Villa+ Discurso

 Villa+ Discurso, texte et mise en scène de Guillermo Calderón.

 

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©Valentino Saldivar

Augusto Pinochet, commandant en chef des armées au Chili,  avait cinquante six ans en 73,  quand  il renverse le gouvernement de Salvador Allende. Très doué pour la dictature,  il fera torturer et/ou exécuter des milliers d’opposants à son régime mais en 88, Pinochet n’obtiendra pas la majorité des voix et devra démissionner de la Présidence de la République.
Arrêté pour pour violation des droits de l’homme en 1998, il sera retenu à Londres pendant deux ans, puis autorisé à rejoindre  le Chili en résidence surveillée. Mais  il mourra  en  2006 avant d’être jugé pour meurtres et enlèvements.

C’est un page tragique du Chili encore bien présente dans les mémoires des familles qui ont eu les leurs emprisonnés ou tués. Guillermo Calderón, qui a 41 ans, a donc grandi pendant  la prise du pouvoir par Pinochet,  et son idée est de montrer dans ce spectacle  » que le traumatisme de de la dictature est hérité par les jeunes générations ». (… ) La culture, ajoute-t-il, a tenté de faire œuvre de mémoire ».
Dans le premier volet de ce diptyque : Villa, il y a sur le plateau nu , quelques chaises dépareillées, un bureau en bois et posée dessus, une maquette de la trop célèbre Villa  Grimaldi où eurent  lieu tortures et exécutions de 73 à 90, .et une desserte avec de nombreux verres.  Trois jeunes femmes, dont on apprendra qu’elle font  partie d’un comité chargé de résoudre l’avenir de cette encombrante villa, Grimaldi  discutent pour savoir s’il faut choisir d’en faire un musée, ou bien la laisser en l’état.
En fait, ce qui fait question, c’est tous les ennuis que provoquent, après une période historique très lourde, la mémoire des lieux où se sont passées des atrocités. Et la France n’a pas toujours réussi non plus à bien gérer ce genre de choses. Le village martyre d’Oradour- 650 victimes- incendié par le nazis fut laissé tel quel; Mais on a préféré vite oublier que  plusieurs  lieux parisiens- l’hôtel particulier de la rue Saint-Dominique où était basée la Direction des spectacles du Ministère de la Culture, ou l’Hôtel Lutétia,  boulevard Raspail qui avaient été des centres de torture pendant l’occupation allemande..
Les trois jeunes femmes parlent beaucoup et très vite des différentes options: l’une d’elles craint que l’on ne tombe dans l’esthétisme si l’on veut réhabiliter le lieu et que le musée  ne  soit pas vraiment la forme appropriée.
Et quand, à un moment, elles décident de voter, on ne saura jamais,  parmi les trois,  quelle est celle qui a voté blanc! D’où un sujet évident de grave conflit au sein du trio.  Ce qui, de façon très habile, pose les limites du vote démocratique. La direction des trois actrices est précise, et Francisca Lewin, Macarena Zamudio et Carla Romero se sortent au mieux de l’exercice   périlleux que leur impose Guillermo Calderón; la moitié de son texte  est  assez répétitif   aurait pu nous être épargnée. Et les micros HF,  dont on voit mal une fois de plus ce qui les justifie, n’arrangent rien!

La seconde partie:  Discorso est une sorte de parodie de discours présidentiel, en référence à Michelle Bachelet, Présidente de la république de 2006 à 2010, et  dont le père, général de l’armée de l’air , torturé par les sbires de Pinochet, mourut en prison. Débité à tour de rôle par les trois comédiennes drapées chacune dans un écharpe bleue, blanche et rouge , ce Discorso porte notamment sur la notion, entre autres,  de pardon, de vengeance en politique,  de  révolution  avec ce constat désabusé: « Il n’y a pas de révolution heureuse » ou de pouvoir: « Je suis seulement venue, j’ai gouverné et je m’en vais ».
Ce second texte, lui aussi,  un peu trop long, a cependant le mérite d’aborder les grandes réflexions de fond que pose tout espace dépositaire d’une  mémoire historique. Même avec des phrases courtes et débitées à un rythme très rapide qui lassent vite..

Théâtre politique,  puisque la scène, dit Guillermo Calderón, est le lieu idéal pour penser politiquement?  Sans doute, quand il joue son spectacle au Chili dans des espaces de torture pendant l’ère Pinochet. Mais ici, sur la scène des Abbesses, cela n’est  pas du tout  évident, et ce Villa+ Discurso a un côté sec et démonstratif… Il y manque sans doute une fiction pour dire la réalité de cette époque troublée et de véritables personnages qui donneraient  véritablement vie à ce  spectacle quand même un peu ennuyeux…
Alors à voir?  Oui, pour avoir une idée du théâtre au Chili, sinon on peut s’abstenir…

Philippe du Vignal

Théâtre des Abbesses jusqu’au  19 octobre


Archive pour 12 octobre, 2012

Le Porteur d’histoire

 Le Porteur d’Histoire, texte et mis en scène d’Alexis Michalik.

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©Julien Lemore

 

Ce spectacle a fait salle comble au festival off d’Avignon, et poursuit son chemin au Théâtre 13 qui l’ a co-produit, avant d’aller, chose rare, dans le théâtre privé, précisément au Studio des Champs-Elysées. Preuve en est que les  frontières entre  théâtre privé et public commencent enfin à bouger, comme au Théâtre de la Madeleine qui  accueille Françon  avec La Dernière  Bande de Beckett. Ou le Théâtre de Paris où Marion Bierry monte, avec disons…  beaucoup moins de succès, Le Tartuffe.
Sa recette! Un tissu d’histoire ou plutôt d’histoires qui s’entrecroisent et se complètent au fur et à mesure du récit. Nous assistons en somme, à la réunion de plusieurs conteurs qui emportent les spectateurs dans  différents univers, « qui incarnent, dit Alexis Michalik,  un nombre illimité de personnages fictionnels ou historiques. Au fil du récit, ils deviennent moteurs et instruments narratifs ».
On va ainsi du Moyen-Age à la Révolution et à l’époque contemporaine; il y a des dizaines de  personnages inconnus ou célèbres comme Marie-Antoinette et on se ballade d’un continent à l’autre, du Maghreb à l’Europe,  avec tout le plaisir qu’on peut goûter au conte, ressuscité avec bonheur par Alexis Michalik  qui s’était déjà fait connaître avec deux Skakespeare: Roméo et Juliette et La Mégère apprivoisée Les adultes sont comme les enfants qu’ils ont été et adorent entendre des histoires
C’est un théâtre simple: sur un plateau vide, aucun décor autre que le jeu des lumières,  quelques tabourets, et deux  portants avec  des costumes  utilisés en fonction de chaque personnage. Et surtout avec cinq comédiens : Éric Herson-Macarel,  tout à fait remarquable, qui mène le jeu  et Amaury de Crayencour, Évelyne el-Garby Klai, Magali Genoud et Régis Vallée. Leur présence sur scène  est tout à fait impressionnante et le rythme  qu’ils donnent au spectacle donne une belle énergie au texte.
Qu’importe le ou les sujets de ce récit choral, où les petites histoires individuelles rejoignent la « grande Histoire »,  il faut se laisser emporter dans ce voyage verbal  où notre imaginaire personnel peut se libérer.

Jean Couturier

Théâtre 13 jusqu’au 14 octobre, puis au Studio du Théâtre des Champs Elysées, à partir du 2 février 2013.

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