Journée hommage à Dominique Bagouet
Journée hommage à Dominique Bagouet au Théâtre de la Ville.
Dans le journal du théâtre de la Ville 89/90, Laurence Louppe écrivait de Meublé Sommairement, adaptée d’un texte d’Emmanuel Bove: « occuper par le mouvement la durée littéraire; confronter l’écriture chorégraphique à l’écriture tout court, faire circuler d’un mode d’expression à l’autre des articulations, des rythmes, des images, des flux ». Cette année, Laurence Louppe a rejoint dans cet ailleurs inconnu, Dominique Bagouet, figure emblématique de la nouvelle danse française décédé du sida il y a vingt ans.
Le Théâtre de la Ville rend hommage au chorégraphe dont l’association Les Carnets Bagouet, créée après son décès par les membres de sa compagnie, préserve et diffuse son œuvre. Son activité pédagogique au sein du Centre chorégraphique national de Montpellier qu’il a créé et dirigé était importante, et logiquement,une partie de cette journée a été consacrée à des ateliers-danse.
Une reprise, selon les termes de Catherine Legrand et Anne-Karine Lescop, responsables du projet) de Jours étranges avec dix adolescents de Rennes est aussi programmée. L’écriture initiale de ce ballet dans l’espace et dans la gestuelle ne se retrouve pas obligatoirement ici, car il s’agit plus d’une recréation, qui veut nous faire redécouvrir un spectacle de 1990, créé à partir d’ improvisations sur la musique Strange Days des Doors.
Le public a accueilli avec joie ce spectacle ludique, reprenant pour lui cette réflexion du chorégraphe sur Necessito, pièce pour Grenade qui fut son dernier spectacle: « Ne pas célébrer mais jouer au sens noble du terme, au sens de jeux comme le sont les feux d’artifice ou les mosaïques ».
Deux films de Charles Picq ont été aussi projetés, ainsi qu’une captation de Jours étranges et Planète Bagouet qui montre l’œuvre de ce artiste très novateur. Une rencontre animée par Jean-Marc Adolphe Danseurs, traces vivantes du chorégraphe, a posé la question de la transmission d’une œuvre chorégraphique contemporaine. En effet, jusqu’à la naissance des Carnets Bagouet, la danse contemporaine française avait privilégié la création. Depuis la disparition de Bagouet, elle a engagé une réflexion sur la notion de répertoire et sur la manière de le diffuser.
D’autres troupes, comme celle de Pina Bausch ou de Merce Cunningham après leur disparition, y ont été depuis confrontées, avec des solutions différentes et l’expérience de la compagnie Bagouet a ouvert des champs de recherche sur le décryptage de la danse.
Cette journée s’est terminée par Noces d’Or ou la mort d’un chorégraphe, un film émouvant de Marie-Hélène Rebois, où parlent quelques témoins de cette création interrompue par le décès brutal du chorégraphe. Noces d’or fait ainsi revivre son enfance et ses parents dont il venait aussi de fêter… les noces d’or. Jean Rouaud, qui y a collaboré, apporte aussi son témoignage, ainsi que ses danseurs, sa sœur, et son frère à qui Bagouet écrivait: « Je suis si frêle, si léger, qu’à peine posé le pied au sol, je m’envole ». Ce qui lui est arrivé; il avait 41 ans!
La destinée des grands artistes est souvent courte: c’est ainsi que se fondent les mythes…
Jean Couturier
Jours étranges (version 2012) au Théâtre de la Ville jusqu’au 20 novembre.