La dernière Bande

La dernière Bande de Samuel Beckett mis en scène d’Alain Françon

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©Dunnara MEAS

Serge Merlin et Alain Françon renouvellent leur duo complice. Pour  l’acteur, c’est à cette heure voulue de la vie, mais pas n’importe laquelle, quand le poids de l’existence-une existence dévolue à l’art et à la valeur des mots-et le métier de comédien ne se distinguent plus.
Serge Merlin fréquente les grandes œuvres du patrimoine occidental, dont celle de Beckett et il s’est aguerri à son magnétisme poétique comme à sa dimension énigmatique. Et Alain Françon a renouvelé sa confiance à cet acteur accompli,  en pressentant  qu’il était mûr  pour dire et déclamer- de sa  voix rauque et éraillée-cet oratorio qu’est La Dernière Bande.
Un chant dramatique, à la fois profane et sacré qui déroule le cours d’une vie, celle de Krapp, pauvre bougre selon  Beckett,  au moment du bilan et d’une compilation de ses années passées. Vieil homme qui, le jour de son anniversaire,  a pris l’habitude d’enregistrer à cette date rituelle, son journal aussi intime qu’intermittent : « Viens d’écouter ce pauvre petit crétin pour qui je me prenais il y a trente ans, difficile de croire que j’aie jamais été con à ce point-là. »
En réécoutant au hasard–qui n’en est pas un-une bande magnétique vieille de trente ans, l’éclair se fait dans la tête chenue de Krapp  qui se souvient  des moindres états d’âme piquants qui l’ont marqué, dont le souvenir d’une barque à la dérive sur l’eau et d’une étreinte avec une jeune fille qu’il s’empresse d’éconduire : « J’ai dit encore que ça me semblait sans espoir et pas la peine de continuer et elle a fait oui sans ouvrir les yeux. »
Regret, et si c’était à refaire ? L’instant est tellement intense qu’il s’est inscrit à jamais dans la mémoire comme dans le corps de l’amant : « … les yeux comme des fentes à cause du soleil. Je me suis penché sur elle pour qu’ils soient dans l’ombre et ils se sont ouverts (Pause). M’ont laissé entrer. (Pause) Nous dérivions parmi les roseaux et la barque s’est coincée. »
Toute la présence au monde se poursuivra inconsciemment à partir de cette image enfuie. La scène est initiatique et ouvre à la naissance existentielle et au vrai désir de vivre, avec ses fureurs, ses élans et ses amertumes. Beckett est un précurseur, l’un des rares à faire advenir sur un plateau l’écoute attentive du temps qui passe, du présent lourd du poids alloué d’être ici-bas, et  qui fait souffrir et  exalte en même temps.
Avec le son métallique et sec d’un magnétophone, ses allers retours, les variations et les répétitions, les silences et les pauses de celui qui se livre avec pudeur. Un moment de théâtre rare, une ode rageuse à l’amour, malgré tout.

Véronique Hotte

Théâtre de l’Oeuvre  jusqu’au 25 novembre 2012, du mardi au samedi 21h et dimanche 16h.

 

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