La mouette
La Mouette d’Anton Tchekov, d’après les traductions d’André Markowicz et Françoise Morvan, mise en scène de Christian Benedetti.
Notre amie Christine Friedel vous avait dit ici tout le bien qu’elle pensait de cette mise en scène à bien des égards exemplaire, que Benedetti reprend aujourd’hui pour la troisième fois, avec une distribution légèrement différente. Mais avec le minimum de moyens exigé par la pièce: exit le samovar, les toiles peintes, la musique de cor, la grande terrasse de la maison, la bibliothèque de salon, le jeu de dominos, les valises et les cartons d’Arkadina. Juste quelques chaises tubulaires d’école, c’est à dire probablement ce que le design français a produit de plus banal et de moins intéressant et à des millions d’exemplaires, une table, un drap blanc, une bouteille d’eau et deux verres. et du côté costumes, plus de grandes robes, chapeaux manteaux,parapluies, gants: tous les comédiens sont habillés avec des vêtements du quotidien d’aujourd’hui… Bref le strict nécessaire au jeu.
C’est donc peu de dire que Christian Benedetti a fait le ménage dans les didascalies très précises laissées par Tchekov, mais c’est parfaitement cohérent avec le style de mise en scène qu’il a choisi: sobre, rigoureux, tout à fait crédible, avec pour seul décor, les murs nus de cet ancien entrepôt de vins. Tout est ici fondé sur la seule présence et l’art de l’acteur. Un peu dans la même ligne de cet Oncle Vania monté avec grand succès par Le Théâtre de l’Unité dans un pré ou devant une maison.
Oncle Vania joué en alternance avec La Mouette au Théâtre-Studio par la même équipe. Et il y a bien longtemps que l’on n’avait aussi bien entendu le texte avec ces répliques fulgurantes et ces silences fabuleux où il se passe tellement de choses.
Même si Benedetti a parfois tiré un peu sur le texte (mais il a l’honnêteté de le préciser)qui est joué très vite, trop vite parfois, à tel point que l’on ne l’entend plus bien dans ce cas,les phrases à cause d’une diction approximative. De ce côté-là, cela sent un peu le système et il faudrait arranger les choses.
Mais bon, on ne peut tout avoir et cela fonctionne quand même, en particulier dans les scènes à deux personnages: Macha/Trigorine, Nina/Trigorine, Arkadina/Trigorine, Arkadina/Treplev en privilégiant les gros plans. C’est d’une vérité indéniable et, jamais et depuis longtemps, on n’avait senti une pareille cristallisation des passions et des pulsions sexuelles, chez Tchekov (Arkadina fait même une pipe à Trigorine!Bon…).
Et quand, par exemple, Nina (Florence Janas) embrasse Trigorine (Christian Benedetti), comment ne pas y croire? Impressionnant de vérité et d’émotion! L’équipe de comédiens est des plus solides, même dans les petits rôles, entre autres, Marie-Laudes Emond (Macha) ou Stéphane Schoukroun (Medvédenko); c’est une des bonnes pierres d’achoppement quand il s’agit d’apprécier une direction d’acteurs qui est ici tout à fait remarquable.
Après les approximations d’un Stéphane Valensi avec Le Ministre japonais du commerce extérieur, cette rigueur et cette intelligence scénique font un bien fou! » Tchekov, disait Stanislavski, est notre auteur pour l’éternité ». Rarement, en tout cas, depuis presque un siècle qu’il est joué en France, il n’a été mieux interprété . Nous vous rendrons compte très vite aussi d’Oncle Vania.
Mais le Théâtre-Studio est en danger-sans doute Benedetti n’a pas tout réussi jusque là dans sa programmation-mais ses deux dernières mises en scène ont été saluées par le public comme par la critique.Alors que l’on sait depuis longtemps que ce type de recherche dans de petits lieux comme le Studio Théâtre, à l’écart des grandes institutions, est indispensable à la bonne santé du théâtre contemporain…
Philippe du Vignal
Théâtre Studio, en alternance avec Oncle Vania, jusqu’au 1er décembre.
Et, en tournée, du 11 au 14 décembre au Centre Dramatique National de Thionville Lorraine (57). Le 11 janvier, au Théâtre Jean Marais à Saint-Fons (69).
Les 14 et 15 janvier, au Théâtre Gérard Philipe à Champigny-sur-Marne (94). Du 22 au 25 janvier, à La Scène Nationale de Cavaillon (84). Le 26 janvier , au Centre Culturel La Ferme des Communes à Serris (77).
Le 1er février, aux Scènes d’ Ermont (95). Le 2 février, au Centre Culturel des Portes de l’Essonne à Juvisy-sur-Orge (91); du 5 au 9 février, au Théâtre des Deux-Rives, Centre Dramatique régional de Rouen (76). Le 12 mars, au Théâtre de La Place, à Andrézieux /Bothéon (44).
Le 12 février, au Théâtre de Lisieux (14). Le 15 février, au Théâtre de Fontainebleau (77). Le 2 avril, au Théâtre de Rungis (94). Le 4 avril, au Théâtre du Cormier. à Cormeilles-en-Parisis (95). Le 19 avril, au Centre culturel Aragon-Triolet à Orly (94). Et du 20 au 23 avril, au Théâtre de l’Ouest Parisien à Boulogne-Billancourt (92).