et acteur, François Cervantès, fondateur en 1986, de la Compagnie L’entreprise,pose ses valises à la Friche Belle-de-Mai de Marseille avec un collectif composé d’une dizaine d’artistes, après dix-huit ans de nomadisme. Il y mène un projet de permanence artistique et développe un répertoire, en relation avec le public local, mettant l’accent, avec ténacité, sur la diffusion, dans et hors l’Hexagone. Il signe écriture et mise en scène des spectacles présentés et étend ses recherches au-delà des mots, vers d’autres langages qui racontent le monde d’aujourd’hui, expérimente les arts du cirque, de la marionnette, du masque, du clown.
Il confronte aussi ses travaux dans d’autres espaces culturels, s’imprègne, d’Asie et, entre art et rituel, interroge la notion de représentation.

En 2010, François Cervantès se rend au Caire et rencontre le Warsha Théâtre, fondé il y a vingt-cinq ans par Hassan El Geretly, qui donnait ainsi le coup d’envoi au théâtre indépendant égyptien. De discussions en échanges, la figure du clown se dégage comme un territoire de travail possible, dans un pays, l’Egypte, où cette figure n’existe pas. Un projet commun s’élabore et Hassan El Geretly, accompagné de Boutros Raouf Boutros-Ghali, complice artistique de longue date, francophone comme lui, relève le défi. Invités en résidence à Marseille, ce duo  se glisse dans l’exigeante technique du clown, qu’ils ajustent à leurs imaginaires, sous le regard de François Cervantès, qui écrit pour eux Le Prince séquestré et le met en scène, assisté de Catherine Germain.

Ce spectacle sera présenté en début d ‘année, dans le cadre de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, ainsi qu’un second spectacle réalisé par le collectif de L’Entreprise : Carnages, autre déclinaison de la figure du clown, une fête collective à partir du répertoire laissé par les célèbres clowns du XXème siècle : Pipo et Rhum, Dario et Bario, les frères Fratellini.
Rendez-vous est pris à Marseille, pour une rencontre sensible et festive entre la Compagnie L’entreprise et le Warsha Théâtre, qui lance des ponts de part et d’autre de la Méditerranée, à travers le clown, ce poète.

Brigitte Rémer

Prochaines représentations : Le 6ème jour, 23 et 24 novembre 2012, à 21h, salle des fêtes de Juzet d’Izaut – 8 décembre 2012, à 18h15, Arc en Scènes, La Chaux de Fonds – 30 et 31 mai 2013, à 20h30, Salle des Fêtes de Marvejols –  5 juin 2013, Théâtre de la Criée, Marseille – 27 au 30 juin 2013, Théâtre des Célestins, Lyon.

Dans le cadre de Marseille Provence 2013 : Carnages, 29 janvier au 23 février 2013, Théâtre Massalia I Friche la Belle de Mai et Le Prince séquestré, spectacle franco-égyptien, même lieu, du 5 au 10 février (htpp://compagnie-entreprise.fr/)

J’habite une blessure sacrée

J’habite une blessure sacrée d’après La Haine de l’Occident de  Jean Ziegler, mise en scène de Mireille Perrier.

J’habite une Blessure sacrée reprend le titre d’un poème de  Calendrier lagunaire d’Aimé Césaire.Le spectacle est adapté  du livre de  Jean Ziegler, étonnant sociologue suisse, homme de terrain, dont le combat à l’Unesco et au Conseil des droits de l’homme de l’O.N.U. a été récemment couronné par le prix littéraire des Droits de l’Homme…
Son  livre condense les souffrances passées et présentes des peuples du Sud et en révèle toute la dignité à venir. Mireille Perrier, formée à l’école du Théâtre National de Chaillot auprès d’Antoine Vitez, avait commencé un parcours dans le cinéma auprès de Claire Denis, Philippe Garrel et Amos Gitaï,  entre autres.
En 2008, elle avait réalisé un premier documentaire La scandaleuse Force du passé et nous avions pu voir  d’elle en 2010, déjà aux Métallos, Anna Politovskaïa non rééducable, une pièce  sur cette invincible journaliste russe,  assassinée par le pouvoir russe.
Les quatre comédiens  jouent  différents personnages qu’ils endossent rapidement et dépeignent avec un beau lyrisme dépourvu de pathos le combat inégal des peuples du Sud contre les puissances d’argent, et  leur mise en esclavage, le pillage de leurs terres et les moments-clefs de leur asservissement dont ils n’ont pas fini de se libérer…
Aucune simplification primaire dans la mise en scène de Mireille Perrier, et  le beau livre de Ziegler vit sous nos yeux, et le public  retient son souffle! Mais  les scènes finales sont sous-éclairées.Même si  la lumière de la libération des peuples du Sud n’est pas pour demain..

Edith Rappoport

Maison des Métallos de Paris jusqu’au 31 octobre. Théâtre de Fontenay-sous-bois, le 1 er  février 2013; Maison du Théâtre à Amiens, le  7 février; Théâtre Paul Scarron au Mans les 18, 19 février et Théâtre d’Evron le 21 février.

La dernière Bande

La dernière Bande de Samuel Beckett mis en scène d’Alain Françon

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©Dunnara MEAS

Serge Merlin et Alain Françon renouvellent leur duo complice. Pour  l’acteur, c’est à cette heure voulue de la vie, mais pas n’importe laquelle, quand le poids de l’existence-une existence dévolue à l’art et à la valeur des mots-et le métier de comédien ne se distinguent plus.
Serge Merlin fréquente les grandes œuvres du patrimoine occidental, dont celle de Beckett et il s’est aguerri à son magnétisme poétique comme à sa dimension énigmatique. Et Alain Françon a renouvelé sa confiance à cet acteur accompli,  en pressentant  qu’il était mûr  pour dire et déclamer- de sa  voix rauque et éraillée-cet oratorio qu’est La Dernière Bande.
Un chant dramatique, à la fois profane et sacré qui déroule le cours d’une vie, celle de Krapp, pauvre bougre selon  Beckett,  au moment du bilan et d’une compilation de ses années passées. Vieil homme qui, le jour de son anniversaire,  a pris l’habitude d’enregistrer à cette date rituelle, son journal aussi intime qu’intermittent : « Viens d’écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j’aie jamais été con à ce point-là. »
En réécoutant au hasard–qui n’en est pas un-une bande magnétique vieille de trente ans, l’éclair se fait dans la tête chenue de Krapp  qui se souvient  des moindres états d’âme piquants qui l’ont marqué, dont le souvenir d’une barque à la dérive sur l’eau et d’une étreinte avec une jeune fille qu’il s’empresse d’éconduire : « J’ai dit encore que ça me semblait sans espoir et pas la peine de continuer et elle a fait oui sans ouvrir les yeux. »
Regret, et si c’était à refaire ? L’instant est tellement intense qu’il s’est inscrit à jamais dans la mémoire comme dans le corps de l’amant : « … les yeux comme des fentes à cause du soleil. Je me suis penché sur elle pour qu’ils soient dans l’ombre et ils se sont ouverts (Pause). M’ont laissé entrer. (Pause) Nous dérivions parmi les roseaux et la barque s’est coincée. »
Toute la présence au monde se poursuivra inconsciemment à partir de cette image enfuie. La scène est initiatique et ouvre à la naissance existentielle et au vrai désir de vivre, avec ses fureurs, ses élans et ses amertumes. Beckett est un précurseur, l’un des rares à faire advenir sur un plateau l’écoute attentive du temps qui passe, du présent lourd du poids alloué d’être ici-bas, et  qui fait souffrir et  exalte en même temps.
Avec le son métallique et sec d’un magnétophone, ses allers retours, les variations et les répétitions, les silences et les pauses de celui qui se livre avec pudeur. Un moment de théâtre rare, une ode rageuse à l’amour, malgré tout.

Véronique Hotte

Théâtre de l’Oeuvre  jusqu’au 25 novembre 2012, du mardi au samedi 21h et dimanche 16h.

Festival temps d’images

Temps d’Images.

Ce festival fête ses dix ans à la Ferme du Buisson à  Marne-la-Vallée et au Cent Quatre à Paris ! Initié par José Manuel Gonçalvès et Vincent Eches, avec le soutien d’Arte dès la première année, Temps d’images festival  met l’accent sur  les rapports entre l’image audiovisuelle et le spectacle vivant et les salles sont pleine d’un public jeune.
Grâce à Arte, il s’est très vite déployé sur le plan international, en Europe comme  au Québec.

 Jesus’Bloood, never failed me yet  concert de Gavin Bryars par l’Orchestre de chambre de Paris, avec l’Écho Râleur et l’Attrape Choeur, au Cent Quatre, 9 octobre Direction Pascal Rophé, Vidéo Olivier Smolders, Jean-François Spircigio.

En 1971, le compositeur de musique post-minimaliste et contre-bassiste britannique Gavin Bryars travaille sur un documentaire d’Alan Power sur des sans-abri du quartier londonien de Waterloo. Il y rencontre un vieil homme  en train de fredonner un chant religieux Jesus’ blood never failed with me qu’il va enregistrer. Bryars utilisera en boucle cette  mélodie de treize mesures,  à partir de laquelle il crée une partition orchestrale originale qu’il publiera pour le label Obscure de Brian Eno. Dans les années 90, Tom Waits prêtera sa voix  pour enregistrer à nouveau cette œuvre devenue culte.
Pour l’ouverture de Temps d’Images qu’il avait créé à la Ferme du Buisson, José Manuel Gonçalves accueille ce fascinant concert dans la grande Halle du Cent Quatre qu’il a réussi à transformer en vrai lieu de vie, depuis qu’il en a pris la direction. Au centre, autour du chef, 54 musiciens, violons, altos, violoncelles, flûte, hautbois, clarinettes, bassons, cors, trompettes, percussions et harpes. On entend la complainte du vieil homme enregistrée qui s’élève doucement et qui monte en boucle, on l’entendra 150 fois pendant le concert : “Jesus blood never failed with me yet never failed with me there’s one thing I know for he loves me so…“.
Peu à peu les cordes l’accompagnent doucement, puis les vents et la harpe, enfin les voix des chœurs qui murmurent en boucle, et qui montent, pendant que des images en noir et blanc apparaissent sur les écrans qui cernent le public et l’orchestre. Des images des années 50, des enfants qui jouent près d’un lac avec leurs pulls tricotés et leurs mamans chapeautées, qui font  de l’équilibre sur une poutre, une mariée blanc…
Les voix s’éteignent doucement, les instruments faiblissent, on n’entend plus que celle du vieil homme qui baisse lentement, jusqu’à disparaître. L’émotion du public met du temps à monter, comme toujours, mais elle est manifeste.

Au Cent Quatre le 9 octobre

Sand table de Magali Desbazeille et Meg Stuart Damaged Goods, mise en scène de  Stefan Pucher  vidéo de  Jorge Leon
Nous sommes introduits en petits groupes sur une haute plateforme surplombant le grand plateau de la Ferme du Buisson. Nous apercevons un écran blanc en dessous ou deux techniciens semblent étendre des danseurs, on ne comprend pas si sont des humains ou leurs images. Et ce sont bien des images, qui se rétrécissent, qui se déforment comme par magie. Les techniciens lancent les corps, les replient, les déploient et lancent des poignées de sable. Entre le virtuel et la réalité de danseurs de chair, on s’égare dans une étrange forêt. Il y a à côté de nous un petit enfant dans les bras de sa mère, qui comme nous est fasciné.

Au Cent Quatre et à la Ferme du Buisson de Marne la Vallée 9 et 20 octobre http://www.damagedgoods.be

Hautes herbes,  installation théâtrale et vidéo d’Inne Goris, musique de Dominique Pauwels, images de Kurt d’Haeseleer.
“Cette nuit est-elle la dernière ? Ou, y aura-t-il d’autres matins ?
Nous sommes assis par groupes de sept sur des sièges séparés par des écrans qui nous entourent. On y voit des images de forêts d’Afrique, et à côté de nous des enfants incarnent ceux qui ont été broyés dans une guerre forcée.
Sur les écrans, un enfant traîne le corps de sa mère. Un flot d’images nous submerge, les textes ne sont pas toujours audibles, et il est difficile de capter tant de choses en même temps, les mots, les images, la musique.Le fait que des enfants puissent devenir  des soldats reste aussi quelque chose d’incompréhensible… Mais la musique est là qui nous emporte.

Hamlet : Exist Ghost,par le collectif Teatr Weimar, mise en scène de Jörgen Dahlqvist,  en suédois surtitré en français.
“Je suis précipité dans ce vide en moi que personne ne comprend” dit Hamlet dans Exit Gost. Jörge Dahlqvist souhaite rompre avec la tradition ! Teatr Weimar, collectif suédois explore depuis 2010 “un théâtre non abouti en transformation constante comme un processus en cours” !
Deux comédiens,  Ragael Petersen et Linda Rintzen,  armés de casques sonores, assis à une table, lisent des textes concernant les personnages d’Hamlet, d’Ophélie, de Polonius, et sont  entourés de cinq techniciens qui les filment et retransmettent leurs images sur grand écran.

De  poésie  shakespearienne, de beauté des images, aucune trace! Pour les amoureux de Peter Brook et du poème de Rimbaud “Sur l’onde calme et noire, la blanche Ophélia flotte comme un grand lys”, c’est une une grosse déception. Le théâtre  s’efface derrière la technique jusqu’à disparaître!

http://www.teatrweimar.se

Beauty remained for just a moment and then returned gently to her starting position de Robyn Orlin.

Robyn Orlin, célèbre chorégraphe d’Afrique du Sud , a monté plus d’une vingtaine de spectacles depuis 1990. Elle avait créé celui-ci avec avec le groupe sud-Africain Moving into Dance Mophatong pour la Biennale de Lyon en 2012. Beauty remained est construit à partir de peintures corporelles des tribus éthiopiennes Surma et Mursi. Les costumes sont variables et éphémères.
Les danseurs se déchaînent dans un cercle de sable rituel, avec, au centre,  un podium carré. Autour d’une poule,  les sept danseurs jouent des poules…On agite des bouteilles d’eau, tout le monde se gargarise puis accroche ces bouteilles sur d’étranges costumes, on en piétine d’autres.
Des danseurs se font une jupe avec des vêtements pris aux spectateurs des premiers rangs et défilent en revue ridicule. Ce spectacle plein d’énergie et  très enlevé se termine par une vente aux enchères un peu longue.
Une vidéo de Philippe Lainé invite les spectateurs à une visite des mystères de l’Afrique, aux dimensions fascinantes  et loin des clichés ordinaires.

Edith Rappoport

Au Cent Quatre et à la Ferme du Buisson de Marne la Vallée 9 et 20 octobre
http://www.robynorlyn.com/

Oh de Boris Vian

Oh! d’après des textes de Boris Vian,  de Myriam Krivine et Éric Garmirian

La compagnie Jolie Môme qui anime depuis des années La Belle Étoile, un lieu très vivant dans un quartier rénové de la Plaine Saint-Denis, y accueille de multiples associations. Y étaient notamment accueillis un atelier de construction de marionnettes et un spectacle de contes et ombres chinoises.
Myriam Krivine et Éric Garmirian reprenaient, eux,  un petit bijou musical, Oh! d’après des textes de Boris Vian, créé à Mantes-la-Jolie en 2010. En ouverture de la soirée, les spectateurs étaient conviés à un ram-dam devant un hôtel du quartier dont des immigrés, relogés là provisoirement par la Ville de Paris, devaient être à nouveau expulsés.
C’est un vrai délice de retrouver, interprétées avec humour par ces deux chanteurs,   L’Écume des Jours, Fais-moi mal, Johnny et La Java des Bombes atomiques,  et d’autres chansons moins connues. On n’écoute pas assez Boris Vian qui a conçu une œuvre de salubrité publique. Leur disque peut vous accompagner.

Edith Rappoport
Festival Mots à Croque à La Belle Étoile de Saint-Denis.
ericgarmirian@dbmail.com

Crazy Camel

Crazy Camel crazy-camel-1-y.-kobayashi

 

 

Crazy Camel par la compagnie Dairakudakan, conception de Maro Akaji.

 

Pour fêter ses quinze ans d’existence et pour contrer l’image triste du pays après le séisme, la Maison de la Culture du Japon présente une programmation sur le thème du rire. Elle accueille Maro Akaji et sa troupe Dairakudakan, “navire des grands chameaux”, qui présente pour la première fois hors du Japon une création atypique. Cet artiste célèbre dans le théâtre underground de Tokyo, toujours attiré par les formes frontières, a étudié l’art du Butô auprès du maître Tatsumi Hijikata.
Acteur et metteur en scène du Crazy Camel (en référence au Crazy Horse), il associe Butô et Kimpun Show. Le butô est une danse née au Japon dans les années soixante, qui privilégie l’excès plutôt que l’harmonie, la différence physique plutôt que la beauté formelle, avec des danseurs au crâne rasé et au corps peint en blanc.Le butô a été popularisé en France par le Sankaï Juku, et est caractérisé, par sa lenteur, son minimalisme et son esthétisme.
Le Kimpun Show, lui, est un numéro de cabaret, plus mobile, né au même moment et en contre-point du Butô. Kimpun signifie  “poudre d’or” du nom du produit huileux qui recouvre le corps des danseurs et dont la composition  est tenue secrète. Beaucoup moins solennel mais très esthétique, le Kimpun Show était interprété dans les cabarets nippons par des jeunes danseurs de Butô.
Comme le dit Maro Akaji:  “Cela a permis à notre compagnie d’avoir une autonomie financière, puisqu’elle ne reçoit pas de subventions d’Etat. Et sans le Kimpun Show, le Butô n’existerait plus aujourd’hui! Cette danse doit être avant tout divertissante. Je compte créer une pièce jouissive pour célébrer les quinze ans de la Maison de la Culture du Japon ”.
Le public parisien a découvert le mélange de ces deux styles de danse avec un certain étonnement. Les six hommes et les cinq femmes ne portent qu’ un cache sexe (tsun) et dansent en groupe; les mouvements sont parfois très rapides, mais  quand ils deviennent  lents, ils donnent un aspect sculptural aux corps. La scène de Butô comprend un danseuse en tenue de collégien, une danseuse  en tenue d’écolière, d’une mobilité animale, presque simiesque et Maro Akaji habillé comme  elle;  à près de soixante-dix ans, il a une présence  en scène  impressionnante.
Les tableaux de Bûto et de Kimpun Show se succèdent, jusqu’au moment où le collégien succombe à un priapisme brutal devant la nudité des danseurs! Paradoxalement, cette nudité est peu chargée d’érotisme. Ils utilisent très bien l’espace de cette petite salle, aidée en cela par un très important travail sur les lumières, jusqu’au final  où ils crachent le feu. Rituel utilisé par les danseurs du Kimpun Show, quand ils ont dû quitter les cabarets dans les années 80, (suite à leur fermeture imposée), et transformer en spectacle de rue.
La musique très présente, use-et abuse-ironiquement des Quatre Saisons de Vivaldi, et chaque tableau n’est pas toujours convaincant. Mais ce manège enchanté, à la fois parodique et dérisoire, désacralise le Butô et fait travailler l’imaginaire du public dont il marquera sans doute fortement la mémoire. Et de ce point de vue, c’est une véritable réussite…

Jean Couturier

Spectacle joué du 18 au 20 octobre à la Maison de la Culture du Japon

www.dairakudakan.com

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