Le Fric et les Femmes

Le Fric et les Femmes, en Japonais surtitré en Français, mise en scène de Junko Emoto.

Le Fric et les Femmes photo-1Le public parisien a pu assister à cette création mondiale, avec deux représentations seulement; le spectacle a bénéficié du soutien de la Maison de la Culture du Japon qui a accueilli la troupe,et qui a fait réaliser les décors et le surtitrage.

Kegawazoku, la tribu des fourrures, est une compagnie de filles sans tabous issue de la scène underground de Tokyo”: la phrase du programme est réductrice. Le spectacle est sans doute trop long, (la metteuse en scène revendique cette durée pour installer le chaos), mais se révèle surprenant.
Junko Emoto, lesbienne assumée, aime être entourée de ce qu’ elle nomme, avec humour, “ son harem. Elle revendique la notion de troupe, qu’elle a fondée en l’an 2000, et ses comédiennes y font tout: réalisation des costumes, montage et régie plateau… La situation financière des troupes à Tokyo ne permet pas une véritable professionnalisation de ces comédiennes, qui ont toutes un autre métier. Seule, Junko Emoto, auteur, scénariste pour la télévision, metteuse en scène et comédienne très connue, peut vivre de son art.
Les sept comédiennes et un acteur invité, qui avaient répété à Tokyo dans une petite salle, ont ensuite découvert, sans filage préalable dans le lieu, un grand espace de jeu au milieu de décombres qui évoquaient les suites d’un tremblement de terre…
C’est aussi pour la troupe, un message de soutien qu’elle envoie après le drame de Fukushima. Junko Emoto dit faire du “Pop Théâtre Show”. Mais la partie show du spectacle, plus divertissante, avec une musique rythmée, et dansée par des comédiennes dénudées ou déguisées, occupe une place importante au Japon. En effet, le public de Tokyo, selon elle, apprécie moins les parties dialoguées qui font allusion à des sujets tabous, comme l’homosexualité, la pornographie ou la religion. “Je ne transperce que les jeunes garçons.. Après la prière, torturez-moi à la folie” et enfin “Notre Père qui êtes aux cieux, j’ai joui, merci ! “ Toutes ces phrases reçues avec humour ici, rappellent peut-être aux critiques plus âgés, nos chères années 70 et ses provocations.
A travers cette pièce, j’ai voulu montrer comment font tous ceux qui sont restés sur le côté, comment une société peut se reformer à partir d’un monde détruit”, dit Junko Emoto, est ici, à la base de son travail. L’intrigue, très lisible dans la première partie-beaucoup moins dans la deuxième-importe finalement peu. La découverte progressive des décombres révèle l’existence d’un hôpital psychiatrique et donne une caution réaliste, à cette absurde galerie de personnages très bien interprétée.On découvre, entre autres, une voyante qui devine l’avenir dans le sexe, un samouraï qui se transforme en prêtre, une religieuse obsédée par le sexe.
Une vidéo en noir et blanc, projetée aux milieux des scènes et qui fait référence aux films de Kiju Yoshida et d’Akira Kurosawa, raconte la fable, d“une vraie cinglée”, dans son délire. Il faut être très structuré pour rendre compte du chaos, et c’est le cas pour cette équipe d’artistes. Le Fric et les Femmes, c’est une sorte de vol au-dessus d’un nid de Japonaises, à durée de vie très limitée, qui aura marqué cependant tous les témoins de cette aventure.

Jean Couturier

Maison de la Culture du Japon les 2 et 3 novembre.

 www.mcjp.asso.fr

 » www.kegawazoku.com


Archive pour 5 novembre, 2012

Buchettino

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Buchettino
, mise en scène de Chiara Guidi, adaptation de Claudia Castellucci du Petit Poucet de Charles Perrault.

 

Les (jeunes) spectateurs, par grappes, suivent le chemin tracé à travers le théâtre. Sur le plateau, une cabane nous intrigue. On vous conduit et on vous invite à y pénétrer. Il fait nuit, une lampe centrale, de faible clarté, vous permet de trouver le lit qu’on vous désigne, de retirer vos chaussures et de prendre place, sous la couverture. On se croirait dans un refuge de haute montagne, battu par les vents, l’intérieur est tapissé de lits de bois superposés : cinquante spectateurs, cinquante lits. Vos yeux s’habituent à l’obscurité, vous entrez dans l’histoire. Défense de dormir. Vous ne le pourriez pas d’ailleurs, dans un moment vous allez entendre des choses étranges et qui font peur.

Vous êtes au cœur de la forêt, dans une pauvre maison, où sept enfants et leurs parents, bûcherons, ont froid et faim. Au centre, sous l’ampoule, une actrice conteuse, Silvia Pasello, livre ouvert, raconte, comme à la veillée, ou comme pour l’histoire du soir, avant que l’enfant ne s’endorme. Elle devra maîtriser les trois cent soixante degrés des lits autour d’elle et tous les personnages, et elle le fait merveilleusement, passant par toutes les tessitures, du récitant au Petit Poucet, du père et de la mère, à la femme de l’ogre. L’ogre, lui, tonitruant, crache son texte par les hauts-parleurs, faisant trembler notre maison de bois.
Autour de la narratrice, complices mais invisibles, homme et femme-orchestre, Eugenio Resta et Carmen Castellucci ponctuent l’action de bruits qui font vivre en direct l’action  complémentairement au remarquable environnement sonore enregistré (décor et ambiance sonore de Romeo Castellucci).

Les feuilles, tout près de nous, bruissent et le vent fait siffler la maison,  et on sait plus c’est si votre voisin, dans le lit supérieur, qui tape et qui secoue l’édifice ou si vous vous trouvez vraiment au cœur de la forêt, dans une maison aux quatre vents. Les enfants, sages comme des images  au fond de leur lit, retiennent leur souffle; quelques-uns se dressent ou s’effraient, la nature alentour, inhospitalière, impressionne, même si le coq chante, le matin.
Nous révisons : la misère, l’abandon des enfants, les petits cailloux blancs, les miettes de pain mangées par les oiseaux, et le dernier de la fratrie, le Petit Poucet, malingre et malin qui prend l’initiative et déjoue le destin. Ne parlons pas de l’arrivée chez l’ogre, du parquet qui craque, des couteaux qui s’aiguisent et du massacre des filles de l’ogre, des bottes de sept lieues dont Petit Poucet s’empare en un moment de tension et de frayeur générale, (remarquable mise en scène sonore de Paolo Baldini).
Le conte est cruel, même s’il finit bien. Ecrit en 1697, sur fond de famine et d’un statut de l’enfant bien incertain, et dans un climat mythologique du labyrinthe et du fil d’Ariane. La mise en scène de Chiara Guidi, artisanale en apparence, mais complexe et sophistiquée, tient d’une sorte d’oratorio profane. Buchettino, Petit Poucet pour grand art de la scène, est offert en langue française par la troupe italienne, dans une production de Socìetas Raffaello Sanzio/Romeo Castelluci, en collaboration avec le Teatro Bonci de Cesena. Il ouvre le Parcours Enfance & Jeunesse proposé par plusieurs théâtres parisiens, dont le Théâtre de la Ville.

Avec Buchettino, vous incarnez les personnages, le son vous pénètre partout et vous place au cœur de l’histoire. Quand la narratrice referme le livre, vous remettez vos chaussures et quittez la maison, à pas de loup, juste quand le sommeil allait vous envahir.

Brigitte Rémer


Théâtre des Abbesses du 22 octobre au 2 novembre.  
Teatro Tor Bella Monaca de Rome du 8 au 11 novembre et Teatro Franco Parenti de Milan  du 20 novembre au 2 décembre.
Comédie de Reims/Le Cirque du 11 au 15 décembre.

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Le Citoyen

Le Citoyen de Denis Guénoun  mise en scène d’Hervé Loichemol.

 

Hervé Loichemol avait déjà monté plusieurs pièces de Denis Guénoun,  dont Lettre au directeur du théâtre qu’on avait pu voir à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. L’auteur, metteur en scène mais aussi dramaturge, théoricien du théâtre et professeur de philosophie, a répondu cette fois  à une commande: à savoir, une pièce qui aurait pour thème les déboires de Jean-Jacques Rousseau, réfugié en Suisse, après la publication de l’Émile et du Contrat social publiés en 1762. Mais  la même année,  le Petit Conseil de Genève, au pouvoir exécutif qui remonte  au XIVe  quand des habitants, parmi les plus riches et/ou les plus influents se  sont réunis pour défendre les intérêts de la cité et son économie, condamna ces deux œuvres  à être brûlées  et  leur auteur  sera  mis en prison.
Dans la pièce de Guénoun, une enquête se déroule de nos jours; sur ordre d’une mystérieuse agence, elle a été  confiée à une équipe de trois jeunes gens qui semblent n’avoir aucun don pour leur mission… Auguste, le patron de l’agence, a confié la mission à sa « tête chercheuse », Carlo qui  fait appel à son ami Ahmed, lequel débarque d’Australie accompagné d’une jeune femme et d’un koala qui n’en est pas un.
Cette jeune femme, mandatée par ces mystérieux commanditaires, demande au patron d’une agence de renseignements d’enquêter sur des faits très anciens  et d’examiner comment la publication de deux livres de Rousseau a pu entraîner à Genève un séisme politique qui s’est ensuite  propagé en France puis dans toute l’Europe, et comment la parution de l’Émile et du Contrat social, a été un élément déclencheur de la Révolution française..
Mais, malgré le dynamisme des comédiens-on apprécie surtout Patrick le Mauff, vieux complice de Guénoun-on cherche en vain les traces du grand talent du dramaturge et créateur des compagnies L’Attroupement et Le Grand nuage de Magellan,  avec  des spectacles comme, entre autres,  une remarquable Enéïde d’après Virgile (1982),  Le Printemps(1985), écrit par lui-même. Et, plus récemment La Nuit des buveurs d’après Le Banquet de Platon avec les élèves du Conservatoire national (voir Le Théâtre du Blog) ou Artaud-Barrault à Chaillot…

Edith Rappoport

Comédie de Genève, 6 boulevard des Philosophes jusqu’au 17 novembre.

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