La femme qui tua les poissons

La femme qui tua les poissons, d’après La Découverte du monde, chroniques de Clarice Lispector, mise en scène de Bruno Bayen

Clarice Lispector (1907-1973) est de ces auteurs-culte qu’on se reproche de ne pas connaître assez. Et son écriture, filée d’inconscient, de petites bricoles qui n’en disent pas forcément long mais parfois profond, vous file entre les doigts. Elle s’échappe du côté de l’enfance, ou d’une futilité aiguë, et revient à la question:  être ou ne pas être. Bref, une écrivaine voyageuse  – elle est arrivée d’Ukraine au Brésil à deux mois, puis fut femme de diplomate – faisant de la langue (le portuguais du Brésil) sa vraie demeure. Clotilde Ramondou avait fait de ses textes quelque chose de très beau, au salon du théâtre Paris-Villette,  il y a quelques années.
Bruno Bayen, lui,  fait de La Femme qui tua les poissons, un joli spectacle, et l’on en reste là. Tout est gracieux, élégant, avec de petites astuces de mise en scène qu’on remarque (trop) au passage. Un garçon , servant de scène, lui aussi élégant, bouge gravement un petit projecteur, travaille quelques sons, enlace Emmanuelle Lafon pour un tango rustique et silencieux, pieds nus. La comédienne, au centre de tout cela, est belle, sûre de ses gestes, joue  de ses chaussures à talons hauts, chute avec grâce, et ? Et rien de plus. Un soulier ôté, elle ne boitera pas… On  n’est pas dans  Le Soulier de satin:  pas de trouble, rien d’inesthétique : lisse.
Une fois de plus, Clarice Lispector nous aura glissé des mains.

 

Christine Friedel

 

Théâtre de la Bastille – jusqu’au 14 octobre.

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