After the end

After the end de Dennis Kelly, traduction et mis en scène d’ Olivier Werner.

After the end aftertheendHD35-copie-2Le comédien et metteur en scène Olivier Werner, personnalité entière et engagée dans son temps, a œuvré sur une trilogie de l’enfermement physique et mental. En trois volets : le premier sur l’enfermement de deux êtres avec After the end. Le second sur l’enfermement mental avec La Pensée de Leonid Andreiev qu’ interprétera bientôt, seul en scène, Olivier Werner. Et le dernier avec La Coquille de Mustahfa Kalifé, à propos de l’enfermement politique qui fera la part belle à la chorégraphie et à la musique.
Olivier Werner avait déjà monté ,du même auteur, Occupe-toi du bébé, la saison dernière  et avait traduit After the end avec la comédienne Pearl Maniford. L’hyperréalisme de son écriture   flirtant avec le reportage, l’interview, le parler quotidien, et  devenant donc un « mensonge poétique », vrai porte-parole du réel, qui avait  frappé le metteur en scène,
C’est un huis-clos, l’histoire de deux survivants dans un abri anti-atomique après un attentat terroriste, une bombe nucléaire, à moins que ce ne soit la chronique détaillée d’une séquestration inavouable, comme il y en a eu de si glauques ces dernières années, en Autriche.Louise et Mark ont tout perdu du monde extérieur, amis, familles, intérieurs ; ils se retrouvent enfermés hors du temps e du monde ; ils devinent la destruction et la mort au-dessus d’eux. Eux seuls vivent, mais à quel prix ?
Louise reproche à Mark de tout vouloir contrôler… Est-il du côté de la victime ou du bourreau ? L’impossibilité de décider a force de loi dans cette fable qui donne à voir les sentiments cachés de deux êtres qui ne soupçonnent même pas de receler en eux les traits de la monstruosité.
Rapports de domination et de pouvoir. Qui dirige et soumet l’autre, qui l’affame et l’affaiblit ? C’est peut-être la relation de force naturelle qu’impose la beauté, l’intelligence ou encore le bonheur encore d’être au monde. Mais celui qui se pense floué par l’existence et par la malchance d’être encore là, fulmine d’insatisfaction et d’amertume…
La Belle au bois dormant, c’est Louise, vindicative, violente, sûre de son ascendant  et Mark, lui, le mal-aimé, est l’habile et le calculateur. Chacun livre à l’autre un combat sans merci dont aucun des deux, soumis à la loi de l’instinct de survie et à la volonté d’éradiquer l’ennemi, ne sortira victorieux. Aucune sérénité dans ce monde inhumain, aucune tendresse, aucune paix.
La vie est un enfer, et il faut en boire le vin jusqu’à la lie. Nous survivons tant bien que mal à des scènes crues, insupportables, comme la séance de masturbation vengeresse de Mark devant Louise, défaite et vaincue.
La mise en scène d’Oliver Werner est une partition serrée et rigoureuse et la chambre claire de tous les non-dits. Et il dirige avec intelligence  Pearl Manifold et Pierre François Doireau qui excellent dans ce défi moral, au-delà des hurlements, dans une captation aigüe et douloureuse de sensations inavouables…

Véronique Hotte

Volet 1:  du 4 au 7 octobre et du 22 au 25 novembre.Texte chez L’Arche Éditeur.
Volet 2: La Pensée de Leonid Andreiev, les 29 et 30 novembre, et les 1er et 2 décembre.

La Fabrique MC 11, 11 rue Bara à Montreuil.


Archive pour 3 octobre, 2012

Le Roi des bois

Le Roi des bois  Le-Roi-du-Bois@Pascal-Gély
Le Roi des bois
de Pierre Michon, mis en scène de Sandrine Anglade, musique originale de Michèle Reverdy.

Pierre Michon s’était fait connaître à 37 ans en 84,avec la publication des Vies minuscule s-ce livre formidable qui avait reçu le prix France-Culture cette même année. Ses textes, -dont  Le Roi de bois- traduits maintenant en plus de huit langues-s’apparentent à des poèmes en prose, et on sent chez lui une véritable passion pour l’oralité  et  la musique des phrases, telle que pouvait la concevoir, entre autres  un Bossuet. La langue de Michon, comme le rappelle justement Sandrine Anglade, est toujours d’un grand raffinement et on peut « goûter l’articulation sonore des mots comme on prend plaisir  à faire résonner la musique d’un poème ».
 Ce Roi des Bois est  une sorte d’histoire ou plutôt de conte,  où Gian Domenico Desiderii nous parle de sa vie d’enfant à la campagne, puis de  valet et d’homme à tout faire dans l’atelier de Claude  Le Lorrain pendant quinze ans. Cela se passe dans un monde très rural, où les villes, même importantes, n’étaient jamais loin des champs.(A Paris, le Boulevard Saint-Marcel possédait encore des vignes au 19 ème siècle, et Hemingway achetait, dans les années 30, des fromages à une  chevrière qui passait avec ses bêtes  rue d’Assas!).
Le Roi des bois
dit cette imprégnation avec la nature de l’enfant  puis de l’homme fait, . Le petit pâtre pauvre de douze ans,  découvre par hasard le luxe et la beauté… Quand il emmène en été ses porcs dans une chesnaie,  une jeune princesse  descend d’un carrosse aux bandes d’azur, relève  ses jupons de dentelle  pour aller pisser dans les fougères.  » Le cocher regardait ailleurs, policé et bestial. Le jet dru de la belle s’épuisait ; le prince lui dit une gentillesse, assortie d’un mot abject qu’on réserve aux plus basses catins ; il souriait plus franchement, plus tendrement. Les mains de la femme se crispèrent dans la dentelle qu’elles troussaient, et elle eut un gloussement peut-être servile, suppliant ou ravi, qui me combla ; elle avait relevé la tête et le regardait aussi. J’imaginais ce regard comme du sang. De hautes fleurs blanches fleurissaient contre ma joue. Tout cela était plein de violence indifférente, comme les cieux à midi, comme la cime des forêts. »

  Tout est dit: les hommes et les bêtes, les princes et les paysans, le soleil d’été et la nature , et les fleurs des sous-bois,, et le corps des belles femmes qui ne sont pas astreintes aux travaux des champs. Le petit garçon, amer et déçu, devenu  valet  au service d’un grand peintre mais pas plus, verra vite la fin de ses illusions, et la dernière phrase a quelque chose d’horrible: « Maudissez le monde, il vous le rend bien. » Quelle langue, quelles sonorités, quelles images!
  Le Roi des bois a quelque chose d’ absolument musical et Sandrine Anglade qui a monté nombre d’opéras ne pouvait y être insensible et a donc demandé à Michèle Reverdy de composer ce qu’elle appelle un « opéra parlé ». Cette compositrice a donc imaginé « une partition musicale comme un véritable protagoniste de l’action scénique » avec un quatuor à cordes dont les instrumentistes seraient sur scène et où interviendrait la voix chantée d’une enfant. » L’histoire musicale se racontera en contre-point du texte, intimement tissé avec ce texte, sans néanmoins en être réduite à l’état de simple paraphrase illustrative » . Vous suivez? Nous, pas très bien!
  Le texte de Michon, admirablement écrit, est d’une verve, d’une chaleur et d’une étonnante sensualité, la mise en scène de Sandrine Anglade est particulièrement soignée, (on oubliera quelques fumigènes inutiles), le quatuor Varèse  joue bien une musique intelligente, le petit chanteur( Michaël Oppert) a une voix merveilleuse de fraîcheur, la scénographie  de Claude Chestier-des toiles transparentes hissées puis redescendues-est tout à fait remarquable et rappelle les grandes voiles des bateaux chez Le Lorrain, les lumières d’ Eric Blosse, souvent rasantes et dorées comme les célèbres couchants du peintre,  sont d’une rare poésie,  et Jacques Bonnafé reste  l’excellent comédien qui, en solo ou pas, a toujours une parfaite maîtrise du texte.
Oui, mais désolé,  le spectacle  ne fonctionne pas vraiment! La faute à quoi? Sans doute à ce concept d’ »opéra parlé », dont on a quelque mal à entrevoir l’exigence. Qu’apporte vraiment la musique au texte de Michon déjà très musical, quelle que soit par ailleurs la qualité de la partition et de l’interprétation? Et comme trois violons, un alto et un violoncelle développent un volume musical déjà important, il a fallu équiper Jacques Bonnafé d’un micro HF,  ce qui donne l’ absence habituelle  de nuances et une uniformité dans la voix dont le  comédien n’est pas responsable mais qui gêne l’écoute et qu’on aurait pu nous épargner. Et du coup, on décroche vite et ces soixante dix minutes n’en finissent pas de finir. Seul, sans micro, sans accessoires ou presque, Jacques  Bonnafé, a très souvent prouvé qu’il pouvait prendre à bras le corps un texte et nous le faire vivre de façon incomparable,  et on se disait à la sortie qu’il aurait encore pu nous ensorceler, surtout avec un texte d’une telle qualité orale… Dommage, et pour Pierre Michon,  et pour Jacques Bonnafé…

Philippe du Vignal

Théâtre 71, Malakoff jusqu’au 13 octobre; puis en tournée. Rencontre avec Pierre Michon samedi 5 octobre à la Médiathèque de Malakoff.
Le Roi des bois est édité chez Verdier; les autres textes de Michon chez Gallimard et chez Verdier.

Et la terre se transmet comme la langue

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Et
la terre se transmet comme la langue, de Mahmoud Darwich,  Spectacle de  Stéphanie Béghain, Olivier Derousseau et Isabelle Gressier

C’est une étape, dans un travail engagé depuis deux ans à la Fonderie du Mans, autour de l’œuvre de Mahmoud Darwich, qui marque la fin d’un temps de résidence au Studio-Théâtre de Vitry. Ecrit à Paris en 1989 et traduit par Elias Sanbar, son complice de toujours, le poème : Et la terre se transmet comme la langue, conduit à un chemin escarpé et tient de l’herméneutique, du chemin initiatique, de l’introspection, du cri au sens où Munch le jette sur la toile, du silence. Vingt-cinq pages d’un texte difficile, une heure de spectacle, un public aux aguets qui retient son souffle et hésite, au final, à applaudir avant de se retirer sur la pointe des pieds.Mais le spectateur qui aurait gardé en mémoire la scansion si particulière du poète-diseur et la musicalité de la langue arabe, se trouve un peu perdu.
Le personnage s’efface ensuite, hiératique, et passe de l’autre côté du mur, une toile noire plastifiée semblable à un miroir sans tain, dans laquelle, au départ, le public se reflète. L’endroit est beau, la profondeur du plateau permet l’errance. Le parcours ici est lent et dans l’extrême pénombre. On ne discerne plus les élément de la scénographie, de ce qui est intrinsèque au lieu : la verrière donnant sur un jardin, la porte ouverte, au fond, offrent leurs contre-jours et une petite lueur. Les contreforts de bois font penser à ceux des cathédrales, sorte d’étayages formant comme un couloir, ou une haie d’honneur. Un lit à peine effleuré, plutôt contourné, au lointain. Une chaise à l’avant, sur laquelle gisent deux morceaux d’une tasse cassée, symbole d’une Palestine déchirée.
Né en 1941 près de Saint-Jean-d’Acre, en Galilée, membre actif de l’OLP qu’il quitte pour protester contre les accords d’Oslo en 1993, Mahmoud Darwich se considère très vite comme réfugié dans son propre pays. Assigné à résidence pendant plusieurs années, à Haïfa, il a trente ans lorsqu’il quitte Israël, pour Le Caire, puis Beyrouth, avant de passer quinze ans en exil en France, puis de vivre entre la Jordanie et la Palestine. Il meurt en 2008 aux États-Unis et laisse une vingtaine de livres de poèmes (dont La poésie comme métaphore, Une mémoire pour l’oubli et plusieurs ouvrages en prose.)
Un cahier, Prélude pour une autre fois, composé de photos issues de la presse quotidienne, sans signature ni légende, est remis au spectateur, à l’entrée de la salle. Dédié aux opprimés de Palestine, c’est un abrégé de l’histoire du pays, de l’an 2000 avant Jésus-Christ au 30 juin 2012, complété de références bibliographiques. L’objet est pédagogique et généreux.
Rien que la voix, longtemps, comme une supplique, une imprécation douce, sans micro d’abord, puis avec chambre d’écho traduisant jusqu’aux chuchotements ; le hennissement d’un cheval ; quelques notes de piano, fragiles, puis un bruit assourdissant, inattendu, d’une pluie, non pas d’olives, peut-être des pierres de l’intifada. La robe a-symétrique de la comédienne, dévoilée en cours de jeu, d’un gris irisé, rappelle, en sa partie droite, une cote de maille ou les écailles d’une sirène. Les discrètes colonnes de lumière qui nous guident, à un moment du spectacle, augmentent la référence aux Troyennes et au théâtre grec.
Il y a dans la proposition des trois artistes signataires du travail (Stéphanie Béghain, Olivier Derousseau et Isabelle Gressier), quelque chose de désincarné et de l’ordre du déplacement, un espace décontextualisé. Difficile de se penser en Méditerranée, les senteurs et la sensualité, la vie, ne sont pas vraiment au rendez-vous. On nous offre pourtant un chant nocturne, d’une grande beauté. «Le poème dit le rapport personnel au réel et il essaie de transformer cette réalité concrète en une réalité de langue… Nous devons toujours accéder au poème comme si nous venions au monde pour la première fois, il y a toujours un fond mythique pour n’importe quelle œuvre poétique» disait Mahmoud Darwich, lors d’une rencontre publique organisée à l’Espace Boris Vian de La Villette, en mai 1997. Engagé dans une culture de résistance, il poursuivait : « Ce que j’ai voulu dire aussi, c’est que les faibles, les victimes, les battus, peuvent également écrire leur histoire »….

Brigitte Rémer

Spectacle présenté dans le cadre de : Ouverture(s) de septembre au Studio Théâtre de Vitry,  les 28, 29 septembre et  le 1er octobre

Made to fit

Made to fit  (Fait pour s’adapter) par les élèves de l’école de l’Institut National du Cirque d’Australie.

 

Made to fit  australie-060Cette institution d’Etat, à but non lucratif, fondée en 2001 et implantée à Melbourne, a pour mission de former des élèves aux différents arts de la piste dans l’esthétique du cirque contemporain. L’équivalent de cette structure en France est le Centre National des arts du cirque qui a fêté ses 25 ans en 2011.
A Melbourne, il y a une centaine d’élèves et trente professeurs pour une durée d’études de cinq ans. Avec une  grande qualité de formation, et l’on  retrouve donc  plus tard ces artistes dans les grandes compagnies internationales:  Cirque du Soleil, Disney ou Universal Studios. D’autres circassiens ont fait le choix de jouer dans des troupes nationales.
C’est à un spectacle de travaux d’élèves très rythmé que  nous avons  assisté, dans une succession de numéros parfois sans lien évident entre eux. Acrobaties sur  fil, ou aériennes avec des lanières, sauts en trampoline, numéros de hula-hoop,  se succèdent  sur une musique enregistrée très rock.
L’une des deux metteurs en scène de ces travaux d’élèves est Meredith Kitchen qui est professeur de danse. Elle a travaillé plusieurs années avec Philippe Genty et nous y retrouvons certaines références, sous forme de clin d’œil,  quand, par exemple, des comédiens enfermés dans une boîte transparente, manipulent des membres humains en résine. La musique de René Aubry vient parfois réveiller la mémoire des fidèles de la compagnie Philippe Genty… nombreux en Australie.
Là aussi, comme à l’Australian ballet, ce qui prime,  c’est l’unité du groupe au détriment peut-être de la performance individuelle. Autre différence notable: par rapport à certaines écoles de cirque, en particulier asiatiques, le corps  ne subit pas des contraintes physiologiques, ne devient pas un instrument de performance, et reste donc harmonieux …
Le public australien était enthousiaste, et prêt à revoir ces jeunes pousses sur d’autres scènes nationales ou internationales.

Jean Couturier

www.nica.com

www.cnac.fr

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