Dark Spring

Dark Spring, d’après Sombre printemps d’Unica Zürn, conception, adaptation et mise en scène de Bruno Geslin.

 

Qu’y aurait-il à commenter ? Ce que l’on entend, ce que l’on voit, c’est le sombre printemps d’Unica Zürn, la vision d’une vie explosée,  à la frontière de l’enfance, comme si tous les possibles avaient été vécus. Unica Zürn décrit les farouches désirs sexuels d’une petite fille, et sa passion amoureuse et fatale pour un homme vu à la piscine. Brûlée, consumée au feu de cette passion, quelle vie peut exercer une attraction aussi forte que la mort ?
Claude Degliame lit ce texte, devant un pupitre, puis un autre, le dit, l’écoute, l’attend. Elle le fait  avec une grande simplicité, rejoignant l’enfance qu’elle porte en elle, avec, en même temps, tous les rôles qu’elle a tenus et qui, eux, tiennent du fantasme. Ce corps-là, vêtu d’un simple robe noire, chaussé de godillots, elle l’a prêté à tout un pan de l’histoire du théâtre, audacieux, sensuel, direct, d’une force qu’on ne peut oublier et qui est là, maîtrisée, contenue dans sa voix. Elle peut être cette enfant qui a tout vécu.
L’image d’une jeune fille l’accompagne de temps en temps, presque illustrative. Surtout environnée par la musique du groupe Coming Soon, grave, presque religieuse dans son énergie juvénile. Et dans une scénographie  indiquant seulement l’espace parfois voilé du dire, dans une magnifique et sombre lumière, avec de très belles images  de plongeurs-oiseaux. Images fantasmées de la piscine de la petite fille, images des âmes volantes et de la mort : on est là dans un pure poésie visuelle.
Le très beau spectacle de Bruno Geslin est  repris au théâtre Paris-Villette. Malgré une inacceptable décision “d’en haut“ ( ? ) de fermer ce théâtre. Rappelons, encore et encore, que le théâtre Paris-Villette a été le creuset, l’écrin du meilleur de la création théâtrale de ces dernières années. On n’alignera pas les noms : allez-y, regardez les affiches qui récapitulent cette fabuleuse histoire, profitez de son sursis, et que les “décideurs“ capitulent, pour une fois, pour leur honneur et pour la très, très bonne cause de l’art du théâtre.

Christine Friedel

Théâtre Paris-Villette 01 40 03 72 23

http://www.dailymotion.com/video/xlzts3


Archive pour 14 novembre, 2012

Juste la fin du monde

Juste la Fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de  Serge Lipszyc.

Juste la fin du monde indexJean-Luc Lagarce est l’un des auteurs  français les plus joués aujourd’hui, devenant peu à peu un auteur populaire, lui qui, de son vivant, était plus reconnu pour ses mises en scènes de classiques que pour ses propres pièces.
Juste la fin du monde met en scène la visite manquée du fils aîné à sa famille : il vient annoncer sa mort prochaine, mais n’ose pas le faire ou n’y arrive pas, et repart oppressé par les petites querelles familiales et les grands malentendus.
Thème essentiel, qui détermine son style d’un parler/écrit toujours en train de se corriger, dans la bouche de tous les personnages, à la recherche du mot si possible, juste. Dans cette famille, on assiste presque à un expérience de laboratoire : l’aîné revient après de nombreuses années, qu’est-ce que cela va produire ? Test avec la petite sœur, volubile, puis avec la belle-sœur, inconnue, gênée avec le cadet, « taiseux  » puis des plus bavards .Quant à la mère, elle essaie juste de tout concilier. Impossible, évidemment.
Avec un fond si riche de malentendus, de gêne, il est tentant d’aller du côté de la comédie, ce que fait aussitôt Lipszyc. Et il n’y va pas avec le dos de la cuiller…Parfois, ça marche, et l’on rit franchement à se reconnaître dans ces ratages familiaux. Mais certaines  scènes relèvent de l’exercice d’école, et d’autres ne s’en remettent pas. Jean-Luc Lagarce, encore une fois, invente sa poétique propre du malentendu, qui a parfois juste besoin d’une simple écoute, sans fariboles, sans explications.
Il est dommage, par exemple, que les hésitations de la belle-sœur soient, dans cette mise en scène, soumises à une mimique de correction grammaticale de l’ “intellectuel de Paris“ : c’est inutilement réducteur, pour l’un comme pour l’autre des deux personnages.
En même temps, on comprend le choix de cette pièce pour l’ARIA (Association des Rencontres Internationales Artistiques ) qui travaille à la formation, au partage entre professionnels et amateurs, à la décentralisation théâtrale dans une Corse, peu gâtée sur ce plan. Mais on aurait aimé que ces missions, au lieu d’être montrées dans le spectacle, décapent, renouvellent la pièce et la lecture qu’on peut en faire.
Mais là, malgré de bons passages de comédie, on reste sur sa faim.

Christine Friedel

Étoile du Nord  21 h. T: 01-42-26-47-47
À 19h30, par une partie de la troupe : Une Entreprise laborieuse, d’ Hanoch Levin

Les Jeunes

Les Jeunes, texte et mise en scène de David Lescot.

 

 

Les Jeunes les-jeunes-photoArtiste associé au Théâtre de la Ville, David Lescot présente actuellement, dans le cadre du parcours Enfance et Jeunesse, deux créations : Quarante-cinq tours(cf. Théâtre du Blog )et Les Jeunes.

Auteur, metteur en scène et musicien, Lescot, avec Les Jeunes,nous plonge dans l’univers des ados et de la musique. Il écrit un texte d’une grande liberté, déjanté juste ce qu’il faut, pour être compréhensible : l’histoire de trois garçons , Igor, Honoré et Jick, qui décident, à douze ans, de monter leur groupe rock, Les Schwartz, avec guitare, basse et batterie. La musique, pour eux ? ”Si le morceau était une voiture, la basse serait le moteur… La batterie ? Ça serait les roues, la guitare ? Ça serait le volant”, et les bons tuyaux qu’ils se passent, valent tous les contrats d’éducation artistique stockés dans les cartons :” Tu laisses la première corde à vide, tu appuies huit fois dessus avec ton pouce, tu mets ton doigt là, tu appuies huit fois dessus avec ton pouce, tu enlèves ton doigt, tu appuies huit fois sur la première corde avec ton pouce, tu mets ton doigt là, tu appuies huit fois dessus avec ton pouce”… etc.

Ils ont la niaque, ces garçons, et des idées ! Seule ombre au tableau et en concurrence directe, un groupe rock monté par trois filles, les Pinkettes, au moins aussi exotiques qu’eux, dans lequel la chanteuse chouine plutôt qu’elle ne chante, normal, “Y a pas de paroles”, justifie-t-elle. « Elles puent la mort !” disent-ils, en roulant des mécaniques, avant de leur rouler des pelles. Ils les observent, comme des entomologistes, et les voilà tous programmés dans un même Festival en Bourgogne, qui finit par tourner court.


Ce sont les mêmes actrices qui interprètent les garçons du groupe Schwartz et les filles des Pinkettes, avec un art du détail qui tue : coup de peigne balayage, petit gilet relooké, tee-shirt sur-ajouté, chaussettes qui relâchent sur les godasses : Jick joue Louna, Honoré devient Ouna et Igor se mute en Lou (Alexandra Castellon, Bagheera Poulin, Marion Verstraeten). Là est une clé du talent de l’auteur, qui nous entraîne, de simulacre en simulation, au rythme chaloupé du changement d’identité. La métamorphose est magique, on y croit à mort, et autant qu’elles : elles sont aussi spontanées en garçons qu’en filles et ont l’air, sur le plateau, de bien s’amuser. Les six jeunes, dans cette installation d’art brut, ressemblent à s’y méprendre, à ceux que vous rencontrez, au square, au collège, dans le métro ou au coin de votre rue, vous n’êtes pas dépaysé. On se croirait dans un studio de répétition ou une salle de concert et trois musiciens jouent in live, guitares, basse et batterie (David Lescot, Flavien Gaudon et Philippe Thibault).

Le texte livre le catalogue raisonné des catégories et marques de guitares électriques : la hollowbody et la solidbody, et vous prend à témoin des polémiques entre adeptes de la Gibson ou de la Fender.

Igor, Honoré et Jick, puis Louna, Ouna et Lou, racontent, chacun à sa manière, dans quel chaudron musical, ils sont tombés, à leur naissance, avec ou sans berceuse, de Led Zeppelin à Duerme negrito, prétexte aussi pour placer le décor, côté parents, petits croquis tendres mais bien has been, un autre monde (Martin Selze et Catherine Matisse sont les représentants du monde adulte) : “En ce temps-là, tout le monde veut être jeune. Et tout le monde veut être comme les adolescents. Tout le monde veut être adolescent. Aux adolescents, on donne tout. On prête tout. On vend tout. Mais aux adolescents, on prend tout. On vole tout ”.

Trapier, le manager propose ses services et propulse les Swartz du Printemps de Bourges à l’Olympia-première partie, puis au Zénith, les journalistes traquent. Une galerie de personnages défile de l’Ingé Son au chanteur de las Putas, du choeur du Public au chœur des Fanatiques. Les choses enflent, garçons et filles ne touchent plus terre, jusqu’à ce qu’aussi vite, tout se délite : ça parle d’absentéisme au collège, de défonce et de médicaments, d’extrêmes.

Le père d’Honoré fait une entrée remarquée et assène à son fils une râclée publique bien alignée, quoique tardive, avant de l’enfermer. On retrouve Louna, aphasique et anorexique, dans une clinique, après burn out, dépression et déconnexion… Le tableau s’assombrit et c’est un peu bâclé.

Le spectacle nous plonge dans le monde des ados, et de plein fouet, avec un texte rythmé où se côtoient l’humour et la violence, mais l’alphabet est codé : détournement, évitement, étanchéité entre générations, transgression, rites d’initiation, recherche d’appartenance, territoires symboliques, tel est ce temps des tribus, du clan, du pacte, des “riffs” sanglants, leur vérité, leur sociabilité.

Comme le dit Michel Serres : « Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout ré-inventer : une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d’être et de connaître…. Ils n’ont plus la même tête. Ils n’habitent plus le même espace. Ils n’ont plus le même monde mondial, ils n’ont plus le même monde humain  », dont acte.

Brigitte Rémer

 

Théâtre des Abbesses, du 8 au 24 novembre : 8, 9, 10, 24 novembre, à 15h – 13, 15, 16, 19, 20, 22, 23 novembre, à 14h30 – 13, 16, 17, 22, 23, 24 novembre, à 20h30, puis en tournée en France.

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