Le Rhinocéros
Le Rhinocéros d’Eugène Ionesco, mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota, en tournée aux Etats-Unis.
Troisième étape de cette tournée, les représentations à New York début octobre, ont eu un accueil du public comme celui de la presse (première page du supplément culture du New York Times!) enthousiaste. Cette tournée a engagé trente sept personnes, pour cette tournée qui est allée aussi Los Angeles, Berkeley et Ann Arbor dans le Michigan, afin que de nouveaux publics redécouvrent Eugène Ionesco.
C’est Joe Melillo, le directeur du théâtre de la Brooklyn Academy of Music qui a décidé, après avoir vu le spectacle à Paris d’organiser une tournée aux Etats-Unis. Une tournée qu’un producteur américain a préparé avec l’aide financière de l’Institut français, du département culture de l’Ambassade de France aux Etats-Unis, de la mairie de Paris, de Vivendi et de la SACD.
Comédiens et techniciens n’ont pas vraiment le temps de faire du tourisme, puisque le metteur en scène exige un travail très minutieux au plateau la veille et le jour de la première dans chaque nouveau lieu.Le groupe de comédiens suit Emmanuel Demarcy-Mota depuis plusieurs années, ce qui crée une vraie cohésion sur scène. Ils participent également à la régie plateau, phénomène assez rare pour être signalé.
Pas de micro sur scène: les voix des acteurs sont au service d’une langue (avec un surtitrage en anglais) et d’un thème que les Américains ont découvert en riant beaucoup, en particulier à New York, où nous avons revu le spectacle .
Le comique du Rhinocéros était moins évident lors des représentations en France au Théâtre de la Ville. Ici , les rires du public américain témoignent de la réalité intemporelle de ce texte qu’Eugène Ionesco écrivit sous forme de nouvelles en 1957., trois ans avant que la pièce ne soit créée par Jean-Louis Barrault au Théâtre de France-Odéon. Elle semble entrer ici en résonance avec l’actualité du moment.
The Howard Gilman Opera House, une salle à l’Italienne de 2200 places (!), complète chaque soir, a très bien mis en valeur la scénographie d’Yves Collett. Le personnage de Béranger, est remarquablement interprété par Serge Maggiani qui en fait un héros malgré lui qui, à l’image de son auteur, se retrouve au final dans l’impossibilité de suivre le grand mouvement de transformation de ces rhinocéros: » Hélas, dit-il, jamais, je ne deviendrai rhinocéros, jamais, jamais ! Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas « . Pour l’anecdote, Serge Maggiani qui a la phobie de l’avion, est donc le seul à être venu aux Etats-Unis en bateau et à faire là-bas tous les trajets en train… Une autre forme de résistance à l’uniformité!
Ce spectacle s’est joué dans un des plus anciens théâtres de New-York qui, en 150 ans d’existence, a vu passer venant de France: Sarah Bernhardt en 1917, la Comédie-Française en 79, Peter Brook en 87 et Le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine en 92. Il y avait donc une impressionnante succession à honorer..
C’est un belle revanche pour Eugène Ionesco que cette tournée à New York en 2012! L’ œuvre de l’écrivain est parfois considérée par certains professionnels français comme « datée »… On peut rappeler une phrase de lui qui garde encore tout son sens, même de l’autre coté de l’Atlantique: « Une œuvre d’art est l’expression d’une réalité incommunicable que l’on essaie de communiquer- et qui parfois… peut être communiquée » C’est là son paradoxe, et sa vérité ».
Jean Couturier
Le spectacle joué jusqu’au 13 octobre à Ann Arbor (Michigan)
www.bam.org
www.theatredelaville-paris.com